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18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 21:59

Le "Low Ball" est une technique de manipulation consistant a obtenir un accord d'une personne pour lui faire effectuer une action, un achat désiré par exemple, en en minimisant faussement le coût, ceci en mentant délibérément sur le coût total ultérieur ou en  dissimulant certains "couts cachés" éventuellement non pécuniers.

 

La victime d'une manipulation de type Low-Ball va, ayant déjà accepté un accord même tronqué,  demeurer sur sa position, à condition bien sûr que la déception ne soit pas trop "douloureuse". Un bon manipulateur "Low Ball" doit bien gérer une sorte d'équilibre entre l'attractivité de son offre mensongère et  le  poids du surcout ultérieur pour que ce dernier demeure acceptable, en proportion.

 

Certaines explications de psychologie expérimentales avancent que le Low-Ball fonctionne dut fait de la tendance très répandue à la minimisation de la dissonance cognitive c'est à dire en minimisant les effets de ce qui peut être perçu comme négativement lorsque qu'une chose est effectivement désirée .

 

Il s'agit lors pour le manipulateur de "vendre" à un prix faussement attractif un objet de "désir", puis une fois ce désir  solidement ancré par une acceptation, relever le coût de cet objet de "désir". La personne étant déjà entrée dans le "désir" aura tendance a minimiser le surcoût démasqué après son acceptation initiale.

 

Exemple 1 : Un magasin annonce qu'aujourd'hui les téléviseurs, exceptionnellement, bénéficient à la vente d'une remise de 50%. Client alléché avant les fêtes de Noel, je vais voir le vendeur de télévision qui me fait "l'article" de tous les téléviseurs du stand, commençant par des téléviseurs bas de gammes et à la qualité relativement médiocres pour aboutir sur le Nec plus Ultra de la technologie, d ailleurs primés au dernier CES de Las Vegas. Il insiste sur les avantages uniques de ce téléviseur grand écran à 1500€ prix affiché... Ce n'est pas rien mais je pense à la remise significative de 50%. Et puis je m'imagine déjà regardant mes films préférés sur ce téléviseur au magnifique rendu visuel.  Au moment d'établir la facture, le vendeur me demande si je suis intéressé par une extension de garantie sur 3 ans à 150 €.. On ne sait jamais... Je lui argue que le téléviseur doit au moins être garanti constructeur sur un an, mais il me dit que ca ne concerne que la "carte mère" et pas les bris d'écrans ou autres défaillances visuelles qui pourraient survenir. J'accepte par prudence et il établit la facture : 1150 € ... Je regarde la facture et lui dit que ca ne correspond pas à 50% de remise sur le prix affiché et là il me dit que les 50% ne sont applicables que sur les téléviseurs marqués d'une pastille jaune, certes discrète. Mais que ce téléviseur  fait quand même l'objet d'une remise de 30% ce qui n'est pas rien pour une technologie aussi récente et un tel équipement. Je suis libre d'ailleurs de changer pour un téléviseur "pastillé".  J'accepte le Meilleur Téléviseur , heureux de pouvoir visionner mes vidéos préférées en "grand écran" avec une telle qualité !

J'ai ici été victime d'un "Low Ball", le vendeur (et le magasin) savait pertinament ce qu'il faisait bien entendu. Je me suis quand même fait enfler de 450€ par rapport à ce que je pensais effectivement dépenser quand j'ai dit auvendeur que je souhaitais ce televiseur en particulier...Mais quand on aime on ne compte pas.

 

Exemple 2 : Je suis Directeur de la Manipulation dans une grande entreprise, Piranhas Inc.  et ayant un grand besoin de vacances pour écrire tranquillement  je décide de me faire licencier, c'est à dire financer. Bien sûr, dans les trois mois précédents ce départ je fais tout ce qu'il faut pour être digne de cette libération et enfin arrive le jour tant attendu, début réel de "procédure". Je négocie comme un chien déployant une panoplie de savoirs-faire et savoir-être mis au service de l'Entreprise Piranhas Inc.  pour se négociations commerciales;  la DRH que je connais quand même bien étant sympa, elle va même aller demander une autorisation spéciale  à la maison-mère pour faire un chèque qui dépasse son niveau de sign-off. Nous sommes d'accord et heureuse de cette conclusion dans laquelle elle s'est déja beaucoup engagée elle me dit que ça tombe bien car demain soir elle part en vacances ... Elle doit mettre noir sur blanc l'accord me le soumettre par mail demain matin et après agrément formel de ma part, l'envoyer à l'avocat pour qu'il déroule la procédure . Le lendemain, je reçois le mail en tout point conforme à ce qui avait été dit et là, à 15:00 je lui téléphone le ton anxieux et lui dis : "Martine,  le montant négocié est bien hors taxes ? , c'est à dire Net, hors CSG, CRDS etc...Hein ca me parait évident ?" Et là Martine s'étrangle au téléphone , mais trop pressée d'en finir et de partir en vacances, elle lâche :  Bon... c'est tout... ca ira comme ca  ?   Oui Martine, Et Bonnes vacances !
Gain du Low Ball égal environ 20% sur la transaction...

