« Pourquoi la vie passe plus vite à mesure qu’on vieillit » est un livre passionnant - publié aux éditions Flammarion - et écrit par Douwe Draaisma, professeur d’histoire de
la psychologie à l’université de Groningue (Pays-Bas).
C’est un ouvrage d’érudit, étonnant, qui étudie la mémoire, plus particulièrement celle dans laquelle nous stockons les événements personnels et qui a été baptisée « mémoire autobiographique » par
la psychologie au début des années 1980.
Douwe Draaisma part de nombreuses anecdotes historiques, articles de revues scientifiques, références à la littérature, et va ainsi explorer cette mémoire qui serait une chronique de notre
existence, une sorte de gros registre que l’on consulte lorsque l’on nous questionne sur notre premier souvenir, la maison de notre enfance ou le titre du dernier livre que nous avons lu.
L’auteur se lance dans une recherche des mystérieuses lois qui lui sont propres et des phénomènes que la majorité d’entre nous, pouvons constater :
- Pourquoi cette mémoire ne note-elle rien des événements précèdent notre troisième ou quatrième année ?
- Pourquoi les offenses sont-elles inscrites à l’encre indélébile ?
- Pourquoi dans nos moments les plus sombres, la mémoire se rouvre t-elle précisément sur les pages les plus sombres ?
- Pourquoi des souvenirs de jeunesse peuvent défiler devant les yeux d’un vieil homme avec plus de netteté que lorsqu’il avait quarante ans ?
- Pourquoi avons-nous un souvenir si précis de l’endroit où nous nous trouvions lorsque nous avons appris, par exemple, que la princesse Diana avait eu un accident mortel ?
- D’où nous viennent les sensations de « déjà-vu » ou de "dépersonnalisation" ?
- Comment est-il possible que le temps semble passer toujours plus vite à mesure qu’on vieillit ?
Ci-dessous, et pour ceux qui ont le courage de lire tout cela , quelques extraits / résumés de passages qui m’ont vraiment marqués dans ce livre qui mêle habilement histoire de la
psychologie, culture scientifique contemporaine et sensibilité de la littérature.
1. A propos des « premiers souvenirs »
« En explorant mon enfance, écrivait Vladimir Nabokov, dans Autres Rivages, je vois l’éveil de la conscience sous l’aspect d’une série d’éclairs espacés, avec des intervalles entre eux diminuant
peu à peu jusqu’à ce que se forment de lumineux blocs de perception, offrant à la mémoire une prise glissante. »
Il semble qu’aussi longtemps qu’il n’y a pas de « je » ou de « moi », les choses vécues ne peuvent être stockées en tant que « souvenir personnels ».Selon les psychologues Mark Howe et Mary
Courage, il faudrait d’abord une masse critique de conscience de soi, un « je » séparé, pour que puisse se développer la mémoire autobiographique. Une mémoire sans « je » serait aussi
inconcevable qu’une biographie sans protagoniste.
« « Le « je » et le « tu » changent eux aussi selon la perspective du locuteur : c’est le même petit de deux ans qui est « je » quand il dit quelque chose et « tu » , quand on lui dit quelque
chose. Et n’est ce pas déconcertant toutes ces personnes sur la terre qui sont autant de « Je » ? L’usage correct de ces pronoms présuppose de saisir la différence entre soi et autrui. Vers leur
deuxième anniversaire, presque tous les enfants ont résolu cette difficulté et savent à tout moment faire la distinction entre je, tu ou moi. C’est seulement lorsqu’il y a un « moi » capable
de réunir les expériences en un ensemble de souvenirs appartenant à une seule personne que peut se développer la mémoire autobiographique. »
2. A propos de « Odeur et Souvenir »
Un rappel de la fameuse madeleine de Proust dans « A la recherche du temps perdu » et une analyse de l’auteur sur le phénomène qui a déclenché le souvenir.
Parfois cela se produit comme chez Proust, en deux phases. On perçoit une odeur, le plus souvent sans s’en rendre compte tout de suite, puis survient un brusque changement d’humeur ; surpris, on
tente d’identifier le souvenir qui en est responsable, et quand on y parvient, l’odeur peut enfin s’associer à un souvenir. Dans d’autres cas, les choses vont si vite qu’une association directe
semble se produire entre l’odeur et le souvenir, sans qu’il faille passer par l’humeur comme chainon intermédiaire. Pour de tels souvenirs, l’odorat semble prédominer sur les autres sens.
