Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 14:07
Take Shelter est une bonne surprise récente du cinema indépendant américain, fruit d'un jeune réalisateur de trente trois ans, Jeff Nichols. Curtis Laforche (interprété magistralement par un Michael Shannon halluciné) est un bon père de famille marié à une femme aimante et père d'une petite fille légèrement handicapée car sourde. Ils ont apparemment tout pour être heureux, une jolie petite maison, un travail, de bonnes relations sociales, des projets.

Mais, dès les premiers instants du film, le ciel s'assombrit dangereusement et des orages violents semblent sur le point d'éclater. De grosses gouttes de pluie jaunâtre tombent sur les mains de Curtis qui observe inquiet les nuages menaçants et les éclairs lointains. De curieux vols d'oiseaux, forment en l'air comme des signes, de mauvais présages. Puis Curtis est en proie à de violents cauchemars, toutes les nuits, dans lesquels la tempête est omniprésente et rend les humains et les animaux fous.

Ces rêves ont une influence très forte sur sa vie : Il les traite avec gravité, comme des avertissements, et est amené ainsi à se méfier de son chien et de ses meilleurs amis qui ont hanté certaines de ses nuits. La vision apocalyptique d'une tornade emportant tout l'obsède et, persuadé que celle-ci est imminente et qu'il doit tout faire pour protéger sa famille, il se met en tête de construire un abri souterrain dans son jardin : The Shelter.

Pour réaliser son projet délirant, il est amené à s'endetter, a emprunter illégalement des engins de construction à son employeur, à se mettre à dos la société à laquelle il appartient. Il finit par perdre son travail et ses amis qui le traitent de fou irresponsable. On réalise à ce moment à quel point la vie de la Middle Class américaine peut être précaire, reposant en un équilibre fragile sur l'emprunt et l'emploi.

La véritable héroïne du film est la femme de Curtis qui fera tout pour aider son mari, l'amenant à consulter psychologues et psychiatres pour le soigner, échafaudant des projets pour s'en sortir, ne le laissant jamais tomber. Curtis lui même est conscient qu'il a un peut être un problème grave - possiblement hérité de sa mère qui a été internée jeune car schizophrène et paranoïaque -. Alors qu'il continue ses travaux fous malgré tout pour "sauver" sa famille, il entreprends aussi des recherches en solitaire sur sa possible folie.

Là ou le film réalise à mon sens une prouesse c'est qu'il est très solidement ancré dans le "réel" celui d'une petite banlieue de l'Ohio, d'une famille traditionnelle, des réunions ouvrières ou rencontres sociales. Et de temps en temps il bascule dans la possible hallucination ou le délire du huis clos (dans l'abri lors d'une réelle tempête). Les manifestations climatiques extraordinaires semblent être métaphoriques des changements d'humeur de Curtis. Cet ancrage dans le "réel" fait que l'on peut assez facilement s'identifier aux personnages principaux, avec empathie.

Jeff Nichols d'ailleurs, accompagne avec une grande sympathie son "héros" dans le film, ne lui donnant pas vraiment tort dans son besoin viscéral de protéger envers et contre tout ce qui lui est le plus cher, sa famille, si coûteuses et risquées soient les solutions trouvées. La dernière scène, dont on se demande si elle est rêvée ou non, semble même donner ultimement raison à Curtis dans ce qui apparait à postériori comme prophétique.

Take Shelter, tout comme "La Route" de Cormac Mc Carthy ou Melancholia de Lars Von Triers, a bien sa place parmi les oeuvres apocalyptiques actuelles ou de sourdes menaces, hyperlibéralisme débridé, crise économique, crise climatique, catastrophes technologiques, menacent d'emporter dangereusement le dernier noyau social stable de l'époque : la famille.

Partager cet article

Repost0
Créer un blog gratuit sur overblog.com - Contact - CGU -