 

Nous sommes tous à des degrés divers sujets à des opérations de Low Ball : période des soldes avec % de remises non généralisés, attentes ou surbooking couteux en temps visant à l'optimisation des capacités dans les transports aériens ou télécoms - surtout ceux présentés facialement comme Low Cost, etc...

 

 

 

 

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17 octobre 2011 1 17 /10 /octobre /2011 21:13

Le Pied dans la Porte est une technique de manipulation très connue qui consiste à demander à quelqu'un de faire quelque chose de très facile en apparence, d'accepter de faire une action ou d'adopter un comportement "peu couteux". C'est une technique très utilisée dans la vente ou le marketing et on peut dire que d'une certaine manière faire quelque chose de simple pour quelqu'un n'est pas neutre, "engage" potentiellement. La personne ayant "déjà" acceptée une première action peut couteuse va ensuite beaucoup plus facilement accepter de faire quelque chose de plus couteux... justifiant ainsi son acte précèdent, remplissant le nouveau par cohérence dans une chaine d'action, comportements.

 

Cette technique est par exemple utilisée dans la rue par des personnes qui collectent des dons pour des associations. Il est d'abord demandé au passant de bien vouloir signer une pétition contre le faim dans le monde... Pas besoin de donner son adresse ni rien, cela ne dure que quelques secondes (1ere action peu couteuse). Une fois cette première action exécutée, il peut alors être demandé à la personne si elle veut bien souscrire - librement - à l'association "Contre La Faim dans le Monde" ou encore, si elle ne veut pas ou ne peut pas si elle peut donner un petit quelque chose (2eme action plus coûteuse). Les expériences conduites en psychologie expérimentale ont démontré que les personnes ayant déjà été sollicité via le  la première action, adhéreront ou donneront en proportion beaucoup plus que s'ils avaient été sollicités directement pour adhérer ou donner... 

 

Cette technique est largement employée par les  vendeurs, commerciaux, qui peuvent commencer à vendre "pas cher" quelque chose de peu couteux pour y rajouter ensuite une série d'options plus couteuses, ou encore par exemple a "engager" le client dans des comportements très simples comme s'asseoir au volant de la superbe voiture en vente pour voir comment c'est, éventuellement la conduire un peu, pour mieux les "ferrer" ensuite...

 

Accepter de faire rentrer chez soi les témoins de Jéhova, si sympathiques soient-ils est aussi un acte engageant surtout quand on accepte gentiment de les écouter ensuite une demi heure, action peu couteuse, si tant est qu'on n'ait pas conscience de la valeur de son temps libre...

 

Faire accepter à sa magnifique collègue de travail de "boire juste un verre" en tout bien tout honneur bien sûr,  après le boulot comme ça... un quart d'heure ce serait sympa..., est en soit la première étape réussie et indispensable d'un processus qui peut être beaucoup plus réjouissant par la suite, encore que ça dépende pour qui ;-).

 

Plus courant en entreprise, admettons que je sois le manager de Fabien qui est mon meilleur consultant et qu'un appel d'offre énorme et très important pour ma société et qui demande au moins un mois de travail acharné pour y répondre est arrivé sur mon bureau aujourd'hui. Il concerne la refonte totale des Télécoms de l'Entreprise Durant que je veux absolumment compter parmi mes clients stratégiques. J'ai à ma disposition une équipe de 10 personnes et certains ne sont pas trop chargés comme Sylvie ou Alain par exemple ... mais ils n'ont vtraiment pas le niveau pour traiter ce dossier important... Les autres sont déjà bien chargés et je ne suis pas vraiment confiant.  Fabien serait évidemment la personne idéale mais il a en ce moment un comportement pas facile du tout et il rechigne à la tâche car il est surchargé de travail et ne veux plus rien prendre d'important dans les semaines qui viennent...Il est vrai que j'ai un peu abusé ces derniers temps...Comment faire ?

