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12 mars 2013 2 12 /03 /mars /2013 17:42

Dans ce court essai, le philosophe Jean-Claude Michéa retrace l’histoire de la gauche depuis la révolution française et, à la lumière de cette histoire, permet de mieux comprendre ses contradictions actuelles, notamment entre les systèmes de valeurs du socialisme  et du libéralisme.

 

Car force est de constater que depuis les années Mitterrand, la gauche est devenue de plus en plus libérale, au détriment d’une partie de son électorat constitutif, syndical, ouvrier, populaire. Ce « petit peuple » de gauche, déçu, a pour partie rejoint les « extrêmes » populistes tels que le Front National car ne se reconnaissant plus dans les valeurs défendues par la gauche libérale.

 

Or l’histoire, et la lecture de Jean-Claude Michéa, montrent avec surprise au lecteur tel que moi (c’est-à-dire peu cultivé en matière d'histoire et de politique entre la révolution de juillet 1789 et mai 1968), qu’en fait la gauche des origines, révolutionnaire, était libérale, et s’était constituée en revendiquant ces idées libérales propagées par les Lumières.

 

En effet, au moment de la Révolution, un premier clivage est apparu entre ceux qui étaient favorables à l’ordre ancien, monarchique et clérical, c’est-à-dire la droite originelle, et ceux qui étaient libéraux et voulaient pouvoir profiter de leur liberté individuelle d’entreprendre et de commercer « sans entrave », de leur petite propriété, c’est-à-dire les bourgeois, petits-bourgeois, commerçants et artisans, la gauche des origines...

 

Les mouvements syndicalistes et ouvriers naissants avec l’essor industriel se sont déclarés d'abord quant à eux, apolitiques, au sens où ils ne se reconnaissaient  dans aucun des deux camps. Ces mouvements, après la propagation des idées de Marx et d'Engels, étaient favorables à la Grande Industrie, au Progrès, et la collectivisation des moyens de production, c’est-à-dire au final à l’exact opposé des idées de la gauche libérale d’origine défendant la petite propriété, libre, et la petite capacité de production.

 

C’est à la suite de l’affaire Dreyfus, devant le risque de voir le retour de l'ordre "ancien", monarchique et clérical, que les deux groupes, ouvriers socialistes et petits-bourgeois libéraux ce sont unis sous le vocable de "gauche" , bien que ne partageant ni les mêmes idées ni le système de valeur.

 

Progressivement, les idées de Marx ont gagné en importance au sein de cette gauche « post-Dreyfus », érigeant en nouvelle religion le Progrès et remportant des luttes sociales importantes en défendant les intérêts de la classe ouvrière et plus généralement des salariés.Le mythe du Progrès défendu religieusement a aussi conduit à une forme de positivisme, de croyance que tout ce qui est « nouveau » est  forcément mieux que ce qui est « ancien » ( et peut expliquer, encore aujourd'hui, cette tendance de la gauche à vouloir sans fin « avancer », « transformer », « changer » en s'appuyant sur la  raison scientifique). Avec le passage progressif  vers le socialisme ouvrier, nombre de libéraux bourgeois, commerçants aisés, ont migré progressivement vers une droite qui elle, défendait mieux et avec conviction la propriété privée, tout en étant devenue dans le temps moins encline à souhaiter ou penser possible le retour  de « l’ordre ancien », mais en gardant comme étendard la défense des valeurs traditionnelles (famille, religion etc.) tout en devenant par contamination des nouveaux arrivants, elle aussi libérale. La droite est donc devenue progressivement libérale et « bourgeoise » avec un système de valeur « conservateur » et la gauche est devenue socialiste, progressiste,   avec un fond de libéralisme des origines.  

 

C’est dans les années 80 que Mitterrand a renoué franchement avec le libéralisme sans complexe.

 

Et on comprend mieux aujourd’hui les contradictions internes de cette « gauche ». Car qu’y a-t-il de commun et de cohérent entre un Strauss-Kahn(ex patron du FMI symbole de la libéralisation de l'économie mondiale) ou même un François Hollande ou encore  un Manuel Valls qui assument parfaitement le libéralisme et la mondialisation, la compétition libre de tous contre tous, avec le marché et sa « main invisible » régulatrice pour gérer les équilibres, et le « droit » comme seul juge de paix, et de l'autre coté un Jean-Luc Mélenchon ou un Arnaud Montebourg s’opposant violemment aux délocalisations et défendant, autant que faire se peut, les intérêts de ce qui reste de la classe ouvrière et salariée, prolétarisées. 

 

Bref, on comprend que, à gauche comme à droite, le libéralisme a gagné et qu’il n’est plus vraiment débattu, chaque élection, y compris par le jeu des alternances, ne remettant pas du tout en cause le paradigme libéral.  On comprend aussi mieux pourquoi les victoires du libéralisme sont essentiellement conduites par la gauche car difficile à faire passer avec le « système de valeur » conservateur et religieux hérité par la droite. Ainsi du mariage gay par exemple. 


