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6 août 2013 2 06 /08 /août /2013 22:21

LA GRANDE BELLEZZA , c’est-à-dire « La Grande Beauté » est un film du réalisateur italien Paolo Sorrentino (connu pour Il Divo un film montrant les liens entre la mafia et la politique qui avait été primé à Cannes en 2008).

 

 

La scène initiale du film se passe dans un palais romain où un groupe de japonais prend des photos de tout, alors qu’une chorale de jeunes italiennes chante dans le décor sublime d’une galerie en arrière-plan ; l’un des touristes japonais succombe à une crise cardiaque alors qu’il mitraille le paysage de son appareil photo numérique.

 

 

Puis la caméra se déplace dans une fête déjantée, berlusconienne, où l’on découvre une galerie de portraits improbables, artistes, divas sur le retour, starlettes sexy, hommes d’affaires en vue, stars de la télé, naine, etc… Les scènes ont quelque chose de très réaliste et d’excessif à la façon du néo-réalisme Fellininien. On découvre alors dans ce « voyage au bout la nuit » (l’œuvre de Céline est citée dans le film) Jep Gambarella (interprété par Toni Servillo l’acteur fétiche de Paolo Sorrentino , un dandy vieillissant qui va fêter son 65ème anniversaire et qui semble bien connaitre tout ce beau monde.

 

 

Ecrivain ayant connu un grand succès pour son unique ouvrage écrit quarante ans ans plus tôt, « l’appareil humain », il n’a plus rien publié depuis, peut-être par paresse ou plutôt par crainte de ne pouvoir faire mieux, paralysé peut-être par la difficulté d’écrire sur la « Beauté » aussi insaisissable que le « Néant » que n’a jamais réussi à décrire son modèle littéraire Flaubert. Il est donc devenu journaliste pour une revue sur l’Art contemporain et mondain. Jep, vieux célibataire séducteur semble porter un regard d’esthète désabusé, revenu de tout sur la vie. Il vit dans un bel appartement dont la magnifique terrasse, ou digressent ses amis, artistes frustrés, mondains et journalistes, donne sur le Colisée symbole de la grandeur et de la décadence de Rome.

 

 

Car l’on sent confusément que le film montre aussi la grandeur perdu d’une l’Italie déclassée par la crise économique, et à laquelle il ne reste plus qu’un « certain style », un goût pour la forme, la performance et les joutes oratoires, parfois acerbes. Quelque moments de Grande Beauté parsèment la vie de Jep et le film, des promenades dans des parcs merveilleux, des jeux d’enfants, des visites nocturnes de palais et de musées avec un curieux compagnon boiteux qui ne se sépare jamais de sa valise contenant les clefs d’accès à toutes ces merveilles en sommeil, des promenades le long des canaux au contact de la nature omniprésente dans la ville. Jep est sensible à cette beauté, il la vit. Les scènes sont magistralement bien filmées à l’aide de travelling avant et arrière qui permettent de mieux en saisir la profondeur, la magnificence.

 

 

Jep aimerait ré-écrire mais il semble « victime de sa sensibilité », pris dans la nostalgie et la vacuité des fêtes mondaines comme échappatoire. Un événement affecte soudainement notre héros, son amour de jeunesse qui l’avait quitté est morte, c’est son mari éploré qui le lui annonce, il a retrouvé le journal de son épouse qui le cite à peine, elle est demeurée toute sa vie amoureuse de Jep… Le vide et le temps perdu semblent à ce moment plus vertigineux encore. Ses interviews « d’artistes conceptuels » comme cette femme se lançant nue la tête la première dans le mur, cette gamine en colère, gémissante jetant des seaux de peinture de couleurs différentes sur une gigantesque toile sous le regard admiratif de ses parents et des invités, lui semblent absolument ridicules. Et aussi ce chirurgien qui botoxe à la chaine toute la population qui ne supporte pas sa propre « réalité ». Du temps perdu.

 

Il rencontre la fille d’un ami, strip-teaseuse quarantenaire « qui devrait songer à se marier » et noue plus qu’une amitié avec elle, jusqu’à ce qu’elle lui révèle qu’en fait elle dépense tout son argent dans des soins car elle est très malade. Elle meurt. D’autres personnes meurent ou disparaissent durant le film et la carapace de Jep qui semble à l’aise pour donner des conseils cyniques sur la façon de se comporter aux enterrements, se faire voir, avoir le bon mot auprès de la famille éplorée, semble se fendre. Il pleure au décès du fils d’une amie, il est peu à peu rattrapé par sa sensibilité. Alors qu’il rencontre un cardinal – ancien exorciste – lors d’une garden-party il tente de lui poser une question sur la spiritualité. Mais le cardinal est à l’image de son entourage et de son époque et ne veut parler que de ses compositions, ses recettes de cuisine qu’il expose doctement, à la manière d’un prêche. Vide et fatuité.

 

 

Une sœur, qui aurait fait « des miracles », vieille de cent quatre ans, et ayant fait vœu de pauvreté visite le cardinal. Jep, sur la demande de son amie et patronne tente d’organiser une interview en invitant la « sainte » chez lui. Alors que lors du repas, aux questions posées, son « assistant" ecclésiastique répond systématiquement pour elle, Jep finit par la faire parler et l’on sent que quelques réponses enfin sérieuses sont apportées. « Je ne mange que de racines. Vous savez c’est important les racines ». Puis, la sœur disparait subitement de la soirée et Jep la retrouve sous une couverture, ronflant paisiblement dans son salon couchée à même le sol. Le lendemain matin à l’aube une scène sublime l’enchante, la vieille est là assise sur le balcon et de nombreux flamands roses ont choisi ce lieu, la terrasse de Jep, pour faire une halte dans leur  migration au long cours. Ils s’envolent au souffle de la Sainte. Jep entrevoit peut-être à ce moment la possibilité de la Grande Beauté au travers de la spiritualité, du mysticisme et l’on espère enfin qu’il sera capable lui aussi de se ré envoler vers l’écriture, inspiré par le souffle divin.

 

 

Un très beau film, très tendre, vraiment.

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