 

Je peux passer l'air de rien dans le bureau des consultants et leur demander comment ca va; si tout baigne, plaisanter, il fait vraiment très beau pour la saison et le temps et clair et lumineux, c'est vraiment rafraichissant ces journées lumineuses... Et puis allant enfin vers Fabien lui dire que Mr Félix, Directeur Télécom de la Société Durant m'a posé quelques questions - assez simples - auxquelles je ne comprends malheureusement rien car c'est un peu trop technique pour moi et que ce sera rapide d'y répondre, peut être une heure mais pas plus. Je peux alors isoler par exemple quelques questions simples du chapitre technique de l'appel d'offre et les envoyer par mail à Fabien ... Fabien va bien sûr répondre au mail très précisément en  faisant preuve de grand professionalisme comme a son habitude...

Pour que ca ne paraisse pas trop "louche", je peux  ensuite garder  l'appel d'offre sous le coude deux jours sur mon bureau et être particulièrement prévenant avec Fabien pendant ce temps , en le "dégageant" un peu dans la semaine et en dispatchant des choses simples et non stratégiques qu'il traitait à d'autres parce que j'ai bien conscience qu'il est "full" et puis ce n'est pas assez intéressant pour lui à son niveau... Et puis lui dire le lendemain que sa réponse technique a beaucoup plu a l'Entreprise Durant et  à fait "mouche"... chance inespérée pour notre société... nous faisons  partie des sociétés sélectionnées pour répondre à son appel d'offre majeur qui va arriver je l'espère, je croise les doigts...

 

Il y a de grandes chances que le lendemain Fabien accepte, du fait de son pré engagement dans l'action simple et par s souci de cohérence comportementale, de prendre en charge le titanesque  travail de réponse d'un mois s'y sentant en même temps valorisé et libre. Si j'étais venu le voir directement à son bureau en lui balançant cet appel d'offre sur son bureau et en lui disant "tu as un mois pour répondre" c'est sûr que sa réaction n'aurait pas été du tout la même.

J

'ai ici, dans cet exemple, manipulé Fabien en ceci qu' il n'était pas au courant de mon intention finale lors de la première demande - factice - ,ayant même dissimulé des faits lors de cette "préparation" appelée "Pied dans la Porte"...


Bien sûr si je suis - aussi - un bon manager, Fabien aura la meilleure augmentation du groupe bientôt et sera remercié comme il le convient pour son excellent travail.

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11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 19:32
La théorie du Contrat de Communication a été proposé par Rodolphe Ghiglione célèbre psychologue français. Cette théorie "... s'exprime dans le fait que tout sujet communiquant tisse souvent à son insu avec son interlocuteur réel ou potentiel un système de règles latentes qui spécifient la communication et en gèrent le déroulement."
Ce contrat fixe des objectifs et un cadre avec ses limites à la communication entre deux personnes.

Si je suis Manager et que je convoque une personne de mon équipe, prévenue de ce fait à l'avance, pour un entretien d'évaluation, nous savons tous les deux lors de l'entretien pourquoi nous sommes là, et un ensemble de règles de communications tacites et de comportements sont attendus.

De même si je suis thérapeute et qu'un Patient vient me voir pour se faire soigner, il sait que je suis le thérapeute et lui le Patient et qu'un certain nombre de choses - dont il n'a pas forcément connaissance préalable peuvent se passer - mais l'objectif est clair et vise à un mieux être du Patient. Chacun sait pourquoi il rencontre l'autre et ce qu'il peut potentiellement attendre de l'autre.

Dans un certain nombre d'interaction sociales, les fonctions de chacun, Professeur-Eleve, Avocat-Client, Parent-Enfant etc... mettent en jeu des contrats de communication tacite.

La ou il y a manipulation, il y a habituellement "rupture" du contrat de communication, c'est à dire que les objectifs, l'intention du manipulateur est dissimulée, floue et la communication apparente ne correspond pas aux objectifs réels de la communication.

Par exemple : Je suis le Fournisseur d'une Entreprise qui est mon plus gros Client. Je soupçonne que ce Client puisse passer à la concurrence alors que nous approchons dangereusement en cette fin d'année de la date de signature contractuelle. le client n'est pas insensible au charme de Michele ma meilleure commerciale. Ca tombe bien, ce Client est fana de rugby et je dispose de deux places pour la finale France Angleterre. Je demande a Michele d inviter le Client le week end pour assister a cette finale. Il est certain que le Contrat de Communication tacite Client Fournisseur risque d'être passablement perturbe pour mon plus grand profit.


Par exemple : Je suis écrivain et je souhaite faire un roman qui met en scène " la trahison". J'approche une personne dont je pressens qu'elle a été trahie de la pire manière - inceste par exemple - et prenant pour prétexte sa fonction je discute avec elle pour mieux la connaitre ainsi que son histoire, m'approchant dangereusement de ce qu'elle garde en elle comme un secret autour duquel elle a pu pathologiquement se construire. Il est fort possible qu'elle considère alors un jour cette curiosité malsaine ainsi que le désintérêt réel pour sa fonction comme un deuxième viol. Il y a eu dans ce cas encore rupture du contrat de communication, mensonge sur les objectifs de la rencontre, manipulation.

