Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 août 2013 1 12 /08 /août /2013 11:30

Une visite récente à Istanbul m'a permis de revisiter ce musée d'Art Moderne, l'Istanbul Modern, que j'aime beaucoup. Il est situé sur la rive européenne et dispose d'un excellent café-restaurant qui mérite à lui seul aussi la visité pour sa cuisine et sa vue imprenable sur le bosphore.

Les oeuvres présentées si-dessous sont parmi celles que j'ai le plus appréciées :

 

Fausto Zonaro est un artiste italien (j'écris au présent car les artistes ne meurent jamais) qui a vécu à Istanbul à l'époque du sultan Abdülhamid II (1876 - 1909), et qui a produit un travail dans un mode orientaliste, cher à l'époque. En reconnaissance de son talent, Zonaro est devenu l'artiste "attitré" du Sultan en 1897 et a peint alors un certain nombre de portraits de la cour impériale. La toile 10 Muharrem (Ashurah) représente des derviches qui se flagellent lors de la traditionnelle cérémonie paroxystique qui commémore la mémoire du martyr de Husayn Ibn Ali, le petit-fils du prophète Mahommet lors de la bataille de Karbala le 10 Octobre 680. Pour les musulmans de la région, c'est généralement un jour de repentance et de punition collective, d'autoflagellation, pour "partager" la souffrance d'Husayn Ibn Ali et proclamer sa foi. Le point de vue du peintre semble ici immergé parmi les repentants. La lumière est traitée sur un mode monochromatique, la lueur rouge-orangée des flammes dans la nuit. On sent le caractère extraordinaire et sacré, maitrisé de la procession, renforcé par la posture docte du prêtre qui avance solennellement. Sur la gauche à l'avant-plan un détail qui peut paraitre presque incongru mais qui ajoute au mystère, deux femmes qui prient ou chante. Il y a une ambiance extra-ordinaire qui se dégage de cette grande toile. Grâce à Zonaro et à la protection du Sultan dont il bénéficie et qui lui a obtenu la permission de représenter des scènes au caractère très privé et sacré, le spectateur peut être le témoin d'une cérémonie à la ferveur religieuse extrêmement intense et baignée d'une ambiance quasi irréelle. 

The 10th of Muharrem

 

 

 

Nedim Günsür (1924 - 1994) a étudié aux Beaux-Arts d'Istanbul sous la direction de Bedri Rahmi Eyüboglu. A la suite de quoi, il partit rejoindre, comme son professeur l'avait lui même fait, l'atelier parisien de André Lhote durant quatre années. A son retour, il quittera Istanbul pour enseigner à Eregli sur la mer noire, une région riche en mines de charbons. Il sera très marqué par la difficile condition de vie des mineurs. Son tableau "Mineur" représente la figure forte, presque héroïque d'un mineur qui apparait au premier plan, le visage taillé et contrasté comme une sculpture. Derrière la mer, le port et les navires apparaissent mais n'ont rien d'un paysage idyllique. Tout semble imprégné par la poussière grise, la houille, même l'eau grise. Günsür rend ici hommage à une sorte de superhéros des temps modernes qui par son labeur permet une vie meilleure au plus grand nombre. Nous sommes en 1957 et le progrès est en marche avec ses armées de travailleurs et de sacrifices.  

Mineur - 1957

 

 

Yuksel Arslan (1933 - ) a étudié au département d'histoire de l'art de l'université d'Istanbul. Son amour de l'art lui même le poussa a quitter ces études pour devenir lui même un artiste. Arslan a développé un style, critique, satirique de la modernité sociale. Il a développé son propre style, influencé aussi bien par la calligraphie, le théâtre d'ombres, le marxisme et les théories freudiennes de la psychanalyse. Ici dans son oeuvre " Process de Production Capitaliste 1", il montre de façon caustique l'impact du capitalisme sur l'individu. Dans une usine ou les ouvriers sont semblables et ravalés au rang de machines à l'apparence standardisée, deux industriels au premier plan à droite discutent, l'un d'eux a une pièce de monnaie à la place du visage,... On est dans la caricature satirique.

