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20 mai 2013 1 20 /05 /mai /2013 18:50

Dans la vie, tout le monde est amené à vivre potentiellement un ensemble d’événements difficiles et à devoir conduire ce que l’on appelle un deuil, c’est-à-dire la perte irrémédiable de quelque chose de très important :

 

  • La perte d’un être cher
  • Une séparation, un divorce
  • Un trauma qui fait qu’on pense qu’on a « perdu » quelque chose, qu’on ne sera plus jamais comme avant. Un grave accident physique par exemple ou une violence extrême.
  • Un statut social ou une situation (que l’on a perdu)
  • Un idéal qu’on a intensément souhaité atteindre et qui se révèle hors de portée,
  • Etc.

 

Il me semble que dans tout passage « difficile » à gérer il y ait un certain nombre d’étapes et que celles-ci sont associées à  une série d’états émotionnels devant se suivre en séquence et dont la succession logique est absolument  indispensable  à la rencontre d’un état émotionnel final que je pourrais qualifier « d’apaisé ».

 

En général, après une perte traumatisante est entamé, par la force des choses, un processus naturel de changement plus ou moins difficile mais dont les grandes étapes génériques sont les suivantes  et au cours desquelles peuvent être rencontrées des résistances (en particulier dans les premières phases où la personne « refuse » la réalité et peut dangereusement se « réfugier » hors de celle-ci).

 

Les phases peuvent être plus ou moins longues mais elles sont en général incontournables :

 

  1. Déni, refus de la réalité. 
  2. Résistance : inertie, révolte, colère, argumentation empêchant la suite du processus, etc.
  3. Décompensation : la personne vit un grand déséquilibre qui peut s’apparenter à une dépression. Elle comprend plus ou moins rapidement qu’elle a « perdu » irrémédiablement quelque chose d’important.
  4. Résignation. La personne accepte mais plus ou moins contrainte de fait. Il peut y avoir des accès de nostalgie, de tristesse.
  5. Intégration. La personne a complétement intégré le « nouvel état » acceptant la perte. Le changement n’est plus ressenti dans ses aspects négatifs. Il y a une acceptation du nouvel état et la personne peut se projeter dans l’avenir en partant de cette acceptation tangible de la réalité.

 

A mon sens les difficultés principales résident essentiellement dans le passage de 1 à 3 (de Déni à Décompensation) dans laquelle la personne peut se bloquer dans des états de refus de réalité ou pire de victimisation et puis ensuite de 5 à 6 où il importe de sortir la personne d’une forme d’apathie pour la projeter vers le futur.

 

Il est intéressant de voir comment les processus thérapeutiques (et je parle ici au sens large des processus thérapeutiques, ceux classiques en occident, et ceux qui le sont moins y compris les techniques d’apaisement qui appartiennent au domaine des religions ou du symbolisme sorcier ou chamanique) gèrent cela.

 

Pour ce qui est de certaines pratiques que j’ai expérimenté au travers de la confession catholique (alors que j’étais enfant), de l’hypnose ericksonienne (alors que j’étais apprenti-sorcier) et ensuite lors de la récapitulation chamanique (alors que j’étais devenu un honorable sorcier) , les processus de deuil accélérés et de pardon s’apparentent. Dans les deuils et les pardons, il faut aussi, essentiellement savoir « se pardonner »… Mais cette symétrie entre nos états intérieurs et le monde extérieur est une évidence à quiconque a pu progresser sur les difficiles chemins du développement personnel et de la thérapie.

 

On peut modéliser les étapes génériques de soins de la façon suivante :

Nota : L’ensemble des étapes peut être encadré par un « rituel » qui permet de se situer hors de l’espace et du temps habituel, pour rejoindre quelque chose de « spécial » et entièrement dédié à l’atteinte du but visé. Il s’agit  pour pour donner souligner l’importance de ce qui est traité, honoré, perdu, de s’investir corps et âme dans le rite de guérison afin d’en maximiser les chances de succès (par effet de surimpression émotionnelle positive).