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9 octobre 2011 7 09 /10 /octobre /2011 21:55
Un nombre certain de personnes m'ont récemment dit que j'étais un bon "manipulateur" et que vu mon talent je devrais écrire aussi un peu là dessus pour faire partager mon expérience et ma vision des choses en la matière.

Tout d'abord, je souhaiterais reprendre la définition de la Manipulation donnée par Jean-Léon Beauvois (Auteur avec Joule du célèbre Petit Traité de Manipulation à l'Usage des Honnêtes Gens ainsi que plus récemment du livre Les Influences Sournoises).
"Manipulation : Il y a manipulation d'une personne A quand ses idées ou opinions, ou encore quand ses comportements sont affectés par les agissements délibérés et/ou orientés d'une personne ou d'un appareil social B, la personne A n'ayant aucune clairvoyance du rôle causal(ou déterministe) de ces agissements de B sur ses idées, opinions et comportements actuels, au point qu'elle puisse ressentir un grand sentiment d'autodétermination et de liberté en les émettant et ou en les réalisant."

Mon expérience personnelle quotidienne, professionnelle de consultant et de manager, exceptionnellement de coach et de thérapeute utilisant la PNL et l'hypnose Ericksonienne est riche en tant que praticien ou témoin de la manipulation. Mon expérience de consommateur et de téléspectateur l'est aussi particulièrement en tant que cible de la manipulation généralisée et sournoise tendant à me faire toujours consommer un peu plus en préparant au mieux mon temps de cerveau disponible.

Je vais tout d'abord recenser les techniques déjà présentées par Jean-Léon Beauvois et son compère Joule, ainsi que par Cialdini (Influence et Manipulation) , Normand Baillargeon (Petit traité d'Autodéfense Intellectuelle), Noam Chomski (La fabrication du consentement) etc.


Je tenterai aussi de faire le lien entre certaines techniques de manipulation évidentes et les techniques visant à l'induction hypnotique pour aboutir à la transe.

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31 août 2009 1 31 /08 /août /2009 15:16
« Pourquoi la vie passe plus vite à mesure qu’on vieillit » est un livre passionnant - publié aux éditions Flammarion -  et écrit par Douwe Draaisma, professeur d’histoire de la psychologie à l’université de Groningue (Pays-Bas).  

C’est un ouvrage d’érudit, étonnant, qui étudie la mémoire, plus particulièrement celle dans laquelle nous stockons les événements personnels et qui a été baptisée « mémoire autobiographique » par la psychologie au début des années 1980.

Douwe Draaisma part de nombreuses  anecdotes historiques, articles de revues scientifiques, références à la littérature, et va ainsi explorer cette mémoire qui serait une chronique de notre existence, une sorte de gros registre que l’on consulte lorsque l’on nous questionne sur notre premier souvenir, la maison de notre enfance  ou le titre du dernier livre que nous avons lu.

L’auteur se lance dans une recherche des mystérieuses lois qui lui sont propres et des phénomènes que la majorité d’entre nous, pouvons constater :
-    Pourquoi cette mémoire ne note-elle rien des événements précèdent notre troisième ou quatrième année ?
-    Pourquoi les offenses sont-elles inscrites à l’encre indélébile ?
-    Pourquoi dans nos moments les plus sombres, la mémoire se rouvre t-elle précisément sur les pages les plus sombres ?
-    Pourquoi des souvenirs de jeunesse peuvent défiler devant les yeux d’un vieil homme avec plus de netteté que lorsqu’il avait quarante ans ?
-    Pourquoi avons-nous un souvenir si précis de l’endroit où nous nous trouvions lorsque nous avons appris, par exemple, que la princesse Diana avait eu un accident mortel ?
-    D’où nous viennent les sensations de « déjà-vu » ou de "dépersonnalisation" ?
-    Comment est-il possible que le temps semble passer toujours plus vite à mesure qu’on vieillit ?

Ci-dessous, et pour ceux qui ont le courage de lire tout cela   , quelques extraits / résumés de passages qui m’ont vraiment marqués dans ce livre qui mêle habilement histoire de la psychologie, culture scientifique contemporaine et sensibilité de la littérature.