Process de Production Capitaliste 1 - 1972

 

 

 

Nury Iyem (1915 - 2005) a été étudiant a l'école des Beaux-Arts d'Istanbul en 1933. Il est connu pour avoir était un observateur très attentif de la société et de ses transformations. Dans son travail, il essaie d'être très "proche" des gens, pour peindre au mieux ce qui l'intéresse et le montrer : les visages et leurs expressions, l'intérieur des maisons, les paysages de campagne ou urbains, les faits sociaux, etc. Ses toiles recherchent l'harmonie et sont très habilement réalisées dans leurs plans, contrastes, compositions, textures. Nury Iyem est très connu pour son travail sur les portraits de femme. Les paysannes est une grande toile qui m'a vraiment marquée du fait de la taille des visages de femmes qui y sont représentées, l'une de face, l'autre à moitié de profil et la dernière de profil. Des hommes, dans le paysage en arrière plan marchent au loin sur une petite route au milieu des champs. On ne sait ce que pense ces femmes mais on sent tout le poids la tradition dans cette toile. On peut s'imaginer mieux leur vie, s'en rapprocher en les regardant. Les couleurs de la toile, sont très belles, harmonieuses et cette beauté adoucie la  vie. 

Les paysannes

 

 

 

Après ses études aux Beaux-Arts d'Istanbul avec le professeur Léopold Lévy, Avni Arbas (1919 - 2003) a passé ensuite trente années à Paris à étudier différents styles sans en adopter plus précisément un particulier. Il a créé le sien dans lequel il dissout les éléments de réel  dans la peinture, rend les détails invisibles mais présents. Restent des traces, des impressions qui placent ses oeuvres entre l'abstraction et la figuration. Il travaille sur des motifs qui lui sont chers, rend les éléments naturels palpables comme ayant une vie propre. C'est le cas de la mer et du brouillard sur sa très belle oeuvre "Le bateau". J'aime cette peinture  intemporelle, qui ne peut que "parler" à tous les marins qui aiment le monde poétique du voyage en mer, les départs et les retours, l'isolement du monde, la fraternité de l'équipage,  "seul au monde", le face à face avec l'immensité, l'aventure.

Le Bateau - 1955

 

 

 

Bedri Rahmi Eyüboglu (1911-1975) est un artiste turque important dans l'histoire contemporaine du pays. Il est connu pour s'être essayé à différents modes de représentation, les mixant parfois, peinture, mosaïque, céramique, représentations murales, calligraphie, sérigraphie, etc. Durant sa jeunesse, il est venu à Paris et a travaillé dans le studio d'André Lhote par lequel il a été très fortement influencé.

La toile "Café House", résume un certain nombre de ses expériences et influences. On peut par exemple ressentir l'influence de Matisse et de Dufy à travers le choix des couleurs, comme la table rouge et la composition.Beaucoup d'éléments folkloriques sont aussi présents dans le tableau, les habits, motifs, symboles, de la culture turque. Des personnages de la toile se dégagent des impressions différentes : les deux figures du centre semblent là pour se reposer, prendre un peu de temps hors de la pesanteur du monde, celui de gauche, pale et droit semble plus élevé, presque dans une posture méditative, inspirée. A droite le musicien est dans son monde, celui de la musique.

Coffeehouse - 1973

 

 

 

 

Orhan Peker (1926 - 1978)  fut l'élève de Bedri Rahmi Eyüboglu. Sur cette magnifique toile, peut-être ma préférée dans ce musée, un  garçon  garde  le fruit de sa pêche, trésor quotiden. les deux chats à coté observent le plateau avec intérêt probablement prêts à se servir à la moindre inattention du jeune homme. La composition du tableau est intéressante, on se sait si l'arrière plan est la mer sombre ou un muret auquel serait adossé le garçon. Il semble perdu dans ses pensées. La scène se passe probablement au crépucule à un moment où certaines couleurs se fondent. 