J.C. Michéa nous montre, de façon inquiétante, que le système libéral conduit à défaire toutes les formes d’appartenance ou d’identité qui n’ont pas été librement choisies par les individus (appartenance sexuelle, famille, apparence physique etc.) et que celles-ci sont présentées comme potentiellement oppressives et discriminantes. Le libéralisme façonne des individus « libérés » et affranchis de toute appartenance ou contrainte morale ayant le même accès au marché, produisant et consommant.  Des monades parfaites avec leurs propres particularités et leurs propres fins. Assumant leur intérêt personnel, c’est-à-dire leur égoïsme, érigé en « moteur » (le meilleur tour de passe-passe des penseurs libéraux ayant été de présenter l’égoïsme individuel comme une qualité essentielle au système global régulé par « une main invisible » - cf Adam Smith).  Bien sûr donc, cette émancipation de l’individu libéral est sans fin et passe par une « mobilité morale » totale, la possibilité de migrer vers d’autres cieux, d'autres croyances et d'autres valeurs choisies, en s’affranchissant des dettes symboliques qui ont été au fondement du lien social, c’est-à-dire les logiques du don et du contre-don (cf Marcel Mauss), ou encore la logique de l’honneur.  Tel un adolescent devant s’affranchir et résoudre son oedipe, l’individu moderne est encouragé à s’affranchir totalement « pour jouir paisiblement de son indépendance privée » et pour pouvoir consommer sans entrave.

 

Bref, le vocable de « gauche » est aujourd’hui bien difficile à porter pour quelqu’un qui ne se sent pas vraiment libéral mais souhaiterait voir une renaissance forte du lien social. Et le philosophe de dire que doit émerger un nouveau « signe » et discours qui permettrait de rassembler tout ce peuple qui souffre du libéralisme déchainé et ne se reconnait pas, plus, dans la « gauche » actuelle, car trop contradictoire, et finalement libérale conformément à ses origines.

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30 octobre 2011 7 30 /10 /octobre /2011 21:19

Nota :  Cette article est une reprise de réponse que j'avais publié dans un forum de psychologie où il était demandé conseil sur des ouvrages de développement personnel.  Alors que de nombreux contributeurs indiquaient des auteurs réputés dans ce domaine particulier, comme Gounelle, Krishnamurti, Jorodowski, Castaneda, le Dalaï Lama etc... , j'indiquais que la littérature traditionnelle et la philosophie étaient pour moi les meilleurs ouvrages de développement personnel qui soient car ils n'indiquaient pas de recette de cuisine mais transmettaient plutôt une "éducation émotionnelle" au lecteur, au moyen de  son identification aux différents personnages des romans, quels qu'ils soient. Et que les meilleurs auteurs étaient ceux qui pouvaient le mieux et le plus finement transmettre cette palette émotionnelle subtile, infinie en compositions possibles.

 

Jeune, vers l'age de 15 ans j'ai été un assassin et j'ai connu la rédemption dans la peau de Raskolnikov (Crime et Chatiment de Dostoieski). J'ai prolongé mon expérience par le crime gratuit et l'automutilation à 16 ans avec Les caves du Vatican d'André Gide, les plaisirs interdits de l'Immoraliste .  J'ai connu la différence et l'insenbilité, étranger à tout ce qui m'entourait à 17 ans quand le même jour, j'ai perdu ma mère, été m'amuser à la piscine et ai tué quelqu'un sur la plage avec l'Etranger de Camus. A 18 ans j'ai connu les haines et les rancoeurs familiales, véritables poisons, avec Le Noeud de Vipères de François Mauriac.  Plus tard j'ai eu le sentiment éphémère et triste de la vie courte comme une journée pluvieuse - Une Vie de Mautpassant. Mikhail Boulgakov a illuminé soudainement ma vie en lui donnant des couleurs fantasques et romantiques (Le Maitre et Marguerite), mais aussi parfois cyniques, folles et non conformistes avec le diable Woland. Hermann Hesse - Le Loup des Steppes -  m'a fait entrer dans son théâtre "Seulement pour les Fous" à plusieurs reprises me faisant entrevoir mieux le multiple, les possibles, l'épuisement de la répétition.  Le voyage vers l'infini a continué avec Borges - Fictions - , et ses paradoxes vertigineux propres a faire vaciller mes dernières certitudes rationnelles. J'ai voulu connaitre toujours plus l'humain jusque dans sa chair et ses profondeurs obscures, luttant au péril de ma vie contre l'obscurantisme, mais aussi en satisfaisant ma curiosité morbide,  transgressant les interdits  pour disséquer des cadavres (l'Oeuvre au Noir de Marguerite Yourcenar). A la recherche obstinée de quelque Vérité ultime - pierre philosophale. Et puis encore plus tard, Cotzee m'a rapproché de la condition humaine et de ses faiblesses me permettant une forme de réconciliation avec moi-même. Je m'en suis sentit  proche, comme un ami intime, dans Disgrâce... Récemment "La Route" de Cormac Mac Carthy m'a bouleversé au point de considérer chaque jour, même le plus terrible, comme un cadeau.