1.    A propos des « premiers souvenirs »

« En explorant mon enfance, écrivait Vladimir Nabokov, dans Autres Rivages, je vois l’éveil de la conscience sous l’aspect d’une série d’éclairs espacés, avec des intervalles entre eux diminuant peu à peu jusqu’à ce que se forment de lumineux blocs de perception, offrant à la mémoire une prise glissante. »

Il semble qu’aussi longtemps qu’il n’y a pas de « je » ou de « moi », les choses vécues ne peuvent être stockées en tant que « souvenir personnels ».Selon les psychologues Mark Howe et Mary Courage, il faudrait d’abord une masse critique de conscience de soi, un « je » séparé, pour que puisse se développer la mémoire autobiographique.  Une mémoire sans « je »  serait aussi inconcevable qu’une biographie sans protagoniste.

« « Le « je » et le « tu » changent eux aussi selon la perspective du locuteur : c’est le même petit de deux ans qui est « je » quand il dit quelque chose et « tu » , quand on lui dit quelque chose. Et n’est ce pas déconcertant toutes ces personnes sur la terre qui sont autant de « Je » ? L’usage correct de ces pronoms présuppose de saisir la différence entre soi et autrui. Vers leur deuxième anniversaire, presque tous les enfants ont résolu cette difficulté et savent à tout moment faire la distinction entre je, tu ou moi.  C’est seulement lorsqu’il y a un « moi » capable de réunir les expériences en un ensemble de souvenirs appartenant à une seule personne que peut se développer la mémoire autobiographique. »


2.    A propos de « Odeur et Souvenir »

Un rappel de la fameuse madeleine de Proust  dans « A la recherche du temps perdu » et une analyse de l’auteur sur le phénomène qui a déclenché le souvenir.

Parfois cela se produit comme chez Proust, en deux phases. On perçoit une odeur, le plus souvent sans s’en rendre compte tout de suite, puis survient un brusque changement d’humeur ; surpris, on tente d’identifier le souvenir qui en est responsable, et quand on y parvient, l’odeur peut enfin s’associer à un souvenir. Dans d’autres cas, les choses vont si vite qu’une association directe semble se produire entre l’odeur et le souvenir, sans qu’il faille passer par l’humeur comme chainon intermédiaire. Pour de tels souvenirs, l’odorat semble prédominer sur les autres sens.

En effet, les bulbes olfactifs sont reliés directement à une partie profonde et phylogénétique ment très ancienne du cerveau, le système limbique.  Le système limbique est lui-même constitué d’un ensemble de structures impliquées dans la vigilance et les émotions. L’une d’elle, l’hippocampe, joue un rôle essentiel  dans le stockage des faits et des événements et a des liaisons directes avec l’olfaction.

Le prix à payer pour emprunter cette route privilégiée, ce raccourci, est l’absence de tout contact avec les parties du cerveau impliquées dans la compréhension et la production du langage. Une fois acheminé, le stimulus olfactif est réduit au silence. L’odorat est notoirement connu pour être un « sens muet ». Les odeurs ne sont guère descriptibles, elles sont difficiles à désolidariser des objets odorants qui les produisent. Ce que nous voyons de l’orange se laisse traduire par des mots, et communiquer à autrui : ronde, orange, quelque sept centimètres de diamètre, avec des petits creux dans la peau. Ce que nous sentons de l’orange ne se laisse exprimer que comme une odeur d’orange.

Cela expliquerait pourquoi une odeur n’évoque d’abord qu’une atmosphère, une ambiance difficile à traduire en mots, et pourquoi il faut du temps et bien des efforts parfois pour retrouver les souvenirs responsables de cet état. Ce déroulement correspond bien à la fonction évolutive, darwinienne, de l’odorat : une première réaction rapide qui associe l’odeur au danger, à la sensation de bien être ou à la tension, puis l’identification, qui requiert un peu plus de temps.


3.    A propos de « Comme si c’était hier »


Les vexations sont transcrites en nous comme à l’encre indélébile. Elles ne vieillissent pas. Tandis que nous prenons de l’âge, elles avancent avec nous dans le temps, comme si un seul jour nous séparait de l’événement en question.

Quand les gens se mettent à parler d’une humiliation qu’ils ont subie, c’est comme si l’événement avait été stocké dans la mémoire en temps réel. La remémoration et le récit de l’incident prennent autant de temps que l’événement lorsqu’il s’est déroulé : «  Le type entre sans frapper, vient carrément s’asseoir sur mon bureau, je le vois encore, et il me dit, d’un ton glacial… » Ces souvenirs là font penser aux premières années du cinéma, quand les techniques de montage, qui donnent un rythme au film, n’existaient pas encore. Dans le cas de souvenirs moins affectifs, le récit met en forme l’événement et lui confère un certain sens, tandis que les vexations défilent comme autant de séquences à l’état pur devant le projecteur de notre mémoire.