Le jeune pêcheur et les chats - 1976

 

 

 

Azade Koker (1949 -) . Après son diplôme des Beaux Arts d'Istanbul, elle part faire ses études aux Beaux Arts de Berlin étudier la céramique et le design industriel. Dans cette oeuvre monumentale, Köker montre un paysage de forêt mais si on s'approche plus prêt on s'aperçoit qu'il est composé par la surimpression d'une multitude de cranes. Et suggère au même titre que son oeuvre la recomposition de la vie et les âmes dont est habitée la nature. Quelque chose de mystique se dégage de cette oeuvre intéressante, philosophique, qui m'a fait la même impression qu'une ballade dans un magnifique cimetière au Japon sur les Monts Koya, lieux sacrés du bouddhisme.

Paysage du Silence - 2010

 

 

 

Ghada Amer (1963 -) est née au Caire en Egypte. Jeune, ses parents ont déménagé en France et elle a étudié l'art à la Villa Arson puis à l'international à Boston. Elle vit à New York. Le travail d'Amer questionne les clivages politiques entre l'Est et l'Ouest et entre les Hommes et les Femmes. L'oeuvre de l'artiste est composée de fils cousus sur des toiles de peinture acrylique. l'oeuvre ici exposée ressemble a un rideau aux motifs répétés. Il faut s'arrêter quelques minutes devant elle pour voir se détacher progressivement des figures de femmes, un arrière plan très érotique ici en l'occurrence. C'est subtil et excellent.

Sunset in Isfahan

 

 

 

Ahmet Ertug (1949 - ) a étudié l'architecture à Londres. Il a ensuite commencé a étudier la photographie avec des projets notamment sur l'architecture perse ancienne et celle traditionnelle du Japon. A son retour à Istanbul, il s'est intéressé à l'héritage Romain, Byzantin et Ottoman. Ses photos d'architectures, sculptures et paysages prises à l'aide d'un grand format 20x25 montrent précisément les couleurs et les détails dans toute leur diversité.  Dans son travail sur les domes, Ertug a photographié l'icone byzantine par ecxellence, la sublime église Sainte Sophie. Ertug nous offre avec ces photographie un merveilleux point de vue sur ce monument qui mérité largement d'être qualifié de huitième merveille du monde.

Dome, Hagia Sophia

 

 

 

 

 

Ramazan Bayrakoglu (1967 - ) a étudié aux Beaux-Arts de l'université de Dokuz Eylül.. Bayrakoglu s'est intéressé au retravail sur des objets, photographies pré existantes. Il prend des choses marquantes et les retravaille pour leur donner un caractère plus fort, une sorte d'hyper réalité d'où peuvent naitre des impressions plus puissantes. Ici sur cette maison en feu, ce sont les thèmes de l'impermanence, de la disparition possible de toute chose matérielle qui frappent. Quand on s'approche de la photographie elle semble avoir été reconstruite comme un gigantesque puzzle à la surface brillante. Décomposition, recomposition, le processus de vie bien sûr.

Feu - 2010

 

 

 

 

Sabire Susuz (1967) a fait des études de peinture à l'université de Dokuz Eylül. Elle a beaucoup travaillé sur les processus de reproduction d'éléments pour les recombiner dans un tout. Des études en biologie l'ont aussi orientée vers l'émergence de formes complexes à partir de cellules élémentaires. Ici, silhouette inquiétante de ce grand requin est composée à partir d'une multitude d'étiquettes de vêtements de marque.

Au spectateur d'en comprendre le message...

Shopping - 2011

 

 

Partager cet article

Repost0
6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 17:23

Visite récente au Musée d’Art Moderne de Bangkok, le MOCA (Museum of Contemporary Arts).

 

Il est toujours intéressant de visiter le musée d’art moderne pour compléter sa  visite d’un pays. Les œuvres exposées permettent de mieux percevoir, comprendre, interroger,  à travers les points de vue des différents artistes souvent étalés sur quelques décennies, la culture du pays, la liberté d’expression, les systèmes de valeur, les problématiques sociales, la modernité, l'évolution etc.