 

Parfois il faut trouver le lieu et les circonstances pour rencontrer un auteur et son oeuvre : J'ai lu "Ainsi parlait Zarathoustra" de F. Nietszche dans l'air rare des cimes lors d'un fantastique voyage en Inde à  Darjeeling, puis au Népal. La lecture s'accordait parfaitement avec les sommets himalayens vertigineux. Conjuguée à la marche parfois très pénible, solitaire et silencieuse, les bouffées d'oxygènes de ce trésor  inclassable (roman, poème, ouvrage philosophique, prière..?) m'incitaient au dépassement. M'approchant  plus près de l'Auteur  je ressentais physiquement, dans ma chair, les passages de son oeuvre, ceux qu'il avait "vu", illuminé, lui aussi marchant en Montagne. 

 

La littérature m'a été de la plus grande aide au cours de ma vie. Peut être plus que tout; car j'y ai rencontré là, dans des voyages au bout de mes nuits de solitude, des frères en la personne de personnages de romans et donc des frères en la personne d'écrivains souvent disparus. Et qui revivaient ainsi en moi, m'honoraient de leur présence. Beaucoup souffraient de maux similaires. Et c'est très troublant quand on a l'impression qu'une personne disparue il y a cent ou deux cents ans, parfois mille ans, s'adresse à nous, en particulier... On se dit que cet écrivain cherchait peut être désespérément son "lecteur" et on le remercie infiniment de ce qu'il a fait pour nous, su dire, transmettre comme émotion. On lui parle en nous même comme on pourrait le faire lors d'une prière silencieuse et profonde à un parent cher disparu. La littérature  m'aide encore à combler mes propres insuffisances, a mettre des mots sur mes impressions. A les comprendre et à les accepter à travers la rencontre avec l'Oeuvre.

 

Aujourd'hui des dizaines de romans forts me constituent pour partie, au même titre qu'un certain nombre d'expériences marquantes, ou de rencontres surprenantes. La littérature a été et demeure pour moi un axe essentiel de mon développement personnel. Elle est un accélérateur d'expérience extraordinaire.

 

Nb : Ma bibliothèque idéale

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13 février 2011 7 13 /02 /février /2011 20:49

 

Marc Augé, sociologue, ethnologue, professeur et ancien directeur de l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) définit son ouvrage comme une « ethnofiction ».  C'est-à-dire quelque chose qui ne se veut ni étude ni roman, mais récit qui évoque un fait social (ici la précarisation progressive d’un individu vers la situation de SDF, sans domicile fixe).

 

Ce récit est écrit comme un journal, fruit de la subjectivité d’un individu particulier.  L’ambition de Marc Augé est que par inférence, c'est-à-dire à travers une subjectivité particulière, le lecteur puisse se faire une idée d’une totalité sociale, difficilement accessible à travers d’autres moyens (journaux etc …).  Il nous narre le parcours d’une personne qui pourrait ressembler à beaucoup d’entre nous, qui, fragilisé par différentes crises (chômage, divorces) et ne pouvant plus faire face à ses charges financières se résout à vendre son appartement et à vivre dans sa voiture. 

 

Dans sa fiction, Marc Augé mène une réflexion intéressante sur ce qui fait l’identité : l’espace géographique, les lieux « d’ancrage », la relation aux autres, le statut social, l'emploi du temps.  Progressivement, le narrateur fait l’expérience de la « perte » de cette identité. La perte du domicile apparait comme destructrice (et ceux qui ont déménagé souvent dans leur vie peuvent comprendre quelle fragilisation psychologique entraine la perte répétée des repères spatiaux-temporels).  La relation aux autres s’altère aussi progressivement. Le SDF « de luxe » (car il dispose d’un pécule important et dort dans une confortable Mercedes qu’il déplace régulièrement dans son quartier d’origine, le XVeme,  pour échapper aux PV des contractuels) doit mentir par honte sur sa condition. Il finit par se trouver mal à l’aise avec son entourage (amis, commerçants du quartier).

 

Il est progressivement entrainé dans une fuite, qu’il pourrait arrêter s'il le souhaitait. Une rencontre amoureuse lui donne l'occasion de recommencer quelque chose.  Mais épris de liberté ou fasciné par une forme d’auto-destruction, le narrateur choisit une forme de  liberté absolue (que l’on pressent comme dangereuse à travers la mort de François autre marginal cotoyé) en renonçant à la proposition faite de « vivre ensemble » et en quittant définitivement le quartier d’origine, dernier point d'attache. 

 

Cette fiction est intéressante mais me semble, malgré la volonté de Marc Augé de la qualifier d’ethno-fiction, beaucoup trop proche de la personne de l’auteur pour pouvoir en dégager par inférence une idée précise de ce que peut être la « condition »  du SDF. La narrateur, comme l'auteur est un érudit, sensible aux thèmes de société, au traitement de l’information, à la politique et a une conscience aigüe de son parcours, une capacité réflexive forte. Il est en auto-analyse.  On devine dans cet ouvrage, journal  aussi intime  de l'auteur, les réflexions personnelles du professeur de l’EHESS observant les bénéfices de l’absence du portable et de la télé, la réflexion de l'éminent sociologue sur la perception et ses effets des lieux connus ou inconnus, sur ce qui fait lien dans la société, sur ce qui fait l'identité. 