4.    A propos du « Flash intérieur »

« Qu’étiez-vous en train de faire au moment où vous avez appris que la princesse Diana était morte ? »

Les personnes qui apprennent certaines nouvelles bouleversantes retiennent non seulement l’information elle-même, mais aussi le détail des circonstances (halo) qui l’accompagnent.  Par exemple beaucoup de personnes sont capables de dire où elles se trouvaient et ce qu’elles faisaient lorsqu’elles ont apprises la mort de Diana.

C’est comme si, écrivent Brown et Kulik, quelque part dans le cerveau s’activait un mécanisme de « Print Now ! » qui fixerait toute la scène sans faire de discrimination. Les souvenirs flashes, écrit Conway, s’imposent à l’esprit avec une plus grande unité que les souvenirs « normaux » qui consistent partiellement en reconstructions et en interprétations. L’évocation de souvenirs autobiographiques se fait le plus souvent graduellement, avec des souvenirs qui se précisent et se complètent progressivement.


5.    A propos de « pourquoi nos souvenirs se déroulent-ils en marche avant et non en marche arrière ? »


Les explications développées sont très « darwiniennes » :

Bradley chercha l’explication de la marche vers l’avant du souvenir dans la fonction biologique du cerveau. « La vie étant un processus de dégradation et de réparation constant, et un combat de tous les instants contre les dangers, si nous voulons rester en vie, nos pensées doivent s’orienter vers l’anticipation. » ; Nous enregistrons nos perceptions et nos expériences en vue de nos actions à venir ; ce qui est arrivé dans le  passé n’a d’intérêt que dans la mesure où cela nous rend apte à anticiper.  Vue sous cet angle, la mémoire n’est pas orientée vers ce qui a eu lieu mais vers ce qui va avoir lieu, raison pour laquelle le souvenir  lui aussi tourne les yeux vers l’avenir. Cette explication semble convaincante  et naturelle : notre mémoire semble se construire pour faire face aux changements. Le fait de retenir est donc au service de l’expectative.


6.    A propos du « Déjà-vu » et de la « Dépersonnalisation »


L’auteur explore l’histoire des différentes hypothèses à propos du « déjà-vu ».
En 1844, le médecin anglais Arthur Ladbroke Wigan définissait l’expérience de déjà-vu comme un sentiment de pré-existence.  
Pour certains, l’impression de duplication parfaite a pu être considérée comme la preuve d’une hypothèse beaucoup plus radicale : toute notre vie se répéterait à l’infini et sous une forme identique. Dans l’existence ordinaire, quotidienne, nous n’en serions pas conscients, c’est de temps en temps seulement, dans des moments de « sudden light », que nous percevrions la répétition. Un déjà-vu et c’est la fissure dans le temps qui nous ferait saisir l’éternel retour au sein de notre propre existence.

D’autres pensent que ce seraient des visions oniriques du sommeil qui couvent dans l’obscurité de la mémoire et resurgissent sous l’effet du spectacle d’objets bien réels, qui épousent plus ou moins les formes de notre imagination.  Le déjà vu serait le souvenir non d’une vie antérieure, mais d’une chose qui, de quelque manière, a été un jour présente dans notre esprit.

Les explorations plus récentes du cerveau privilégient plutôt la thèse selon laquelle chaque hémisphère du cerveau gère son propre flux d’image, mais notre conscience les fait se recouvrir avec une telle précision qu’il semble n’y en avoir qu’un seul. Lorsque l’intégration n’a pas lieu, pour une raison ou pour une autre, l’image se dédouble, et ce phénomène est pris pour une répétition. Ces images ne sont pas seulement visuelles, elles sont la somme de toutes les impressions sensorielles du moment donné, incluant les odeurs, les bruits, le froid ou la chaleur, la faim etc…  Que le déjà-vu soit ressenti comme une exacte répétition est donc, d’après cette explication, ce à quoi il faut s’attendre : en réalité un laps de temps très court s’écoule entre les deux images. Ce sentiment de coïncidence absolue – on est de la même humeur, on pense et on ressent les choses de la même façon – s’accorde bien, lui aussi, avec cet infime décalage temporel.  

L’auteur explore aussi les liens entre le phénomène de déjà-vu et celui de dépersonnalisation. Qu’est ce donc que la « dépersonnalisation » ? Pour reprendre les termes de Heyman, la dépersonnalisation est « un état qui apparait soudain, disparaît souvent tout aussi vite, et dans lequel tout ce que nous percevons nous semble étranger, nouveau, se déroule comme dans un rêve, plutôt que comme dans la réalité ; les gens auxquels nous parlons nous font l’effet d’être des machines, notre propre voix nous semble étrange et résonne à nos oreilles comme celle d’un autre, et nous avons généralement le sentiment de ne pas agir ni de parler nous-mêmes, mais de percevoir nos actes et nos paroles en spectateurs inactifs.  Cela peut arriver plus couramment et de façon plus anodine pour le phénomène d’étrangeté d’un mot. – cette expérience du mot connu qui sonne soudain «  bizarre, étrange, et n’est plus qu’un son ou un ensemble de lettres dépourvues de sens ».