 

La Thaïlande est un pays très traditionnaliste, dont les habitants respectent et honorent le monarque Rama IX. Ils sont en très grande majorité bouddhistes. Les représentations bouddhistes du pays sont souvent mêlées à un fond d'indouisme en une étonnante synthèse où l’on peut voir par exemple Ganesh et Bouddha cohabiter.

 

Les Thaïlandais sont respectueux des rites religieux, portent une grande attention à la relation humaine et à l’hospitalité et, à mon sens, la culture bouddhiste a apporté beaucoup d’harmonie et de douceur à leur comportement. Il y a quelque chose d’à la fois spirituel et déterministe dans leur comportement, et qui va peu porter à la critique, à la remise en question, à la question tout simplement. C'est une acceptation assez douce et simple du moment présent et une recherche de l'harmonie. Ce préambule pour planter un décor, une ambiance avant d’explorer plus avant quelques œuvres vues au MOCA (sachant que ma tendance naturelle me porte plutôt à chercher des éléments de  critique sociale ou non conformistes).

 

Le MOCA a été créé et financé récemment (ouverture en 2011) par l'homme d'affaire, magnat des télécoms, Boonchaï Bencharongkul, esthète et passionné par les Arts. Ce dernier présente son projet comme une volonté de présenter l'art moderne thaïlandais et de rendre hommage au roi Rama IX  ainsi qu'à l'artiste italien le Professeur Corrado Ferroci (Silpa Bisrahi 1892-1962) qui vint enseigner les arts en Thaïlande en 1922 à l'invitation du roi Rama VI. Une grande partie des oeuvres exposées ont été réalisées par les élèves du Professeur Silpa Bisrahi. On comprend que dans ce contexte très traditionnel et respectueux de la Royauté et de sa société, les oeuvres ne se livrent quasiment pas à la critique sociale, mais présentent plutôt des thèmes philosophique, religieux, naturels, emprunts de tradition. La critique quand elle apparait parfois sur les tabeaux est "générique" et aucunement spécifique. On exalte la vertu et condamne le vice mais ceci du point de vue général, humain, philosophique, dans la globalité et absolument pas spécifique.

 

 

  J'aime beaucoup les dessins et peintures de Chalood Nimsamer (né en 1925). La majorité des oeuvres exposées représente des jeunes femmes stylisées, douces et souriantes, visiblement heureuses. Il se dégage des oeuvres une véritable tendresse qui m'a marqué. Je me suis demandé si quand il avait peint ces dizaines de portraits qui se ressemblent il avait pensé à une personne chère en particulier comme sa propre fille par exemple tant l'amour de ces portraits se dégage du travail.

 

Plant-Angel-1.jpg

 

 

 

Les oeuvres de Surasit Saokong (né en 1949) sont empruntes de spiritualité et de recherche de paix intérieure à travers l'ascèse, l'étude et la vertu..

Serenity est le titre de l'oeuvre ci-dessous :

 

 

Serenity

 

 

 

Un peu plus "moderne" sur la thématique bouddhiste, j'ai remarqué l'oeuvre étonnante de Thongchai Srisukprasert (né en 1963), Buddha's enlightment. Dans une étonnante convergence spatio-temporelle, le peintre dessine le mouvement du "tout", de la multitude des vies et des expériences, vers l'illumination de Bouddha. En observant bien la peinture on y distingue nombre de motifs appartenant à toutes les époques, antiquité grecque, romaine, mythologie, moyen-âge, oeuvre artistiques signifiantes, vies héroïques etc. fusionnant vers l'aboutissement ultime de l'expérience. 

 

  Buddha's enlightment

 

 

Sompob Butraj (né en 1957) dans la toile ci dessous représente Sirima, célèbre séductrice prostituée irrésistible de la mythologie Bouddhiste, repentie et convertie à la foi puis fidèle disciple du Bouddha. L'histoire dit que certains moines toujours perturbés par son charme tentèrent de la séduire et lui offrirent des présents pour obtenir ses faveurs. Et puis soudainement elle mourut. Le Bouddha, convoqua alors la foule des fidèles devant son cadavre en décomposition et demanda qui était maintenant prêt à payer pour en jouir.