 

Certes des détails et réflexions intéressants sont donnés, notamment sur l'importance du domicile, "chez soi"; et les conséquences psychologiques de sa perte, sur ce qui conduit à l’abandon progressif de tout, sur la tentative de maintenir son identité à travers différentes activités (écriture, rencontres fixes, habitudes, rituels etc.), sur la descente progressive et inéluctable, sur les difficultés quotidiennes matérielles du SdF comme l’accès au toilettes et à la toilette, sur la fatigue, l'inconfort, l'incapacité dépressive à se projeter dans le futur etc.).

 

Mais finalement il y est peu question du vécu in situ du « corps physique » soumis à la douleur, à la brulure du froid par exemple. Rien sur l’insécurité connue comme fléau redoutable, particulièrement entre SdF. La violence faite aux autres et à soi. Sur la honte d’être reconnu par des proches, sur l’envie d’en finir définitivement…  Cette fiction esquisse « un début » -  celle d'un intellectuel au désir d'écrire qui va devenir SDF - mais esquive au final et concrétement ce que c’est que de se pisser dessus alors qu’il est gelé en hiver, qu’il n’a plus la force de se lever car abruti par la résignation et l’alcool et doit supporter les coups, le vol et le mépris.

 

Allez Marc, encore un petit effort en assumant cette fois-ci vraiment le terme de romancier et votre vocation littéraire sensible pour nous faire vivre d’un peu plus près la condition physique du SdF  !

 

NB : sur les SdFs lire aussi [Société] Misère à Paris

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9 décembre 2010 4 09 /12 /décembre /2010 22:20

 

 

Résumé du livre « Génération Otaku  - Les enfants de la Postmodernité » d’Hiroki Azuma.

 

 

1/ LE PSEUDO JAPON DES OTAKUs

 

Le terme OTAKU désigne les personnes qui se passionnent pour une forme de sous-culture qui réunit la bande-dessinée – les mangas, les dessins animés, les jeux électroniques, l’ordinateur, la science-fiction, les effets spéciaux, les figurines etc…

 

L’origine d’une partie de  la « culture Otaku » peut-être située dans les années soixante et on peut diviser les représentants de cette culture en trois générations :

 

  • La première, née autour des années 60 a vu des dessins animés dans les années 70 tels que « Le cuirassé de l’espace Yamato » ou « Gundam ».  
  • La deuxième, née dans les années 70 et a pu jouir du développement de la culture Otaku  
  • La  troisième, née dans les années 80 à vu « Evangelion » alors qu’elle était au collège ou au lycée.

 

 

L’ouvrage « génération Otaku » étudie essentiellement la 3eme génération des Otakus, celle née dans les années 80.

 

Les Otakus sont étroitement associés au « postmoderne ».  Grosso modo, et pour simplifier, on qualifie de postmoderne l’époque qui se situe après les années 60 et 70, ce qui se situe après le « moderne ». A cette époque par exemple, la musique rock est apparue et a fortement élargie son influence, les films à gros budget, puis l’ordinateur individuel et internet. Dans le même temps, la politique et la littérature se sont affaiblis et le concept « d’avant-garde » a disparu. On peut considérer qu’il y a eu une rupture lisible et franche entre le moderne et le postmoderne.

 

La culture Otaku s’est nourrie de représentations japonaises et notamment de la tendance qui a l’époque Edo (longue époque du Japon où le pays s’est refermé sur lui-même entre 1600 et 1868) s’appelle iki : une attitude particulière face à la vie teintée de deux dominantes de la pensée japonaise :  

 

le bouddhisme et l’esthétique du samouraï.  L’imaginaire Otaku se nourrit de modèles d’inspirations japonais, folkloriques, puisant parfois des éléments dans la statuaire bouddhique.

 

La culture Otaku manie des symboles d’essence japonaise qui sont consommés en tant que produits locaux, prenant souvent le Japon comme sujet, avec en toile de fond des thèmes et inquiétudes nationaux.

 

Néanmoins, l’influence de cette culture a largement dépassé les frontières.

 

Entre les Otakus et l’époque Edo traditionnelle s’intercalent les Etats-Unis. En effet les Etats-Unis sont aussi largement à la source de la culture Otaku du fait de l’importation dans l’archipel des techniques propres au dessin animé « full anime » ou « limited anime ».  C’est surtout dans le dessin animé de type « limited anime » plus simple et économe qu’un processus de japonisation important a eu lieu débouchant sur une esthétique à part entière du dessin animé japonais.

 

Dans les années 70, deux tendances fortes : « les expressionnistes » qui s’attachent plutôt au mode d’expression et ont plutôt tendance à préférer le « full  anime » et les « narrateurs » qui se concentrent davantage sur l’histoire, le récit et préfèrent le « limited anime ». Ces derniers tentent de construire une nouvelle esthétique différente de celle centrée sur la qualité de l’animation proprement dite (rythme de la mise en scène, composition de l’image etc…) .

