Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 octobre 2011 6 29 /10 /octobre /2011 15:24

 

Lors d’un échange récent de mails intéressants, mon correspondant me disait que la problématique de l’addiction était, selon lui, plus une question de nature individuelle que de substance ou d’objet. Cette réflexion m’a amené à réfléchir à mon propre comportement en matière d’addiction, ayant très probablement moi-même une forte nature d’addict particulièrement dans le domaine du Jeu. Une addiction pouvant se substituer à une autre, mais mon état d’Addiction ne disparaissant vraiment jamais complètement.

 

Vers dix ans, durant une maladie qui m’a immobilisé quelques semaines mon père m’a appris à jouer aux échecs. Rapidement , après quelques semaines, celui ci n’a plus voulu continuer à jouer avec moi à ce jeu car il n’aimait pas perdre… Ce fut probablement l’un de mes grands plaisirs avec lui. J’avais alors passé des journées et des nuits entières à compulser des livres expliquant en détail les ouvertures, les milieux de parties ou encore les fins de partie du Jeu d’échec.  Voyant temporairement le monde extérieur au prisme de cette addiction, tel le Jeune Maitre Loujine dans le Roman de Nabokov « La défense Loujine » : "Les reflets des fenêtres se rejoignaient et s'alignaient, l'abîme était divisé en carrés clairs et en carrés sombres..."

 

J’ai délaissé ce jeu peu après, ne trouvant pas dans mon entourage immédiat suffisamment de répondant ou de stimulation.

 

Un peu plus tard, j’ai sacrifié mon année de seconde pour le ping-pong, nouvelle addiction d’un an, passant mes week-ends dans des compétitions inter-lycées. Par chance, il y avait une grande émulation présente autour de ce jeu, le champion de France faisait partie de notre équipe.

 

Puis en première, le Jeu d’Echec a  resurgit, encouragé par notre professeur de mathématique lui-même Maitre, et mon équipe – de Lycée – a été sacrée championne de Bretagne. J’occupais alors la position N°2 dans une équipe composée de 6 joueurs. Des centaines d’heures ont été consacrées au détriment du reste (études ou autres loisirs) à l’entrainement et on peut dire que pendant cette période je n’ai fait que ça : je vivais pour et par le Jeu d’échec étant considéré dans le lycée comme un Maitre.

 

En terminale, j’ai passé mon bac au flipper du café du coin, en bas de chez moi, Le Petit Suisse. Je me régalais en entendant claquer les parties gratuites et je tapais tellement fort sur les flips que j’avais de la corne au bout des doigts pendant toute l’année.  Il y avait un grand plaisir de se retrouver là, un rituel apaisant qui rythmait les études et permettait temporairement de se débarrasser du stress des révisons, un  plaisir personnel dans la possibilité de dépasser ses propres high-score, une volonté de maitrise fluide des choses, une satisfaction très forte dans la compétition avec des pairs de valeurs, probablement aussi  déjà le goût du spectacle et de la démonstration, adorant les attroupements et applaudissements lors de l’atteinte de « high score » exceptionnels.  


Peu après, des jeux vidéos tels que Space Invaders, Pacman ou Galaxian sont apparus me faisant perdre déjà des fortunes en argent de poche.  Penguin était un pingoin qui poussait des cubes de glaces dans des labyrinthes bloquant le chemin de prédateurs qui voulaient lui faire la peau… Mon partenaire de jeu du moment était un jeune chercheur en mathématiques fondamentales du CNRS qui comme moi, venait réviser des heures dans l’ambiance agréable de ce troquet et faire ses pause salutaires en poussant des cubes de glaces… LOL.

