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12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 22:49

Une gauche darwinienne de Peter Singer est un petit livre qui tente de voir comment la pensée de gauche pourrait s’accommoder de la pensée darwinienne et réciproquement.

L’auteur commence par faire le point sur la pensée de gauche et ses erreurs que l’histoire a pu vérifier. Notamment à travers un dialogue entre Marx et Bakounine. Marx mettait en doute l’essence ou la « nature » de l’homme comme étant quelque chose de figé. Il pensait que c’était l’histoire, les rapports sociaux qui déterminaient ce qu’était l’homme.  Donc, si on pouvait changer ces rapports sociaux, par on pourrait changer la nature humaine.  Bakounine à contrario mettait en doute la possibilité de changement de la nature humaine et anticipait déjà la « captation » des bénéfices de la démocratie ou d’une minorité au pouvoir à son profit. Cela s’est vu de façon systématique dans toutes les nomenklaturas communistes.


Peter Singer pense que la gauche a connu plusieurs échecs majeurs (communisme, affaiblissement des syndicats etc.) et est aujourd’hui à la recherche d’un nouveau paradigme. Il pense qu’il est temps pour la gauche de prendre en compte le faut que nous sommes des animaux évolués et que nous portons un nous un certain nombre de déterminants forts dans notre anatomie, notre ADN, nos comportements. Il souhaite trouver une pensée de gauche qui soit compatible avec le fait darwinien.

 

Il tente tout d’abord de définir ce qu’est une pensée de gauche : être du coté des faibles, des opprimés, des dominés. Défendre plus d’équité. Eviter la souffrance. Ne pas se satisfaire d’un état de fait injuste. Singer se définit comme utilitariste et invoque pour cela le principe de l’utilité marginale décroissante : allouer 100E à un pauvre a plus d’impact sur son bien-être, sa condition, qu’allouer ces même 100E a un riche. Si le choix est donné, il faut allouer les ressources là où elles sont le plus utile.

 

Le darwinisme et la politique :


Singer constate que la droite s’est longtemps approprié le darwinisme. En effet, comme le disait Andrew Carnegie « la concurrence peut parfois être dure pour l’individu mais c’est la meilleure optio pour la race parce qu’elle assure la survie du plus apte dans chaque domaine ».

 

Singer fait par ailleurs la distinction entre des faits et des valeurs. Il dit que les deux catégories sont différentes et qu’il est illusoire de tenter de déduire des valeurs à partir de faits tels que la sélection naturelle.  Il rejette la tentative de trouver des prémisses éthiques liées à la nature de l’homme. Il dit qu’avoir une orientation politique signifie adhérer à certaines valeurs plutôt qu’à d’autres et que cela est totalement indépendant du fait darwinien. Donc que Darwin n’a rien à voir à priori avec la gauche ou la droite. Par contre que l’on peut tenter de voir comment la mise en place d’une politique effective e gauche peut s’accommoder du fait darwinien c'est-à-dire de la nature de l’homme.

 

La compréhension de la nature humaine, envisagée à la lumière de la théorie de l’évolution peut nous aider à identifier les moyens par lesquels nous pouvons accomplir certains de nos objectifs sociaux et politiques ainsi qu’à évaluer leur coût et leur aspect positif potentiel.

 

Il peut être aussi utile dans un débat politique de critiquer voire de réfuter les croyances et idées politiquement influentes et non-darwiniennes.

 

Darwin a été mal compris par la gauche qui l’a réduit à la vision terrible de Tennyson : «  la Nature, les crocs et la griffe ensanglantés ». Il est vrai que jusqu’aux années 60, les théoriciens de darwinisme ont négligé le rôle que peut jouer la coopération dans l’amélioration des chances de survie et du succès reproductif d’un organisme. Seul Kropotkine (géographe anarcho-communiste) soutint l’importance de ce fait dans son livre « l’entraide ».

 

Marx pensait que les travaux de Darwin étaient le produit d’une société bourgeoise.  La pensée de Darwin était en opposition avec sa théorie matérialiste de l’histoire. 

Cette pensée disait : « Le mode de production de la vie matérielle domine en général le développement de la vie sociale, politique et intellectuelle. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, mais c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. »

La gauche souhaitait ardemment que l’homme pu se transformer par lui-même et l’on vit même émerger dans l’union soviétique des tenants de la théorie transformiste de Lamarck.

 

La raison fondamentale du rejet de la pensée darwinienne par la gauche tient à la défense de l’idée selon laquelle la nature humaine est malléable. Cette idée est importante car elle maintient l’espoir de voir émerger un genre très différent de société humaine. Le Darwinisme met à mal l’idée de perfectibilité de l’homme.

 

Du coté marxiste, la théorie matérialiste de l’histoire veut, à contrario que l’existence sociale détermine la conscience. Et donc que l’avidité, l’égoïsme, l’ambition personnelle et l’envie ne sont que des conséquences d’une société où domine la propriété privée et notamment celle des moyens de production.  Des marxistes ont essayé de résoudre les contradictions en affirmant qu’on ne pouvait mélanger des concepts biologiques et des concepts sociaux ou alors en affirmant que la thèse de Marx commençait là où se terminait celle de Darwin. C'est-à-dire que Darwin était réservé au domaine animal  et Marx à l’Histoire. Il est d’ailleurs étonnant de voir comment deux idéologies très différentes - le christianisme et le marxisme – furent en accord pour insister sur le fossé entre les hommes et les animaux.