 

Dans les années 80, et la période de haute croissance, la recherche d’une esthétique particulière  a été comme une volonté d’affirmation et de revanche à l’échelle de la nation. Un mélange de récupération de la tradition japonaise – nostalgie du « beau vieux Japon » allié à l’invention d’une nouvelle esthétique, d’un nouveau « pseudo-japon » magique, fantasmé dont les éléments fondateurs remontent à l’époque Edo considéré comme celle du « Japon authentique » (tout ce qui a suivi cette époque c'est-à-dire l’ouverture propre à l’ère Meiji, puis les guerres ont disparu) , l’histoire se poursuivant directement dans le postmoderne des années 70, le Japon narcissique des années 80.

 

La culture Otaku s’est en quelque sorte construite sur la menace de la perte de la tradition dans la période qui a suivi la défaite de la 2eme guerre mondiale.

 

A l’époque d’une forme de « revanche » liée à la  prospérité économique des années 80, alors que les Etats-Unis sont encore dans une période trouble de « l’après-vietnam », les japonais postmoderne affirment dans un premier temps leur  identité dans ce que le philosophe français appelle « le snobisme ». Ce philosophe (Kojève) est connu pour avoir pensé la société postmoderne en opposant deux types d’organisation sociale :

 

  • Une société de type américain ou « animale » fondée sur la satisfaction du besoin immédiat - naturel.

 

 

  • Une société de type japonais ou « snob » fondée sur le désir qui peut ne rien avoir de Naturel. 

 

 

 

 

2/ L’INDIVIDU POSTMODERNE = UN ANIMAL EN RESEAU.

 

Culture Otaku et postmodernité : il existe un lien étroit entre la culture Otaku et les structures de la société postmoderne :

 

Multiplication des simulacres : L’existence de produits dérivés – fanzines, jeux , figurines qui sont une réinterprétation d’œuvres originales. Comme Baudrillard l’avait annoncé, dans les sociétés postmodernes, la différentiation entre l’original et les œuvres dérivées s’estompe. Une autre forme de produit ou d’œuvre domine qui n’est ni l’original ni sa copie mais « un simulacre ».

 

Déclin des grands récits :  La culture Otaku a tendance à valoriser l’imaginaire au détriment du réel. Les Otakus ont tendance à s’enfermer dans une communauté centrée sur leurs gouts parce qu’ils considèrent que les valeurs de la société ne fonctionnent pas bien. Ils en élaborent don d’autres.  Le philosophe français Jean-François Lyotard a utilisé l’expression « déclin des grands récits » pour décrire cette caractéristique postmoderne qu’est la perte d’efficacité, voire la disparition des anciennes normes et valeurs (souvent disciplinaires) et remplacées par une multitude de petites valeurs. 

 

On peut citer par exemple comme « grands récits » la conception de l’homme et de la raison héritée des Lumières sur le plan de la pensée, l’idéologie de l’Etat-Nation ou de la révolution sur le plan politique, la suprématie de la Production sur le plan économique.  Les valeurs qui garantissaient la cohésion sociale se sont effondrées vers la fin des années 80 et, face au déclin des « grands récits » les Otakus ont créé de manière compulsive une sorte de coquille protégeant leur moi. Un bric-à-brac culturel servant à combler un vide.  La distinction entre immanence (monde de l’expérience) et transcendance  (monde spirituel) s’est effacée et a donné lieu à des créations teintées par l’occulte et le mystérieux.

 

 

Donc dans la culture OTAKU apparaissent nettement deux éléments fondamentaux de la société postmoderne : la généralisation des simulacres et le déclin des grands récits.

 

 

Questions :

 

  • De quelles manières les simulacres se multiplient-ils ?

 

  • A l’époque moderne, l’œuvre originale était créée par l’auteur, mais à l’époque postmoderne, par qui sont  créés les simulacres ?

 

  • A l’époque moderne, l’humanité de l’homme était garantie par Dieu ou par la société ; concrètement cette garantie était assurée par la religion et le système éducatif. Mais que devient cette humanité quand l’école et la religion ont perdu leur suprématie.

 

 

 

3/ LA CONSOMMATION DES RECITS

 

Différence entre grands récits et petits récits : le « petit récit » c’est l’histoire particulière qui se trouve dans un produit particulier.  A l’opposé, le « grand récit » est ce qui supporte ce genre de récit mais qui n’est pas apparent. C’est ce qui correspond à l’agencement, ou à la conception du monde.


 

Représentation moderne du monde :

Dans cette représentation – appelée modèle de l’arbre - , le grand récit correspond à une couche profonde non visible qui a donné naissance de façon globale aux petits récits.

 

  Moderne1.jpg

 

Dans ce modèle, seul le monde superficiel constitué de petits récits apparait à notre conscience. Ce sont les grands récits qui déterminent les petits récits. L’individu peut avoir accès au grand récit par la consommation de multiples petits récits.