En effet, les bulbes olfactifs sont reliés directement à une partie profonde et phylogénétique ment très ancienne du cerveau, le système limbique. Le système limbique est lui-même constitué
d’un ensemble de structures impliquées dans la vigilance et les émotions. L’une d’elle, l’hippocampe, joue un rôle essentiel dans le stockage des faits et des événements et a des liaisons
directes avec l’olfaction.
Le prix à payer pour emprunter cette route privilégiée, ce raccourci, est l’absence de tout contact avec les parties du cerveau impliquées dans la compréhension et la production du langage. Une
fois acheminé, le stimulus olfactif est réduit au silence. L’odorat est notoirement connu pour être un « sens muet ». Les odeurs ne sont guère descriptibles, elles sont difficiles à désolidariser
des objets odorants qui les produisent. Ce que nous voyons de l’orange se laisse traduire par des mots, et communiquer à autrui : ronde, orange, quelque sept centimètres de diamètre, avec des
petits creux dans la peau. Ce que nous sentons de l’orange ne se laisse exprimer que comme une odeur d’orange.
Cela expliquerait pourquoi une odeur n’évoque d’abord qu’une atmosphère, une ambiance difficile à traduire en mots, et pourquoi il faut du temps et bien des efforts parfois pour retrouver les
souvenirs responsables de cet état. Ce déroulement correspond bien à la fonction évolutive, darwinienne, de l’odorat : une première réaction rapide qui associe l’odeur au danger, à la sensation de
bien être ou à la tension, puis l’identification, qui requiert un peu plus de temps.
3. A propos de « Comme si c’était hier »
Les vexations sont transcrites en nous comme à l’encre indélébile. Elles ne vieillissent pas. Tandis que nous prenons de l’âge, elles avancent avec nous dans le temps, comme si un seul jour nous
séparait de l’événement en question.
Quand les gens se mettent à parler d’une humiliation qu’ils ont subie, c’est comme si l’événement avait été stocké dans la mémoire en temps réel. La remémoration et le récit de l’incident prennent
autant de temps que l’événement lorsqu’il s’est déroulé : « Le type entre sans frapper, vient carrément s’asseoir sur mon bureau, je le vois encore, et il me dit, d’un ton glacial… » Ces
souvenirs là font penser aux premières années du cinéma, quand les techniques de montage, qui donnent un rythme au film, n’existaient pas encore. Dans le cas de souvenirs moins affectifs, le récit
met en forme l’événement et lui confère un certain sens, tandis que les vexations défilent comme autant de séquences à l’état pur devant le projecteur de notre mémoire.
4. A propos du « Flash intérieur »
« Qu’étiez-vous en train de faire au moment où vous avez appris que la princesse Diana était morte ? »
Les personnes qui apprennent certaines nouvelles bouleversantes retiennent non seulement l’information elle-même, mais aussi le détail des circonstances (halo) qui l’accompagnent. Par exemple
beaucoup de personnes sont capables de dire où elles se trouvaient et ce qu’elles faisaient lorsqu’elles ont apprises la mort de Diana.
C’est comme si, écrivent Brown et Kulik, quelque part dans le cerveau s’activait un mécanisme de « Print Now ! » qui fixerait toute la scène sans faire de discrimination. Les souvenirs flashes,
écrit Conway, s’imposent à l’esprit avec une plus grande unité que les souvenirs « normaux » qui consistent partiellement en reconstructions et en interprétations. L’évocation de souvenirs
autobiographiques se fait le plus souvent graduellement, avec des souvenirs qui se précisent et se complètent progressivement.