Un certain nombre de toiles  modernes du musée sont vraiment proche de l'esthétique heroic fantasy.

 

Beauty-of-Sirima.jpg

 

 

 

J'aime beaucoup les peintures de Damrong Wong-Uparaj (né en 1936), ici Fisherman Village.

Les huttes sont vides mais le village bien vivant comme en témoignent les différents objets posés sur le sol. On ressent en regardant la toile la chaleur du soleil et la force de l'océan. Le bleu est lourd, presqu'écrasant de puissance par rapport à la vie discréte. 

 

Fisherman-Village-2.jpg

 

 

 

Somwong Thapparat (né en 1951)   dans son oeuvre Pak Kred parvient à bien représenter l'atmosphère marine typique de la  Thailande.

 

Pak-Kred.jpg

 

 

 

"Wat Prakaew" de Yutthasak Roikanchan (né en 1980) est une oeuvre saisissante car emprunte d'energie. On "sent" les courants qui parcourent le temple qui semble abandonné, ré investit par la nature. La force du sacré y est très présente et la peinture sensible la rend apparente.

 

Wat-Prakaew.jpg

 

 

 

 

  Worason Supap  (né en 1967) dans sa toile monumentale 5:45 AM montre la vie à l'aube de plusieurs familles de  logeant dans leur bateau. La toile est gigantesque et il faut vraiment se déplacer vers chaque scène pour y observer les détails de vies intimes, familiale.

 

5.45-AM.jpg

 

 

  Plus "modernes" et moins conventionnelles, les oeuvres suivantes m'ont vraiment marqué  :

 

Tout d'abord "Femme" de Weerasak Sassadee (née en 1979). Il y a quelque chose de très "amazone" guerrier dans la série présentée par l'artiste. La nudité y est assumée et une véritable force se dégage du prortrait.

 

Lady.jpg

 

 

 

 

"Le baiser" de Samsak Raksuwan pose la question du désir sexuel et de son rapprochement à la condition animale. On ne peut bien sûr en tant que visiteur de Bangkok que penser en même temps qu'à cette toile à la question du tourisme sexuel et à l'avilissement correspondant, des "consommateurs".

 

Le-baiser.jpg

 

 

Les oeuvres de l'artiste Lumphu Kansaona (femme née en 1983) sont curieuses et soumettent le spectateur à une forte interrogation. Par exemple Grandma's happiness. On se demande ce qui est fêté et on est saisi par les doigts vieillis, les bijoux, et les visages heureux. Il y a quelque chose de sincère et de vil dans la scène matérielle. Qu'en penser ? Et pourquoi devrait on juger de ce qui doit ou peut rendre les gens simples heureux ?

 

Grandma-s-Happiness.jpg

 

 

Et encore du même artiste "Songkran", quelque chose de  vulgaire se dégage de cette scène d'amusement général, mais quoi en réalité ? On ressort de là avec une interrogation bizarre supplémentaire.

 

Songkran.jpg

 

 

Le "Fruit" de Patcharapong Meeslip (né en 1984) est vraiment saisissant. On comprend bien que ce n'est pas n'importe quel fruit. Le caractère hyperréaliste poussé à l'extrême dans les détails fruitiers, les couleurs, textures et reflets mouillés met en exergue plutôt qu'il ne dissipe le goût érotique suave de fruit. C'est tout simplement excellent !

 

Le-Fruit.jpg

 

 

Une oeuvre plus légère de Ummarin Buppasiri "Mirror N°5". Ce qui était amusant, alors que j'observais cette peinture de loin, c'était le groupe d'écolières thailandaises en uniforme qui était assis près de l'oeuvre, la regardant et la commentant en un curieux effet miroir supplémentaire. Il y avait quelque chose d'absolument improbable et cocasse à cette scène globale.