 

 

Représentation post-moderne du monde :

PostModerne.jpg

 

Dans ce modèle la représentation en arbre a disparue du fait de la disparition des grands récits. Pour comprendre la représentation postmoderne, l’auteur Hiroki Azuma propose une représentation en base de données.  Dans ce modèle l’individu consomme des petits récits ou simulacres qui ont été construits à partir d’éléments de la base de donnée. Cette base de donnée comprend des éléments divers qui dans leur ensemble ne forment pas un grand récit cohérent.

 

Azuma appelle ces éléments « éléments d’attraction ». Ce peuvent être de façon séparée de tout contexte des personnages, des caractéristiques physiques, des scénariis, etc… L’utilisateur recherche, comme sur internet avec un moteur de recherche des histoires , petits récits simulacres qui sont constitués à partir des éléments d’attraction qui lui plaisent.

 

Dans la culture Otaku, l’œuvre n’est pas appréciée pour elle-même mais est évaluée en fonction de la base de données qui est en arrière fond. Ces données peuvent prendre autant de formes que de lecture faites par l’utilisateur qui peut s’il le veut s’approprier un agencement pour produire des œuvres dérivées.  Les Otakus sont particulièrement sensibles à la double structure postmoderne et différencient clairement la couche superficielle qui renferme les simulacres de la base de données, de la couche profonde, qui renferme la base de données.


 

Les Non-Récits :

 

Jusqu’aux années 60/70 consommation de grands récits

 

Dans les années 70-80 , apparition de la consommation de pseudo- grands récits (fictions).

 

Ultérieurement (années 90) , apparition d’une génération pour qui la consommation de grands récits est inutile : cette nouvelle génération d’Otaku consomme des éléments isolés (des extraits, certaines illustrations,  le système logiciel d’organisation etc.) . Exemple : Evangelion –dessin animé des années 90. Les fans n’ont jamais montré un véritable intérêt pour le récit, la trame du récit, mais pour trois éléments : les personnages, des détails extraits des dessins, et la mise en scène technique.  Les consommateurs d’Evangelion ne regardent pas le dessin animé comme une œuvre terminée (forme de consommation conventionnelle) ; ils ne cherchent pas non plus une histoire ou une image du monde cachée : ils n’ont besoin que de données ; d’éléments, de fragments, sans que ceux-ci forment une histoire particulière.


 

Les Eléments d’Attraction :

 

Le récit est consommé comme un produit identique à tout objet de consommation courante.  Il n’est pas plus dominant que les produits dérivés, personnages, figurines, cartes, jeux, etc… Les Otakus ne font pas de différence entre l’œuvre originale et ses dérivés (copies) mais une distinction entre un agencement anonyme en profondeur (base de données) et les œuvres individuelles résultant de la mise en forme des informations issues de la base de données (simulacres en surface).

 

L’absence de récit ou de message est comme remplacée par un grand déploiement de techniques visant à la force d’attraction des personnages ou d’autres éléments. Ce sont des Eléments d’attraction susceptibles d’attiser l’intérêt des consommateurs. Ils ne sont pas de simples fétiches mais des signes ou symboles qui ont émergé à l’intérieur d’un processus de marché.  La plupart des éléments d’attraction sont des composants graphiques mais ils peuvent également prendre diverses formes selon les supports : expressions verbales, situations typées, développement particulier de récit, silhouettes, etc… Ce processus d’attraction est conscient chez les Otakus : ainsi des moteurs de recherche spécialisés ont été créés pour rechercher ces éléments dans des récits/mangas/dessins animés/figurines etc…  (exemple : oreille de chat, costume de bonne, animal, ange, soubrette, lunettes etc…)

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30 août 2010 1 30 /08 /août /2010 21:23

« Psychologie des Foules » de Gustave Le Bon a été publié en 1895. Dans cet ouvrage, considéré aujourd’hui comme un classique de la psychologie et de la sociologie, Gustave Le Bon explore « l’âme des foules », leur émotivité irrationnelle, leur impulsivité et leur versatilité. Cet ouvrage que l’on pourrait aussi qualifier de « traité de manipulation » des foules a été très controversé.


Lebon entreprend de définir et caractériser ce qu’il entend par foules : « Dans certaines circonstances données, une agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux forts différents de chaque individu qui la compose ».

 

Il existe pour Le Bon différents types de foules :


  • Hétérogènes : Anonymes = Foule des rues, Non anonymes = Jurys, Assemblées parlementaires etc…
  • Homogènes : Sectes (politiques, religieuses) Castes (militaire, ouvrière, saccerdotale…) Classes (bourgeoise, paysanne) etc…

 

Dans  son introduction, « l’ère des foules », l’auteur constate que les grands changements survenus dans l’histoire sont les résultats de changements qui se sont opérés dans les opinions, conceptions, croyances et que les événements dits « mémorables » ne sont que les effets visibles des invisibles changements de sentiments des hommes. 