5. A propos de « pourquoi nos souvenirs se déroulent-ils en marche avant et non en marche arrière ? »
Les explications développées sont très « darwiniennes » :
Bradley chercha l’explication de la marche vers l’avant du souvenir dans la fonction biologique du cerveau. « La vie étant un processus de dégradation et de réparation constant, et un combat de
tous les instants contre les dangers, si nous voulons rester en vie, nos pensées doivent s’orienter vers l’anticipation. » ; Nous enregistrons nos perceptions et nos expériences en vue de nos
actions à venir ; ce qui est arrivé dans le passé n’a d’intérêt que dans la mesure où cela nous rend apte à anticiper. Vue sous cet angle, la mémoire n’est pas orientée vers ce qui a eu
lieu mais vers ce qui va avoir lieu, raison pour laquelle le souvenir lui aussi tourne les yeux vers l’avenir. Cette explication semble convaincante et naturelle : notre mémoire semble
se construire pour faire face aux changements. Le fait de retenir est donc au service de l’expectative.
6. A propos du « Déjà-vu » et de la « Dépersonnalisation »
L’auteur explore l’histoire des différentes hypothèses à propos du « déjà-vu ».
En 1844, le médecin anglais Arthur Ladbroke Wigan définissait l’expérience de déjà-vu comme un sentiment de pré-existence.
Pour certains, l’impression de duplication parfaite a pu être considérée comme la preuve d’une hypothèse beaucoup plus radicale : toute notre vie se répéterait à l’infini et sous une forme
identique. Dans l’existence ordinaire, quotidienne, nous n’en serions pas conscients, c’est de temps en temps seulement, dans des moments de « sudden light », que nous percevrions la répétition. Un
déjà-vu et c’est la fissure dans le temps qui nous ferait saisir l’éternel retour au sein de notre propre existence.
D’autres pensent que ce seraient des visions oniriques du sommeil qui couvent dans l’obscurité de la mémoire et resurgissent sous l’effet du spectacle d’objets bien réels, qui épousent plus ou
moins les formes de notre imagination. Le déjà vu serait le souvenir non d’une vie antérieure, mais d’une chose qui, de quelque manière, a été un jour présente dans notre esprit.
Les explorations plus récentes du cerveau privilégient plutôt la thèse selon laquelle chaque hémisphère du cerveau gère son propre flux d’image, mais notre conscience les fait se recouvrir avec une
telle précision qu’il semble n’y en avoir qu’un seul. Lorsque l’intégration n’a pas lieu, pour une raison ou pour une autre, l’image se dédouble, et ce phénomène est pris pour une répétition. Ces
images ne sont pas seulement visuelles, elles sont la somme de toutes les impressions sensorielles du moment donné, incluant les odeurs, les bruits, le froid ou la chaleur, la faim etc… Que
le déjà-vu soit ressenti comme une exacte répétition est donc, d’après cette explication, ce à quoi il faut s’attendre : en réalité un laps de temps très court s’écoule entre les deux images. Ce
sentiment de coïncidence absolue – on est de la même humeur, on pense et on ressent les choses de la même façon – s’accorde bien, lui aussi, avec cet infime décalage temporel.
L’auteur explore aussi les liens entre le phénomène de déjà-vu et celui de dépersonnalisation. Qu’est ce donc que la « dépersonnalisation » ? Pour reprendre les termes de Heyman, la
dépersonnalisation est « un état qui apparait soudain, disparaît souvent tout aussi vite, et dans lequel tout ce que nous percevons nous semble étranger, nouveau, se déroule comme dans un rêve,
plutôt que comme dans la réalité ; les gens auxquels nous parlons nous font l’effet d’être des machines, notre propre voix nous semble étrange et résonne à nos oreilles comme celle d’un autre, et
nous avons généralement le sentiment de ne pas agir ni de parler nous-mêmes, mais de percevoir nos actes et nos paroles en spectateurs inactifs. Cela peut arriver plus couramment et de façon
plus anodine pour le phénomène d’étrangeté d’un mot. – cette expérience du mot connu qui sonne soudain « bizarre, étrange, et n’est plus qu’un son ou un ensemble de lettres dépourvues de sens
».
Ces deux phénomènes, le "déjà-vu" et la "dépersonnalisation sont en quelque sorte les deux faces des mêmes processus : Pour le "déjà-vu" le sentiment de "connu" est présent à tort, pour
la dépersonnalisation ce sentiment de "connu" est absent à tort....
