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17 janvier 2010 7 17 /01 /janvier /2010 12:23

« Bonheur Tranquille – Vivre avec l’esprit de modération » est un livre simple qui se lit assez facilement. Anne Chaté est sociologue et enseigne à l’université de Nantes. 


Ce livre analyse une façon d’atteindre ce sentiment un peu général de bien-être que l'on peut nommer le bonheur. La modération constitue la voix pour atteindre ce fameux bonheur. Dans une époque où le discours ambiant prône essentiellement la quantité : « travailler plus pour gagner plus », « dépenser plus », « consommer plus », ici il est question plutôt de faire « moins et mieux » . Il y est plus question de qualité que de quantité. La modération est un acte volontaire, celui de restreindre  ses attentes, ses aspirations, ses désirs. La notion « volontaire » est essentielle. On ne peut être dans la modération si cette limitation est due à la contrainte. Le livre s’adresse donc aux personnes placées suffisamment haut sur la fameuse pyramide de Maslow pour qu’un comportement volontairement modéré soit possible, un choix.

 

Anne Chaté aborde la modération comme une façon d’être assez générale et s’appliquant à tous les domaines : consommation, désirs, empreinte écologique, carrière, sentimental. Attention retrouvée pour les petites choses qui font la vie quotidienne (exemple donné du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ou de la Première Gorgée de Bière de Philippe Delerm). Bref, réapprendre à regarder les choses, avec éveil. Tenter de donner de l’intensité au moment présent, se comparer aux plus mal lotis, désire simplement « être quelqu’un de bien ».

 

S’ensuit une convocation d’économistes, psychologues, sociologues ayant développés un certain nombre de théories sur le bonheur et la possibilité de le mesurer. Le but étant de démontrer que la modération peut effectivement être la voie permettant d’atteindre un tel état.  Il y est question de « flow », ces états de profonde satisfaction que l’on peut éprouver après l’accomplissement d’activités réalisées pour le simple plaisir et sans recherche de gratification, de buts concrets plutôt qu’abstraits, ces derniers s’apparentant souvent à des chimères difficilement atteignable, etc… Il est aussi conseillé de modérer ses rêves ce qui permet d’éviter l’envie et la corruption des sentiments.

 

Certaines théories sont intéressantes, comme celle de la discordance qui dit que le niveau de satisfaction dépend de la comparaison entre deux éléments « la vie que nous avons par rapport à la vie que nous aimerions avoir ». Les aspects conditionnant la vie que nous aimerions avoir étant : nos désirs, ce que nous avons déjà eu, ce que nous nous attendons à avoir, ce que les autres ont, ce qu’on pense mériter. Et ici on pense aux techniques de « recadrage » prônées dans différentes techniques de développement personnel, à la perception de la réalité et à l’école de Palo Alto qui disait que les problèmes ne venaient pas des choses elle-même mais de la façon de les percevoir et que l’objet stratégique  de nombre de thérapies brèves consistait à faire disparaitre les utopies ce qui avait pour effet de faire disparaitre les problèmes vécus par les patients.

 

Dans le chapitre suivant « La modération me pénalise t-elle ? », l’auteure explore les objections possibles à la conduite modérée : manque d’émulation individuelle ou collective, possibilité de rater les chances qui pourraient s’offrir à nous, anticonformisme et risque d’isolement social. A chacune de ces objections elle donne des réponses. Si l’on comprend bien le raisonnement au niveau individuel, on pourrait se demander ce que serait un mode absolument modéré. On songe à « rien de grand ne se fait sans passion » Mais on peut objecter que ces grands génies n’étaient peut être pas des gens heureux. J’ai apprécié le chapitre sur les « noms illustres de la modération » et leur contre exemple (tel Emma Bovary). Le livre est très intéressant par les exemples divers qu’il convoque et passages d’auteurs cités. Il indique de bonnes pistes de lectures pour ceux qui voudraient aller plus loin. On y parle de l’Epicurisme (qui contrairement à ce qu’on croie couramment prônait aussi une certaine modération), du Stoïcisme et de Sénèque, de Jean-Jacques Rousseau (et de son ouvrage Emile ou de l’éducation), de Thoreau et sa « simplicité volontaire »

Anne Chaté livre donc ici un véritable plaidoyer pour la modération et à la possibilité d’un bonheur tranquille, ou bonheur durable, s’inscrivant ainsi dans la tendance émergente de la décroissance, du « slow » ou du développement durable.

 

Deux remarques personnelles : 

  • la modération prônée est un comportement général qui m’apparait potentiellement limitant au regard de l’ambition personnelle qui pourrait demeurer pour un domaine que nous considérerions essentiel comme l'acte de création par exemple (artistique, social, etc.) . Je crois que l’on peut se modérer volontairement sur quelques axes seulement, de façon très raisonnée et en laisser ouverts d’autres.

  • Les exemples convoqués sont très « occidentaux ». en lisant, j’ai songé aux enseignements et philosophies orientales, telles le bouddhisme ou le Shintoïsme, prônant souvent l’équilibre, la neutralité sans désir ni aversion, la recherche du « neutre » permettant de retrouver le sel des choses simples. 

 

         La difficulté essentielle à une conduite modérée me semble aujourd'hui être "la pression sociale". Il faut donc acquérir, souvent difficilement une véritable "liberté" préalable, une force de caractère, pour pouvoir de libérer du jugement ou des remarques liées à notre conduite modérée. Sinon cela peut conduire à la coupure (Anne Chaté parle du risque "d'escapisme") et à des conduites totalement en marge de la société ce qui ne me semble pas forcément souhaitable.

 

        La modération est un "choix" qu'il faut être en mesure d'assumer. Probablement possible  aujourd'hui à peu de gens sur la planète soit du fait des moyens, soit du fait du conditionnement et de la pression sociale. Mais il faut bien des pionniers pour conduire un changement certainement nécessaire avant qu'il ne soit violemment imposé de façon systémique et involontaire.

 

 

 

 

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