 

Que ce qui fait le « socle » des civilisations ce sont les croyances religieuses, politiques et sociales.  « Une civilisation implique des règles fixes, une discipline, le passage de l’instinctif au rationnel, la prévoyance de l’avenir, un degré élevé de culture, condition totalement inaccessibles aux « foules » (en tant qu’être), abandonnées à elles-mêmes. La perte des croyances entraine l’effondrement des civilisations.

 

En 1895, époque ou bon nombre de certitudes ont été mises à mal, Le Bon annonce donc l’Ere des Foules. Ceci du fait de la disparition des antiques croyances et de la possibilité nouvelle de rassemblement de masses et d’expression collective.

 

Le Bon constate que ces rassemblements, ces foules , quand elles se constituent se comportent comme un « nouvel être », à part entière, dont les caractéristiques n’ont rien à voir avec celles des individus qui la composent.

 

Les foules ont une nature impulsive et  sont incapables d’avoir des opinions quelconques en dehors de celles qui leur sont suggérées. En foule, la personnalité consciente s’évanouit, les sentiments et les idées de toutes les unités sont orientés dans une même direction. Il se forme une âme collective, transitoire sans doute, mais présentant des caractères très nets. La foule psychologique ainsi  organisée possède une « unité mentale »

 

Le fait le plus frappant présenté par une foule psychologique est le suivant : Les hommes les plus dissemblables par leur intelligence ont une base d’instincts, de passions, de sentiments identiques qui se révèlent lors de l’état de foule. L’individualité s’efface, l’hétérogène se noie dans l’homogène et les qualités inconscientes, comme primitives, dominent. L’homme en foule, quel que soit son niveau de culture, a la spontanéité, la violence, les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs ou des enfants. 

 

D’après le Bon donc, la mise en commun des seules qualités ordinaires et l’effacement de ce qui est propre aux qualités individuelles (raison etc…) explique pourquoi les foules ne sauraient accomplir d’actes impliquant une intelligence élevée. 

 

L’individu en foule acquiert un certain nombre de caractères spéciaux :

 

Le sentiment de puissance et d’être invincible du fait du nombre. Ce qui permet la libération des instincts, un sentiment d’irresponsabilité du fait de l’anonymat.

 

La contagion mentale, c'est-à-dire une très forte réceptivité à la suggestion collective comme dans les états d’hypnose (dits de transe). 

 

Les individus plongés quelque temps dans une foule tombent dans un état particulier proche de la fascination de l’hypnotisé aux mains de l’hypnotiseur. On assiste à un évanouissement de la personnalité consciente, à une prédominance de la personnalité inconsciente, orientée facilement par voie de suggestion et de contagion.

 

Les sentiments et les idées vont dans un même sens auquel l’individu adhère inconsciemment. La foule a  tendance à transformer immédiatement les idées en actes.  

 

La foule est impulsive, mobile et irritable. Elle est aussi suggestible et crédule. « L’invraisemblable n’existe pas pour elle et il faut bien se le rappeler pour comprendre la facilité avec laquelle se créent et se propagent les légendes et les récits les plus extravagants. 

 

La foule a une capacité prodigieuse a déformer les événements.  La foule pense par images et l’image évoquée peut en évoquer elle-même une série d’autres sans aucun lien logique avec la première. Les hallucinations collectives sont extrêmement fréquentes et l’histoire est remplie de ces miracles qui semblent avoir tous les caractères classiques de l’authenticité, puisqu’il s’agit de phénomènes constatés par des milliers de personnes.  Les mécanismes de l’hallucination semblent relever de deux facteurs : un état d’attention expectante et une suggestion acceptée par voie de contagion.  Ce qui est surprenant c’est de voir que même les personnes les plus éduquées, averties, succombent facilement à la suggestion de groupe.

 

Les foules sont excessives dans leurs manifestations de sentiments et dans leurs actions. Les foules sont intolérantes, et font montre d’autoritarisme et de conservatisme.

 

Les foules ne connaissent que les sentiments simples et extrêmes, les opinions, les idées et croyances qu’on leur suggère sont acceptées ou rejetées par elles en bloc, et considérées comme vérités absolues ou erreurs non moins absolues. 

 

Les foules aiment obéir et cherchent des leaders. 

 

Les foules ont des instincts conservateurs irréductibles et comme tous les primitifs un respect fétichiste pour les traditions, une horreur inconsciente des nouveautés, capables de modifier leurs conditions réelles d’existence.

 

Les foules sont trop impulsives, trop mobiles pour être susceptibles de moralité.  Mais elles peuvent faire preuve d’une totale abnégation pour défendre une cause. L’intérêt personnel est inexistant chez les foules alors qu’il constitue le mobile presqu’exclusif de l’individu isolé.

 

Les idées suggérées aux foules ne peuvent devenir dominantes qu’à la condition de revêtir une forme très simple et d’être représentées dans leur esprit sous forme d’images.  La foule a une absence totale d’esprit critique qui ne lui permet pas de percevoir les contradictions éventuelles d’un discours. Les raisonnements des foules ne sont pas basés sur la logique mais plutôt sur des « associations ». Les idées associées par les foules n’ont entre elles que des liens apparents de ressemblance ou de succession.  Association de choses dissemblables, n’ayant entre elles que des rapports apparents, et généralisation des cas particuliers, telles sont les caractéristiques de la logique collective.