 

  1. Reviviscence au plus près de la situation source (par la mémoire, la discussion avec des proches, le rangement de la maison du défunt et la reconnaissance de ses objets, le nettoyage de lieux ayant connu une histoire « terminée », la reconstitution biographique, l’écriture de mémoires, la constitution d’un album photo, etc…). Il importe là de se rapprocher au mieux de la situation source. (pour cela les « états de transe » sont extrêmement puissants mais doivent être pilotés avec sensibilité, sans influence parasite externe (projections, faux souvenirs etc...) et avec le « dosage » adéquat pour éviter un ré-ancrage par réactivation trop forte de la douleur.

 

 

  1. Désensibilisation. Celle du ressenti de la situation problématique. Cette désensibilisation peut être plus ou moins rapide. Elle est très lente à mon sens dans le processus psychanalytique par exemple. Plus rapide (et plus dangereuses si mal conduite) dans de violentes catharsis que l’on peut croiser en ethno-psychiatrie (cérémonies vaudou, exorcisme, récapitulation chamanique, RHV (reconstruction d’histoire de vie) en hypnose etc…).Techniquement, la désensibilisation peut être accompagnée de pratiques corporelles ou « d’exercices mentaux » favorisant la dissociation entre l’expérience traumatique et sa reviviscence. La respiration est un puissant vecteur d’apaisement par exemple.

Il existe 400 pratiques thérapeutiques répertoriées et chacune a sa « technique » de désensibilisation. Cela va depuis les quatre Notre-Père et les deux Je vous salue Marie pour obtenir un pardon, à la thérapie par le sens de Victor Frankl (qui aide à trouver un sens à notre parcours si difficile soit-il…). Toutes ces pratiques font du bien.

 

 

  1. « Couper  le lien, Dire "au revoir" ». Une fois le sentiment d’apaisement ressenti, dire « au revoir» à la personne, à la situation, à son membre amputé, à son parent cher, à son état précédent. Souhaiter le meilleur à l’absent, à la personne autre qui est partie, à celle qui nous a profondément blessé dans le processus de Pardon. Savoir aussi se pardonner en reconnaissant qu’on « était autre » à l’époque et qu’on a fait ce qu’on a pu en fonction de notre état de développement d’alors.

 

 

4. Positiver en Imaginant si possible des « terminaisons » positives à ce qui s’est passé ou au moins éprouver un grand soulagement à voir le deuil effectué. Si cela est nécessaire pardonner en pensée imaginer la personne concernée heureuse (en la visualisant) du mieux possible, ou soi-même guérit. Il s’agit ici de « positiver » émotionnellement ou au minimum de considérer les choses dans un état très neutre et sans ressenti négatif, de cultiver la tendresse et la bienveillance (équanime comme dirait un maitre de méditation bouddhiste Vipassana) afin que la globalité de la séquence de traitement du deuil se termine par une cautérisation émotionnelle positive.  (Ce point est important pour "éviter" la dispersion énergétique causée par les sentiments négatifs et les réminiscences, ruminations et autres, lors de la re-mémorisation de l'événement traumatique)

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14 novembre 2011 1 14 /11 /novembre /2011 19:57

Une des phases essentielles de la Thérapie me semble relever de "l'Acceptation". Qu'est ce à dire ?

 

On a coutume de dire dans les thérapies brèves que ce sont les tentatives de résolution du problème - qui peuvent revêtir différentes formes - qui entretiennent bien souvent le problème.

 

C'est particulièrement vrai pour les émotions, sensations gênantes, ruminations, fatigues, douleurs  et autres gênes etc...

Lorsqu'elles apparaissent, les personnes par une réaction "normale" et une louable volonté de guérir, cherchent absolumment à les supprimer, à les faire disparaitre en faisant des efforts . Redoutant parfois par anticipation, régulièrement, que celles ci ne réapparaissent, et fassent irruption à leur insu. 

 

Comme le disait Montaigne dans "Les Essais", "Qui craint de souffrir, il souffre déjà de ce qu'il craint"...

