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9 novembre 2009 1 09 /11 /novembre /2009 12:15

Le Ruban Blanc de Michael Hanecke est un film très intéressant. L’auteur y explore à nouveau l’univers qui l’interroge, celui de la violence. Les scènes du film se passent dans la campagne autrichienne vers 1913, juste avant la Grande Guerre. Des événements violents et sournois s’abattent sur le village durant plusieurs mois sans que l'on puisse démasquer le ou les coupables : Une corde est tirée qui fait violemment chuter le médecin et l’envoie pour plusieurs semaines à l’hôpital... Une femme se tue en chutant d’un grenier pendant son travail... Le fils du baron – propriétaire du domaine agricole et employeur de tous les gens du village - est retrouvé attaché alors qu’il a été très cruellement fouetté... La violence semble monter crescendo vers un paroxysme.

Le spectateur, en même temps que le narrateur du film – c'est-à-dire l’instituteur du village – progresse dans la découverte de ce qui apparait comme une vérité improbable à priori, mais au final combien évidente à postériori. Cette violence sournoise est l’œuvre des enfants du village,  adolescents et complices. Mais en toile de fond, cette violence n’apparait que comme l’héritage d’une autre violence autrement plus perverse, sournoise, et dont aucune famille n'est indemne. Celle des adultes. De leurs rapports sociaux : Les barons, maitres absolus du village ont un pouvoir démesuré – quasiment de vie et de mort à une époque où le travail permet à peine de subsister – vis-à-vis de villageois asservis, abrutis par leur condition. La violence comportementale entre adultes, illustrée cruellement entre le médecin et sa sage femme qui lui sert de bonne à tout faire et de maitresse occasionnelle. Elle s'insinue même entre le baron et sa femme qui semblaient préservés au premier abord, mais subissent finalement de plein fouet, par effet retour la violence symbolique instaurée entre les classes sociales . Aussi, la violence entre parents et enfants : montrée dans la famille du pasteur qui en recherchant la pureté face aux attaques incessantes du mal, punit sévèrement ses enfants, en acte et en paroles. Ces paroles sont montrées là encore plus dévastatrices que les coups. Enfin, la violence entre enfants : par jalousie entre ce qui apparait déjà comme une conscience de classe sociale, et de façon gratuite, incompréhensible, abjecte lorsqu’il s’agit de martyriser un enfant handicapé.

Toute cette violence adulte suintant entre les classes sociales et les individus, du fait de conditions de vie très rudes - de familles nombreuses, d'une éducation parentale autoritaire, d'une éducation religieuse puritaine culpabilisatrice où il est exigé violemment de se protéger du mal omniprésent, de la violence sexuelle entre certains parents et leurs enfants, finit par produire une société enfantine totalement pervertie, dont personne ne ressort indemne, à l’exception des enfants en bas âge ou débiles. Le jeune fils du pasteur sensible à la vie et à la tristesse de son père semble encore préservé au milieu de tout ça, comme sauvé par la grâce.

A postériori, et c’est certainement l’objet de la démonstration d’Hanecke, ne peut émerger de cette violence adulte, qu’une violence terrible chez les enfants et un crescendo de violence final qui trouvera sa catharsis dans la grande guerre de 1914 dont l’annonce termine le film.

Le Ruban Blanc est filmé en noir et blanc. Pour mieux exprimer l’époque, la noirceur des âmes et des conditions de vie, ainsi que la blancheur  apparente  mais déjà  souillée du Ruban Blanc symbole de pureté que les enfants arborent à leur première communion.  Ce qui frappe c'est l'intelligence collective dans le mal des enfants, comme si l'éducation reçue par la société des adultes les avait rendu encore plus forts qu'eux dans cette tendance, dans l'accomplissement de la violence assumée maintenant collectivement et de façon totalement déculpabilisée.

Le film m’a fait repenser à « Sa Majesté des Mouches » le fameux roman du prix Nobel de littérature William Golding. Dans ce livre, la violence enfantine finit par se produire entre enfants, alors qu’ils sont sans les adultes et donc sans leur influence. Ils doivent construire totalement leur société et finissent par se faire la guerre. Comme si la violence était partie intégrante de la Nature Humaine.

Le film de Hanecke en revanche semble plutôt tendre vers le procès de la société, d’une culture toute entière faite de violence réelle ou symbolique. La violence est bien là chez les humains mais apparait comme transmise. Alors Nature ou Culture ? Est-elle inéluctable? La question demeure.Gageons qu'Hanecke continuera à l'explorer.

Donc, un excellent film.

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