 

Les foules ont une imagination sans limite : le merveilleux et le légendaire sont en réalité les vrais supports d’une civilisation. Dans l’histoire l’apparence a toujours joué un rôle beaucoup plus important que la réalité. L’irréel y prédomine sur le réel. Les foules ne peuvent penser que par images et se laissent impressionner que par des images. Seules ces dernières les terrifient ou les séduisent et deviennent des mobiles d’action.  Ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui frappent l’imagination populaire mais la façon dont ils sont présentés, impressionnés.

 

Les foules présentent spontanément des sentiments que l’on peut qualifier de religieux : adoration d’un être supposé supérieur, crainte de la puissance qu’on lui attribue, soumission aveugle à ses commandements, impossibilité de discuter ses dogmes, désir de les répandre, tendance à considérer comme ennemis tous ceux qui refusent de les admettre.  

 

Les foules se caractérisent par leur intolérance et leur fanatisme.

 

Les images, les mots et les formule simples impriment les opinions des foules. La puissance des mots est liée aux images qu’ils évoquent. Ceux dont le sens est le plus mal défini possèdent souvent le plus d’action. 

 

Les illusions sont nécessaires aux foules : elles donnent la part d’espoir sans laquelle les hommes ne peuvent exister. C’est la raison d’être des dieux, des héros et des poètes. Les foules n’ont jamais eu soif de vérités. Devant les évidences qui leur déplaisent, elles se détournent, préférant déifier l’erreur, si l’erreur les séduit.  Qui sait les illusionner est aisément leur maitre ; qui tente de les désillusionner est toujours leur victime.

 

Les foules n’apprennent pas de « l’expérience ».  Les foules ne sont pas influençables par des raisonnements. Elles ne comprennent que les grossières associations d’idées

 

Les meneurs de foules doivent pouvoir deviner à chaque instant les sentiments qu’ils font naitre et doivent varier leur langage suivant l’effet produit. L’orateur doit suivre « la pensée » ou plutôt les sentiments de ses auditeurs et non suivre sa propre pensée.

 

D’après Gustave Le Bon, les meneurs ne sont pas le plus souvent des hommes de pensée mais d’action.

 

Ils « ont la foi » et peuvent par influence communiquer,  créer dans les âmes cette puissance formidable (la foi) qui rend l’homme esclave absolu de son rêve.  Créer la foi, tel est le rôle des grands meneurs.  

 

Les meneurs doivent être autoritaires. Ce n’est pas le besoin de liberté, mais celui de la servitude qui domine toujours l’âme des foules.  Les grands meneurs ont en plus « une volonté durable ».

 

Les moyens d’action des meneurs sont : L’affirmation, la répétition, la  contagion.

 

L’affirmation doit être « pure et simple », dégagée de tout raisonnement et de toute preuve. Elle constitue le plus sûr moyen de faire pénétrer une idée dans l’esprit des foules. Plus l’affirmation est concise, dépourvue de preuve et de démonstration, plus elle a d’autorité.  

 

Ensuite, la chose affirmée, par le mécanisme de la répétition s’ancre dans les esprits au point d’être acceptée comme une vérité démontrée.  La contagion, permet de propager et de renforcer la croyance nouvelle, les opinions.

 

Le prestige est aussi nécessaire au « meneur ». Le Bon définit le « prestige » comme une sorte de capacité à fasciner ou charisme. La fascination paralyse l’esprit critique. Elle est comparable a celle qu’éprouve le sujet « hypnotisé ».  L’être, l’idée ou la chose possédant du prestige sont par voie de contagion immédiatement imités et imposent certaines façons de ressentir et de traduire les pensées. L’imitation est généralement inconsciente.  Les personnes possédant le prestige doivent tenir la foule à distance. 

 

Les dieux et les hommes ayant su garder longtemps leur prestige n’ont jamais toléré la discussion.

 

 

 

 

Note de Pale-rider75 : La lecture de cet ouvrage m'a beaucoup intéressé car j'ai pu trouver beaucoup de similitudes entre "l'état de l'individu en foule" et l'état de transe hypnotique. Ainsi que des similitudes entre l'état de "l'être psychologique que constitué par la foule" et l'état psychologique général de n'importe quel individu en transe hypnotique :

- perte du sens critique

- besoin de langage imagé et simple comme celui d'un enfant

- libération des émotions et spontanéité

- réceptivité à la suggestion (affirmation, truismes, etc...) et à la manipulation (croyances nouvelles...)

- besoin d'un "guide" qui calibre et adapte son discours en fonction des émotions/réactions qu'il constate.

- contagion de la "transe"

...

 

Cela m'est difficile à formuler mais : Il semble que l'homme ait une capacité très ancienne à se "mettre en réseau collectif" de façon inconsciente, presque animale et préalable au développement de la conscience plus moderne, rationnelle - comme inhibée ou inutile pour le fonctionnement en réseau...

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