Ces deux phénomènes, le "déjà-vu" et la "dépersonnalisation  sont en quelque sorte les deux faces des mêmes processus :  Pour le "déjà-vu" le sentiment de "connu" est présent à tort, pour la dépersonnalisation ce sentiment de "connu" est absent à tort....

En fait, dans notre cerveau la familiarité d'une perception est déterminée par des associations entre ce qui est perçu et les expériences passées.  La dépersonnalisation serait la conséquence du manque total (et momentané) d'associations, de sorte que les mots mais tous les aspects de la situation cesseraient d'être familiers. Le déjà-vu naîtrait quant-à lui lorsque les associations ne font pas totalement défaut, mais sont faibles et en quantité réduites. Pour la conscience nait alors l'illusion que l'expérience présente est le souvenir d'une époque très lointaine.

Ces phénomènes sont réputés survenir plus fréquemment chez des personnes émotionnellement les plus sensibles, et chez les adolescents souffrant de troubles d'adaptation. Les circonstances d'apparition de ces phénomènes sont accentuées par les facteurs suivants : fatigue, stress, épuisement, événements traumatisants... Bref, ces circonstances perturbent passagèrement la concentration et cela résulte en des associations trop faibles et trop peu nombreuses entre le vécu et l'expérience, ce qui peut résulter en ces sentiments étranges de vague souvenir ou d'être extérieur à ce qui se passe...


7.    A propos de la « Réminiscence »


L’auteur s’intéresse à l’effet de réminiscence en s’appuyant sur des études faites sur des sujets âgés et leurs souvenirs. Il apparait clairement que les souvenirs concernant l’année précédente sont nombreux puis s’estompent de plus en plus fortement pour remonter progressivement et de plus en plus fortement en une bosse, [b]« the reminiscence bump »[/b], correspondant à une accumulation de souvenirs importante concernant la décennie située entre la quinzième et la vingt-cinquième année.

Quelle est donc la cause de cette accumulation autour de la vingtième année ? La mémoire serait-elle tout bonnement en meilleure condition ?

Il apparait tout d’abord que c’est vers l’âge de vingt ans que la mémoire est au meilleur de sa forme sur le plan neurophysiologique. De plus, il est constaté que la majorité des souvenirs situés dans la bosse de la réminiscence est en rapport avec les « premières fois » en tout genre. Le premier baiser, les premières règles, la première conférence, les premières vacances sans les parents, la première leçon de conduite, le premier spectacle d’un défunt, le premier jour de travail – bon nombre de souvenirs de premières fois conservent la clarté d’un souvenir flash.

De plus, les événements qui se produisent dans cette décennie modèlent la personnalité future, déterminent l’identité, orientent le cours de la vie. Ainsi, l’individu d’âge mûr se souviendra surtout des événements qui ont fait de lui ce qu’il est devenu. Les personnes ont tendance à intégrer des souvenirs en un déroulement cohérent, en narrateur d’une histoire cohérente.


8.    A propos de « Pourquoi la vie passe plus vite à mesure qu’on vieillit »


En 1877, le philosophe français [i]Paul Janet[/i] lançait l’idée que la durée apparente d’une certaine période dans la vie de chaque homme était « proportionnelle à la durée totale de cette vie ».
En d’autres terme une période d’un an pour un enfant de huit ans aurait un poids de 1/8 en comparaison d’une période de un an pour un adulte de quarante ans qui aurait un poids de 1/40 ;

Note : 1/8 > 1/40 CQFD  

D’autres attribuaient le raccourcissement apparent des années à « la monotonie des contenus de la mémoire et à la simplification qui résulte de la vision rétrospective ».  

Ou comme pour Guyau,  « la longueur apparente d’une période remémorée est déterminée par le nombre et la variété des événements perçus avec clarté et intensité dans le souvenir ».
Donc un bon précepte de Guyau pour ceux qui veulent « densifier » leur vie   :
« Voulez-vous rallonger la perspective du temps, remplissez le si vous pouvez, de mille choses nouvelles. Faites un voyage qui vous passionne, qui vous fasse redevenir jeune en rajeunissant le monde autour de vous. Les événements accumulés, les espaces parcourus, s’ajouteront, bout à bout, dans votre imagination rétrospective : vous aurez des fragments du monde visible en grand nombre et disposés en série, et ce sera, comme on dit avec tant de justesse, un long espace de temps ».