En fait, dans notre cerveau la familiarité d'une perception est déterminée par des associations entre ce qui est perçu et les expériences passées. La dépersonnalisation serait la conséquence
du manque total (et momentané) d'associations, de sorte que les mots mais tous les aspects de la situation cesseraient d'être familiers. Le déjà-vu naîtrait quant-à lui lorsque les associations ne
font pas totalement défaut, mais sont faibles et en quantité réduites. Pour la conscience nait alors l'illusion que l'expérience présente est le souvenir d'une époque très lointaine.
Ces phénomènes sont réputés survenir plus fréquemment chez des personnes émotionnellement les plus sensibles, et chez les adolescents souffrant de troubles d'adaptation. Les circonstances
d'apparition de ces phénomènes sont accentuées par les facteurs suivants : fatigue, stress, épuisement, événements traumatisants... Bref, ces circonstances perturbent passagèrement la concentration
et cela résulte en des associations trop faibles et trop peu nombreuses entre le vécu et l'expérience, ce qui peut résulter en ces sentiments étranges de vague souvenir ou d'être extérieur à ce qui
se passe...
7. A propos de la « Réminiscence »
L’auteur s’intéresse à l’effet de réminiscence en s’appuyant sur des études faites sur des sujets âgés et leurs souvenirs. Il apparait clairement que les souvenirs concernant l’année précédente
sont nombreux puis s’estompent de plus en plus fortement pour remonter progressivement et de plus en plus fortement en une bosse, [b]« the reminiscence bump »[/b], correspondant à une accumulation
de souvenirs importante concernant la décennie située entre la quinzième et la vingt-cinquième année.
Quelle est donc la cause de cette accumulation autour de la vingtième année ? La mémoire serait-elle tout bonnement en meilleure condition ?
Il apparait tout d’abord que c’est vers l’âge de vingt ans que la mémoire est au meilleur de sa forme sur le plan neurophysiologique. De plus, il est constaté que la majorité des souvenirs situés
dans la bosse de la réminiscence est en rapport avec les « premières fois » en tout genre. Le premier baiser, les premières règles, la première conférence, les premières vacances sans les parents,
la première leçon de conduite, le premier spectacle d’un défunt, le premier jour de travail – bon nombre de souvenirs de premières fois conservent la clarté d’un souvenir flash.
De plus, les événements qui se produisent dans cette décennie modèlent la personnalité future, déterminent l’identité, orientent le cours de la vie. Ainsi, l’individu d’âge mûr se souviendra
surtout des événements qui ont fait de lui ce qu’il est devenu. Les personnes ont tendance à intégrer des souvenirs en un déroulement cohérent, en narrateur d’une histoire cohérente.
8. A propos de « Pourquoi la vie passe plus vite à mesure qu’on vieillit »
En 1877, le philosophe français [i]Paul Janet[/i] lançait l’idée que la durée apparente d’une certaine période dans la vie de chaque homme était « proportionnelle à la durée totale de cette vie
».
En d’autres terme une période d’un an pour un enfant de huit ans aurait un poids de 1/8 en comparaison d’une période de un an pour un adulte de quarante ans qui aurait un poids de 1/40 ;
Note : 1/8 > 1/40 CQFD
D’autres attribuaient le raccourcissement apparent des années à « la monotonie des contenus de la mémoire et à la simplification qui résulte de la vision rétrospective ».
Ou comme pour Guyau, « la longueur apparente d’une période remémorée est déterminée par le nombre et la variété des événements perçus avec clarté et intensité dans le souvenir ».
Donc un bon précepte de Guyau pour ceux qui veulent « densifier » leur vie :
« Voulez-vous rallonger la perspective du temps, remplissez le si vous pouvez, de mille choses nouvelles. Faites un voyage qui vous passionne, qui vous fasse redevenir jeune en rajeunissant le
monde autour de vous. Les événements accumulés, les espaces parcourus, s’ajouteront, bout à bout, dans votre imagination rétrospective : vous aurez des fragments du monde visible en grand nombre et
disposés en série, et ce sera, comme on dit avec tant de justesse, un long espace de temps ».
L’auteur nous parle aussi du paradoxe entre « évaluation primaire (sur le moment) du temps » et « évaluation secondaire (à postériori) du temps ». Une évaluation de la durée « au moment même
» peut être très différente d’une évaluation rétrospective. Pendant les vacances, ces appréhensions ont souvent un rapport inverse, si bien que « sept journées rapides » (évaluation
primaire), donnent au total une « longue semaine » (évaluation secondaire) . La même évaluation est à l’œuvre dans le sentiment d’ennui. Le temps au cours duquel il ne se passe « rien » semble
long, mais rétrospectivement il semble s’être contracté.