 

Or, pour les pensées parasites par exemple, un certain nombre d'études ont montré - et l'expérience personnelle le prouve assez facilement - que plus on essaie de ne pas penser à quelque chose et plus on y pense en fait . Il est impossible de ne pas penser par exemple à un "éléphant rose", une fois qu'il a fait irruption dans un train de pensée. Comment le faire disparaitre quand il occupe déjà la pensée, cet éléphant rose dans le désert, même s'il ne correspond à aucune réalité ? 

 

Cette incapacité a controler nos pensées est due pour une bonne part à la "puissance" du langage, celui ci pouvant par "contamination" assez facilement mettre en relation des sensations, idées, événements divers, dont certains douloureux. La capacité d'association du langage peut assez facilement donc faire resurgir les fantômes par le biais des pensées associatives...Par exemple cette mère de famille en pensant au mot "Juin" dans un contexte particulier pourra subitement ruminer le décès de son père un mois de Juin d'une année précèdente auquel elle n avait pu assister et se sentir coupable...

 

Les stratégies personnelles de "contrôle" de nos émotions et pensées parasites s'avèrent totalement impuissantes, augmentant par effet de feedback le problème - c'est par exemple le cas de la personne hyper timide qui doit faire un exposé à l'oral et qui plusieurs jours à l'avance stresse, n'en dort plus la nuit, en se disant qu'elle ne doit surtout pas trembler et a peur de se retrouver ridicule en public du fait d'un "vide" lors de sa présentation etc... -

 

Cette pensée même, va amplifier le problème, et s'avérer auto réalisatrice dans la majorité des cas. Notre éducation, entrenue par le langage nous apprend ce "qu'il faut faire" en toute circonstance. Et nous avons tendance a suivre automatiquement ce que le langage nous dit, bien qu'il puisse nous faire perdre contact avec les conséquences désastreuses de ses prescriptions.  En entretenant par exemple des stratégies d'évitement des pensées et des émotions, contre-productives pour le développement futur. L'incitation a controler sa peur, sa colère, ses pensées percçues comme négatives, ses émotions douloureuses, s'apprend très jeune. Nous nous interdisons, pour faire bonne figure, à les montrer.  Cette rigidité, cette perte de flexibilité semble être un dénominateur commun aux troubles psychologiques.

 

 

Or, la présence d'événements psychologiques désagréables est propre à la condition humaine. On peut même dire que cette capacité a éprouver des émotions, qu'elles soient agréables ou désagréables, a une utilité qui a été sélectionné par l'évolution. Il faut prendre ces émotions, sensations, douleurs etc. pour ce qu'elles sont : des messages.

 

Ce n'est pas la présence d'événements psychologiques difficiles qui constitue le "trouble psychologique", mais plutôt la lutte permanente, incessante et épuisante contre ces événements qui "est" ce trouble. Ce qui peut différencier une personne "malade" d'une autre c'est ce "qu'elle fait" de ces événements psychologiques. Si la lutte contre les émotions et sensations est  sans fin, c'est son intensité épuisante  qui va faire passer de la douleur (composante inéluctable de la condition humaine) à la souffrance.

 

En tentant d'éviter la douleur par différentes stratégies d'évitements expérientiels, la personne va certes résoudre ses peurs, émotions génantes  à court terme, mais en se privant de réalisations importantes et salutaires pour elle à moyen et long terme. Elle va se priver de son potentiel de développement, libéré.  Bien sûr, tous les évitements ne sont pas pathologiques, mais il importe de se demander lors d'un évitement de quoi l'on se prive au final...

 

L'évitement peut donc conduire à une perte de flexibilité , à une diminution du répertoire comportemental et donc à une réduction de "possibles" qui peuvent s'offrir à la vie dans différentes situations potentes.