L’auteur nous parle aussi du paradoxe entre « évaluation primaire (sur le moment) du temps » et « évaluation secondaire (à postériori) du temps ».  Une évaluation de la durée « au moment même »  peut être très différente d’une évaluation rétrospective. Pendant les vacances, ces appréhensions ont souvent un rapport inverse, si bien que « sept journées rapides »  (évaluation primaire), donnent au total une « longue semaine » (évaluation secondaire) . La même évaluation est à l’œuvre dans le sentiment d’ennui. Le temps au cours duquel il ne se passe « rien » semble long, mais rétrospectivement il semble s’être contracté.

Dans l’Etranger de Camus, le narrateur se retrouve en prison. Ses seuls dérivatifs sont ses souvenirs et l’alternance de la lumière et de l’ombre. Le temps a passé : « Je n’avais pas compris à quel point les jours pouvaient être à la fois long et courts. Longs à vivre sans doute, mais tellement distendus qu’ils finissaient par déborder les uns sur les autres… Lorsqu’un jour le gardien m’a dit que j’étais là depuis cinq mois, je l’ai cru, mais je ne l’ai pas compris. Pour moi, c’était sans cesse le même jour qui déferlait dans ma cellule».


9.    A propos de « J’ai vu ma vie se dérouler comme un film devant mes yeux»


Douwe Draaisma étudie ici cette expérience qui a été vécue par de nombreuses personnes ayant  « frôlées la mort » .  

Tout ce qui nous a occupé, tout ce que la mémoire a engrangé, est saisi d’un coup d’œil, comme une clarté qui s’étend soudain à tout le contenu de l’esprit ».  La littérature anglaise parle à ce sujet de mémoire panoramique.

Ce phénomène est accompagné d’un sentiment de sérénité, d’intense quiétude. La question qui se pose est de savoir pourquoi l’esprit humain se comporte de la sorte.  D’où viennent cette accélération de la pensée (qui peut faire que toute une vie semble se dérouler en quelques secondes) , ce regard rétrospectif, cette sensation d’intense quiétude ? Pfister  chercha la réponse dans le concept freudien de « pare-excitation ». De la même manière que nos sens se protègent de stimuli trop forts, notre esprit peut se défendre contre des stimuli  psychiques  trop intenses. De là ce phénomène de déréalisation , ce sentiment que la situation dans laquelle on se trouve n’est pas réelle… Pour Pfister cette protection a une fonction biologique. L’accélération extrême de la pensée chasse les réactions normales d’angoisse et d’effroi, et leur effet paralysant sur l’action. L’égarement de la pensée et le regard rétrospectif sur la vie tiennent celui qui tombe, qui se noie, qui est victime d’un accident ou de blessures de guerre, à distance de la réalité traumatisante d’une mort imminente. En même temps, ils empêchent que la victime ne perde conscience : si elle s’évanouissait, tout geste pouvant la sauver deviendrait impossible. Ce que les gens vivent dans les derniers instants, ce sont les effets d’une protection à deux niveaux : pour prévenir la panique paralysante, la réalité est dépouillée de son aspect terrifiant, et pour empêcher la perte de connaissance totale, l’inconscient offre l’image de scènes réconfortantes. Si la pensée consciente ne peut offrir de solution malgré l’extrême accélération de son rythme, l’inconscient prend le relai.

Une explication plus physiologique est aussi donnée :
Dans une situation extrême, le cerveau se retrouve dans un état d’activité excessive ; pensées et réactions se succèdent à un rythme tel que le temps semble se dilater ; ensuite le stress, la douleur, le manque d’oxygène, ou toute autre circonstance spécifique à tel danger encouru conduisent à la sécrétion d’endorphines ; celles-ci endorment la douleur, enraient l’activité sensorielle et sont responsables du calme plat qui règne après le tumulte des premières réactions instinctives d’angoisse ; pourtant cette même « anesthésie » libère l’activité de parties du cerveau relatives aux souvenirs et au sens du temps ; l’activité spontanée des neurones dans l’hippocampe, l’amygdale et d’autres parties du lobe temporal projette dans la conscience une série d’images appelées en toute hâte à la rescousse, et montées un peu n’importe comment ; les scènes angoissantes ne sont pas montrées- ou plutôt, plongé dans cet état d’anesthésie et de détente, voire de franche euphorie, le spectateur voit tout dans une lumière sereine et lénifiante ; c’est avec ces images devant les yeux qu’il finit par perdre conscience ou qu’il est repris par la douleur.

Ouf... 

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