Dans l’Etranger de Camus, le narrateur se retrouve en prison. Ses seuls dérivatifs sont ses souvenirs et l’alternance de la lumière et de l’ombre. Le temps a passé : « Je n’avais pas compris à quel
point les jours pouvaient être à la fois long et courts. Longs à vivre sans doute, mais tellement distendus qu’ils finissaient par déborder les uns sur les autres… Lorsqu’un jour le gardien m’a dit
que j’étais là depuis cinq mois, je l’ai cru, mais je ne l’ai pas compris. Pour moi, c’était sans cesse le même jour qui déferlait dans ma cellule».
9. A propos de « J’ai vu ma vie se dérouler comme un film devant mes yeux»
Douwe Draaisma étudie ici cette expérience qui a été vécue par de nombreuses personnes ayant « frôlées la mort » .
Tout ce qui nous a occupé, tout ce que la mémoire a engrangé, est saisi d’un coup d’œil, comme une clarté qui s’étend soudain à tout le contenu de l’esprit ». La littérature anglaise parle à
ce sujet de mémoire panoramique.
Ce phénomène est accompagné d’un sentiment de sérénité, d’intense quiétude. La question qui se pose est de savoir pourquoi l’esprit humain se comporte de la sorte. D’où viennent cette
accélération de la pensée (qui peut faire que toute une vie semble se dérouler en quelques secondes) , ce regard rétrospectif, cette sensation d’intense quiétude ? Pfister chercha la réponse
dans le concept freudien de « pare-excitation ». De la même manière que nos sens se protègent de stimuli trop forts, notre esprit peut se défendre contre des stimuli psychiques trop
intenses. De là ce phénomène de déréalisation , ce sentiment que la situation dans laquelle on se trouve n’est pas réelle… Pour Pfister cette protection a une fonction biologique. L’accélération
extrême de la pensée chasse les réactions normales d’angoisse et d’effroi, et leur effet paralysant sur l’action. L’égarement de la pensée et le regard rétrospectif sur la vie tiennent celui qui
tombe, qui se noie, qui est victime d’un accident ou de blessures de guerre, à distance de la réalité traumatisante d’une mort imminente. En même temps, ils empêchent que la victime ne perde
conscience : si elle s’évanouissait, tout geste pouvant la sauver deviendrait impossible. Ce que les gens vivent dans les derniers instants, ce sont les effets d’une protection à deux niveaux :
pour prévenir la panique paralysante, la réalité est dépouillée de son aspect terrifiant, et pour empêcher la perte de connaissance totale, l’inconscient offre l’image de scènes réconfortantes. Si
la pensée consciente ne peut offrir de solution malgré l’extrême accélération de son rythme, l’inconscient prend le relai.
Une explication plus physiologique est aussi donnée :
Dans une situation extrême, le cerveau se retrouve dans un état d’activité excessive ; pensées et réactions se succèdent à un rythme tel que le temps semble se dilater ; ensuite le stress, la
douleur, le manque d’oxygène, ou toute autre circonstance spécifique à tel danger encouru conduisent à la sécrétion d’endorphines ; celles-ci endorment la douleur, enraient l’activité sensorielle
et sont responsables du calme plat qui règne après le tumulte des premières réactions instinctives d’angoisse ; pourtant cette même « anesthésie » libère l’activité de parties du cerveau relatives
aux souvenirs et au sens du temps ; l’activité spontanée des neurones dans l’hippocampe, l’amygdale et d’autres parties du lobe temporal projette dans la conscience une série d’images appelées en
toute hâte à la rescousse, et montées un peu n’importe comment ; les scènes angoissantes ne sont pas montrées- ou plutôt, plongé dans cet état d’anesthésie et de détente, voire de franche euphorie,
le spectateur voit tout dans une lumière sereine et lénifiante ; c’est avec ces images devant les yeux qu’il finit par perdre conscience ou qu’il est repris par la douleur.
Ouf...