 

Il convient donc, lorsque l'on croit - comme moi -  que la thérapie vise essentiellement a augmenter les possibles des Patients à faire le maximum pour augmenter leur liberté de choisir en augmentant les comportements possibles pour qu'ils puissent mieux conduire et choisir  leur vie, et les aider donc à repérer, à débusquer ces évitements limitants. Et à leur démontrer les conséquences délétères à moyen et long terme de ces mêmes évitements.

 

La thérapie va sensibiliser le Patient aux conséquences de ses actes, de ses comportements. Elle va l'aider à mettre en perspective ses bénéfices à court terme (éphémères) par rapport aux bénéfices potentiels et supérieurs à moyen et long terme qu'il pourrait obtenir sans l'évitement - en acceptant volontairement l'exposition expérientielle à court-terme accompagnée par son inhérente douleur. En acceptant volontairement et sans l'éviter cette douleur.

 

Lorsque le Patient "comprend" qu'il ne débarassera pas de sa douleur  et de ses gênes et que le thérapeute ne peut rien pour lui à ce niveau là , il peut et il va, dans la majorité des cas, vivre une phase de désespoir.  Car il va réaliser que tous les efforts qu'il a menés jusque là, si louables soient-ils, ont été vains, et plus encore ont pu même entretenir le problème.  Le Patient a pu penser bien faire et il importe que le thérapeute fasse preuve alors de pédagogie et soit très présent à ce moment là de la thérapie pour montrer au Client que l'énergie dépensée dans son combat à éviter ce qui le gêne à court terme, pourrait "par l'acceptation"  distante de ses émotions et gênes, être récupérée et mobilisée vers "autre chose" qui ai vraiment du sens pour lui. Cet "autre chose", qui compte réellement pour le Patient, qui va pouvoir donner du sens à son existence, va être alors l'objet du travail commun du Patient et du Thérapeute, une thérapie sur le Sens et l'Action.  Le Patient va devoir d'abord faire douloureusement le deuil de son "combat" court-termiste contre ses émotions, pensées parasites, douleurs, et leur laisser la "porte ouverte" comme des visiteurs habituels, vus comme des éléments familiers, même s'ils sont très désagréables et apprendre à les reconnaitre, les observer, les laisser vivre sans les combattre. Ils se feront moins fréquents et intrusifs du fait même du lacher prise. La guérison ne signifie donc pas du tout la suppression des gênes, mais au contraire leur acceptation distanciée qui va permettre dans le temps leur réduction et leur "oubli" de plus en plus fréquent.

 

Accepter, au sens éthymologique "Acceptare" veut dire "recevoir". Il va falloir apprendre au Patient, è développer l'observation de lui même "comme un autre" et à accueillir ce qui se présente avec détachement .  Il s'agit d'apprendre au Patient a entretenir par rapport à ses événements personnels une "curiosité détachée comme celle que peut avoir un enfant pour un insecte enfermé dans un bocal".  (Nota : la philosophie orientale enseigne le détachement ( Cf bouddhisme) et un certain nombre de pratiques la mettent en oeuvre comme le Yoga ou la Meditation par exemple).

Cette acceptation va constituer dans bien des thérapies, le changement essentiel et nécessaire du Patient  vers la guérison. Un point de vue différent sur ses émotions et ses problèmes personnels va être possible par l'acceptation et l'observation fine de soi-même, un peu plus neutre. Equanime comme disent certaines pratiques. 

 

Je terminerai cet article par une métaphore sur les sables mouvants :

"imaginez que vous marchiez en terrain marécageux et que vous vous trouviez pris dans des sables mouvants. Si vous vous débattez et essayez vivement de vous sortir de ces sables mouvants, que va t-il se passer ?. Quand on cherche à s'extraire des sables mouvants en se débattant, le résultat est qu'on s'enfonce davantage et plus vite.  La meilleure stratégie consiste au contraire a ne pas trop bouger et à faire "contact" le plus possible avec la surface, à faire "corps" avec le sable mouvant dans un premier temps, en l'acceptant pour mieux s'en dégager progressivement "

 

L'acceptation est l'une de Clefs de la Thérapie.

 

 

 

 

 


 

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