 

Mirror-N-5.jpg

 

 

Maintenant un peintre extrêmement intéressant, peut être mon préféré lors de cette exposition, Pratheep Kotchabua (né en 1962).

La toile "When Man Ignore Art" montre l'artiste en bas sur le coté droit en train de réaliser son oeuvre. Les Dieux de la tradition Indoue l'observent avec circonspection, semblant interroger son travail.  Evidemment la question posée est celle du véritable créateur et de la position spirituelle de l'artiste.

 

When-Men-Ignore-Art.jpg

 

Dans Dreamland 2, la scène onirique montre des femmes pressées comme des tubes de peinture d'où gicle de nouvelles créations. La matière y semble dégoulinante, gluante de vie. Une femme a qui je montrais ces photos a dit spontanément en rigolant et en montrant du doigt les jets de peinture, "sperm" . L observation était particulièrement pertinente pour parler de la fécondité jaillissante.

 

Dream Land 2

 

Enfin, une oeuvre qui semble avoir quelque parenté avec un enfer de Jérôme Bosch, et dont le titre est "Out of Buddhist Lent".  L'évidence est là : sans la perception philosophique et religieuse apaisante, la vie est montrée telle qu'elle est, c'est à dire dans toute sa multitude grouillante, violente et souffrante,  en perpétuelle recomposition darwinienne quasi infernale .

 

Out-Of-Buddhist-Lent.jpg

 

 

En résumé, cette visite a très agréablement complété mon voyage en Thaïlande. Les oeuvres présentées exaltent la tradition, la religion et l'attitude bouddhiste. Elles sont souvent empruntes d'une grande tendresse et il se dégage quelque chose de très spirituel de cet ensemble.

Partager cet article

Repost0
5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 22:47

Architecture. Traditionnelle dans la majorité du Japon . Des toits typiques de la forme de ceux des temples ou des portes shintoïstes. Souvent des doubles toits, en décrochage ou multiple comme ceux des pagodes. Dans les maisons traditionnelles, faites toutes de bois, la circulation se fait par les parties les plus externes. Les couloirs sont ouverts, parfois en plein air et les pièces sont à l’intérieur. A Tokyo exubérance. Pas d’urbanisme semble t-il et une liberté totale des architectes qui peuvent créer de toute pièce l’immeuble qu’ils souhaitent sans contrainte. On peut alors parler de « l’immeuble Apple », « l’immeuble Toyota » tant ils sont différents les uns des autres. Pas de nom des rue. On se repère à partir de lieux significatifs dans des blocs. Les japonais aiment dessiner des plans.

 

Cuisine – gastronomie. C’est véritablement le grand voyage, la grande découverte du Japon. Il y a bien sûr en jeu les sushis, les sashimis que nous connaissons en France mais ici ce qui est extraordinaire c’est la variété des gouts et des textures. La fraicheur qui confine au culte. Les japonais vouent un tel culte à l’art de bien faire la cuisine qu’il y a nombre d’émissions de télé-réalité du genre star-ac sur l’art de faire parfaitement les Soba, Udon, Ramen, c'est-à-dire plats de nouilles en soupe ou autre. Les Tempura sont des beignets délicieux et très légers où la farine reste très fine et délicate laissant apparaitre le met, poisson, légume qui a été recouvert de cette fine dentelle culinaire. Le Tofu aussi bien sûr. Cuisine végétarienne inspirée par celle des moines bouddhistes. Il y a toute une gamme de texture et de saveurs à base de tofu qui peut être consommé froid ou chaud, assaisonné ou non, à base de soja ou de sésame etc… Hum. Et puis en dessert ne pas oublier les savoureux gâteaux aux haricots rouges.