 

Entreprenant des études d’ingénieur j’ai eu la chance alors de « tomber » sur l’informatique et la programmation  choisissant en solitaire ou en groupe de développer des jeux. J’ai passé des milliers d’heures à étudier les codes, les langages, le développement , et à jouer « contre l’ordinateur » avec mes (nos)  œuvres créées « from scratch » : Jeu de Tennis, Jeu de Morpion en trois dimensions,  « Jeu de Dames ».  Le Jeu de Dames était probablement un trop gros morceau de gâteau pour l’époque et les journées sans fins de Nerd sous perfusion de café passées à  programmer l’algorithmique – méthode du minimax avec élagage alpha - , le générateur de mouvements, la fonction d’évaluation etc… ont été épuisantes nerveusement, l’alternance d’émotions de plaisirs et de découragement face à la somme à réaliser instabilisant fortement mon humeur.  Mais quel plaisir enfin, après plusieurs mois,  de « voir » ce Jeu de l’Ordinateur faire des mouvements auxquels je ne m’attendais pas. L’émergence de la notion de Sacrifice par exemple - incompréhensible si on ne va pas au-delà d’un certain horizon – a été un grand moment …

 

J’ai alors découvert l’émotion esthétique au sein de ce qu’il y avait de plus technique et senti l’étonnement que peut avoir un chercheur face a un résultat d’expérience auquel il ne s’attendait pas du tout. Tentant ensuite de déconstruire pour mieux saisir.

 

Lorsque j’ai commencé mon activité professionnelle de Consultant, j’ai continué dans mes addictions au jeu diverses et nécessaire à ma dynamique : Tétris bien sûr dans les années 90, des Jeux d’Arcade Multi-niveaux, Myst et Riven avec leurs énigmes incroyables, Courses de voitures, Mad Dog et ses combats, etc.  

Puis, je me suis intéressé à l’économie et au Jeu boursier et monétaire. Dévorant nombre de livres, qu’ils soient fondamentaux ou encore tactiques, techniques. Autre jeu beaucoup plus risqué mais beaucoup plus rémunérateur a qui comprend le temps et n’a pas besoin de cet argent…

 

L’addiction au Jeu a été omniprésente. On peut se demander à postériori à quoi ont pu servir ces milliers d’heures « cramées » dans des activités stériles ?    A rien bien sûr, si ce n’est ) entretenir un moteur, comme un muscle…

 

Ce même moteur qui a servi pour l’étude en profondeur de différents domaines – très éclectiques.

 Au final, une véritable appétence à déconstruire pour comprendre, entrevoir ce qu’il y a derrière les choses, chercher les tips and tricks, entretenir le goût de la compétition « soft » avec une forme de fair play pour les Gamers, à considérer les défaites comme autant d’opportunités d’apprendre et de progresser, à  être capable de se focaliser des centaines d’heures sur un sujet d’étude, vouloir atteindre le niveau supérieur, faire des excès de vitesse par rapport au commun. 


Aussi un désintérêt pour le « matériel » et même pour les « prix ». La matérialité des « prix » n’étant rien par rapport à leur valeur symbolique ou encore la satisfaction liée à la possibilité d’obtention du « prix ».  Une recherche de ce qui n’a pas de prix en repoussant les limites du Jeu. Parfois trop loin. Car le Jeu a ses règles et tout ne peut être considéré comme Jeu.Le Jeu comme pathologie...

 

Un « Gamer » peut probablement supporter plus facilement le monde impitoyable et souvent méprisable de l’Entreprise Privée.  La vulgarité et la brutalité ambiante. Sa capacité de dissociation par rapport à la réalité des choses est forte. Dans une négociation importante il ne confondra pas sa propre personne avec l’objet de la discussion ou encore les Entreprises. Il pourra même être un bon perdant en pensant que ce n’est que « partie remise ».  Le Gamer Addict possède donc ces qualités essentielles, qui sont autant de défauts sublimés : La témérité en  Gout du Risque, L’obsession en capacité de focalisation, L’obstination en  capacité de remise en question nécessaire pour atteindre le « niveau supérieur », l'évitement de l’angoisse et de l’ennui dans des recherches créatives et des explorations poussées autres…

 

Encore aujourd'hui, j'ai fait 190 000 à Pacman. C'est une bonne journée !

Partager cet article

Repost0
Créer un blog gratuit sur overblog.com - Contact - CGU -