 

Prendre le train peut être aussi l’occasion à un régal. Plutôt que de fades sandwiches, parfois rances, au jambon-beurre de par chez nous, là d’alléchants coffrets-repas, beaux comme des œuvres d’art appelés ekiben ou bento. Ils sont composés d’assortiments de mets variés (poissons, riz, prunes salées, légumes marinées, omelette froide, sushis etc…). Ceux-ci sont si bons que souvent les Tokyoïtes demandent à leurs amis de province de leur rapporter un ekiben d’un week end en province…

 

Education. Voir pour comprendre les ressorts qui font du Japon la deuxième puissance économique mondiale. Une excellente éducation générale, une recherche de la perfection, une esthétique du geste, du travail bien accompli, un sens de l’esprit d’équipe, un honneur de servir ce qui est derrière ce mot dénaturé dans nos bouches de vendeurs qui ramènent trop souvent toute relation à une transaction, à une utilité – des Clients.


Futons. A même le sol. Un peu froid en hiver et mal sur les cotés le matin. Nos hanches sont encore trop anguleuses pour être en harmonie avec ce sol.


Gestes. Tout métier, toute fonction à ses codes, ses gestes qui sont montrés, démontrés, pour donner à voir la parfaite maitrise, faire montre d’une fierté corporatiste. Du conducteur de Shinkansen lancé à 300 km/h qui tend son bras depuis sa cabine transparente au signal qu’il va dépasser à toute vitesse, au chauffeur de taxi droit dans son costume de pilote de ligne et qui dans une attitude parfaite, et une gestuelle exemplaire dans sa conduite montre qu’il est au commande d’un vaisseau en droite ligne vers sa destination. Du cuisinier qui officie dans un cérémoniel parfait, au moine bouddhiste qui disperse l’encens comme une offrande à l’existence.

 

Haïkus. Forme très brève de poésie, en trois temps, sorte d’instantané de la réalité. Le propre du haïku, très court, est de ne rien expliquer, de donner à ressentir un instant en abolissant le sens de la raison.

 

Hiroshima. Je n’éprouve aucune sensibilité pour la misère et la souffrance des adultes. J’ai été dans ce musée dans le parc près du dôme au dessus duquel la bombe atomique a explosée. Tout a été soufflé dans un rayon de près d’un kilomètre, sauf le dôme qui se touvait à 500m à la verticale au dessous de l’impact. 100000 morts sur le coup, quasiment disparus, fondus, 50000 dans la semaine qui a suivi du fait des brulures et des radiations. Mais ce ne sont encore dans ma tête que des chiffres. Dans le musée sont présentés les effets de la bombe. Des photographies de la ville, des maquettes d’avant et après. Tout va bien. Et puis il y a cet escalier en pierre montré tel quel. Une ombre noire légère dessus. Il est indiqué que quelqu’un se tenait dessus lors de l’explosion et qu’il ne reste plus qu’une ombre, rien. Son corps s’est désintégré et ce qu’il en reste a été absorbé dans cet ombre. Une ombre que je regarde. Jusque là tout va bien. Et puis il y a cette histoire d’enfant née après Hiroshima atteinte d’un cancer, une leucémie. Elle est persuadé qu’elle va guérir. Il y a des photos d’elles. Pour se donner du courage elle fait des pliages, des petits origamis d’oiseaux, des centaines, des milliers, et puis elle grandit, elle lutte et doit avoir treize ou quatorze ans. Et ses pliages rapetissent au fur à mesure que la maladie progresse. De tous petits oiseaux en papiers. On la voit une dernière fois avec ses amies, ses camarades de classe. Elle sourit. J'essuie mes larmes. Il peut bien y avoir des millions de morts adultes sans que ça ne me fasse rien et je suis affecté par un seul enfant.

 

Identité. Une identité curieuse qui mêle la modernité et particulièrement la technologie aux conservatismes séculaires. Très peu d’étrangers dans le pays. Le Japon et les japonais se suffisent à eux même, et il est demandé aux rares étrangers qui travaillent la bas, de se faire discret. Quasiment aucunes traductions en anglais ou autre, impossible sauf en de très rares hôtels à Tokyo de trouver de la presse étrangère.


Jardins. Le jardin japonais est une œuvre d’art. Alors qu’en occident les fleurs constituent l’élément principal des jardins, elles sont absentes des jardins japonais qui privilégie des éléments de la nature plus pérenne : mousses, pierres, eau. Le jardin reproduit souvent un autre paysage naturel, miniaturisé et stylisé. Il existe des jardins Zen, pour la méditation, dans un esprit de dépouillement total. Des arrangements sont faits avec des pierres, du sable. Le minéral, symbole de l’éternel y est sublimé donnant parfois des illusions de mouvement et de vie.

 

Onsen – Bain très chaud, issu de sources volcaniques naturelles. A la limite du supportable, à se demander si parfois on en ressort vraiment indemne, sans dommage irréversible. C’était la première fois que je sortais d’un bain avec un sentiment de brulure au moment où les membres ressortaient à l’air libre ;-).

 

Riz blanc immaculé, accompagne les plats comme le pain chez nous. Blancheur qui ne doit pas être souillée par les sauces diverses, colle un peu, juste ce qu’il faut pour pouvoir tenir en grumeau sans se désintégrer en chemin vers la bouche, et pouvoir se découper facilement avec les baguettes sans trop coller

 

Samouraï, une merveilleuse esthétique dans les vêtements, les parures, un code de l’honneur rigoureux, une sensibilité shintoïste jusque dans les casques, dont les ornements animaux (cornes, crocs etc) tentent de signifier au plus près le caractère de celui qui les vêt et de lui apporter la force totale du signifié totémique.

 

Sushis, ce n’est pas tant que le goût qui est en jeu, ni les couleurs, que les textures de la chair, extrêmement variées. Une obsession de la fraicheur qui peut tourner pour nous, à la cruauté puisque tout se fait en transparence, exorcisant par la même l’acte sacrificiel, et rendant au visible la provenance de l’énergie vitale. Un respect cruel loin de ce qui se fait dans l’arrière boutique du marché de masse, loin de l’hypocrisie.

 

Temps. Une rigueur extrême vis-à-vis du temps. Le japonais aime prévoir précisément. Les panneaux d’affichages, du métro par exemple, indique précisément le temps de parcours pour aller d’un point à l’autre. Lorsqu’on réserve une chambre d’hôtel, même pour plusieurs jours plus tard, il faut dire exactement à quelle heure on va arriver. Jamais de décalage dans les horaires, tout est fait en temps et en minute. Le japonais n’aime pas l’imprévu, être pris au dépourvu, et considère donc le respect du temps comme faisant partie du Respect au sens large.

 

Usages. Difficile de comprendre sans être initié, ce qu’il faut faire ou pas : ne pas planter ses baguettes dans le bol de riz. Saluer le cuisinier avant de se lever. Quand demander l’addition ? De quelle manière répondre aux nombreux saluts ? Ne pas donner de pourboire. Comment monter dans un taxi ? etc …

 

Vélo. Nombreux vélos qui roulent sur les larges trottoirs. Sans jamais d’accroc car la prudence et de mise et le respect des autres, la politesse omniprésente. Pas d’antivols dur les vélos, motos, y compris dans les quartiers les plus denses de Tokyo. Pas de vols ?


Yeux comme des fentes, des virgules qui mettent les sentiments en suspension.

 

Zen. Le bouddhisme introduit au VIeme siècle s’est mêlé au shintoïsme (chamanisme) proche de la nature où le temps est vu sans début ni fin mais comme dans une succession d’évènements dans lesquels on cherchera l’harmonie séparément. Le bouddhisme a exacerbé l’expérience du transitoire en soulignant l’impermanence fondamentale de toute chose. Il règne une sorte de douce mélancolie de choses dans les monastères. Sans doute nombre de japonais partagent ce sentiment qui sourd de la formule nourrie de sagesse zen : « J’ai connu ce qu’il y a au milieu des rires et des pleurs : c’est rien tout simplement ».

Partager cet article

Repost0
Créer un blog gratuit sur overblog.com - Contact - CGU -