 

La gauche peut elle accepter une vision darwinienne de la nature humaine ?

Au vingtième siècle le rêve de perfectibilité de la nature humaine s’est transformé en cauchemar au regard des diverses tentatives communistes. L’idée que la société ou l’éducation puisse transformer l’homme en citoyen parfait est révolue. Il existe à priori des invariants dans la nature humaine. Certes la compétition est inévitable mais il existe aussi des forces cachées et positives pour créer du lien social tel que l’altruisme que l’on rencontre dans le monde animal. On peut même à certains égards, en observant le comportement des grands primates, parler d’éthique à leur sujet.  L’éthique des humains et celle des non-humains peuvent avoir quelques points communs féconds.

 

       Données constantes et données variables de la nature humaine.

 

      3 catégories peuvent être discernées :

 

      Comportements dénotant une variation importante selon la culture

Modes de production (nourriture etc.)

Mode de vie (nomade ou sédentaire)

Type de nourriture que nous mangeons

Structures économiques

Pratiques religieuses

 

      Comportement ayant une part de variation selon la culture

Pratiques, relations sexuelles

Identification ethnique : xénophobie, racisme etc.

 

      Comportement n’ayant pas de variation selon la culture

Nous sommes des êtres sociaux

Intérêt pour les autres

Aptitude à nouer des relations de coopération

Admission d’obligations réciproques

Existence d’une hiérarchie ou d’un système de classement social

Femmes s’occupent des enfants

Hommes plus impliqués dans conflits physiques

Prépondérance des hommes dans le leadership

 

Comment les réformateurs peuvent-ils tirer des leçons des travaux de Darwin ?

En intégrant à la fois la « réalité » de la compétition et celle de l’altruisme. Les économies de marché modernes sont essentiellement focalisées sur l’élément de concurrence et l’idée que nous sommes tous dominés par des désirs d’acquisition et de compétition.  La tendance Darwinienne à l’altruisme doit aussi être mise en valeur et la tendance à la compétition « canalisée ».

 

Compétition ou Coopération ?

Construire une société plus axée sur la coopération.  Une société de coopération respecte plus les valeurs de gauche qu’une société de compétition. Il n’y a pas de corrélation et la fait d’être plus riche ne rend pas forcément plus heureux. L’adage populaire dit « l’argent ne fait pas le bonheur » ce qui semble au moins signifier que pour chacun le concept de bonheur semble être un bien plus important.  De plus, une société uniquement basée sur la compétition produit ses propres limites : «  Un homme ne peut mener une vie privée épanouie s’il est en état de siège, se méfie de tous les inconnus et transforme son foyer en camps retranché. ».

Les travaux de Robert Axelrod sur la théorie des jeux remettent à l’honneur les vertus de la coopération. Dans des itérations successives de séquences de jeux du type « jeu du prisonnier » , Axelrod a testé plusieurs modèles de comportement. Le grand gagnant en termes de gains à l’issue de séquences où il a du affronter un certain nombre d’autres modèles comportementaux et celui dit « donnant-donnant », c'est-à-dire coopératif  à priori puis copiant ensuite la stratégie comportementale adverse  point par point.

 

L’évolution de l’altruisme est encore une énigme d’un point de vue darwinien. Comment une prédisposition au sacrifice de soi – qui profite au groupe aux dépens de l’individu – pourrait-elle survivre à la sélection ?

 

Un comportement perçu comme bon pour le groupe sera récompensé par une plus grande popularité et une position sociale renforcée (donc un meilleur accès à la reproduction et au développement de sa progéniture jusqu’à l’âge adulte ?).  A l’inverse, un comportement perçu comme mauvais sera puni par la désapprobation, une baisse de popularité et peut-être de l’ostracisme.

Nous sommes très forts pour distinguer les gens qui veulent véritablement aider les autres de ceux qui le font avec des arrière-pensées.

 

Donc un individu altruiste est susceptible d’augmenter son statut. La consommation ostentatoire sert elle aussi à augmenter son statut. Pouvons-nous renforcer l’intérêt pour autrui en séparant d’idée de statut de celle de consommation ostentatoire, et en lui donnant une orientation plus souhaitable au niveau social ?

Conclusion :

Une gauche darwinienne doit :

 

        Ne pas nier l’existence d’une nature humaine et soutenir que la nature humaine est bonne ou qu’elle est indéfiniment malléable.

 

        Ne pas espérer mettre un terme à tous les conflits et dissensions entre êtres humains que ce soit par des révolutions politiques, des changements sociaux, ou une meilleure éducation.

 

        Ne pas présupposer que toutes les inégalités sont dues à la discrimination, préjugés ou conditionnement social.

        Tenter de mieux connaitre la nature humaine afin que les politiques prennent en compte ce fait.

 

        Rejeter toute inférence entre ce qui est « naturel » et ce qui est « juste ». Ne pas mixer des faits et des valeurs.

 

        Ne pas être surpris que quels que soient les systèmes les gens agissent de manière compétitive dans le but d’améliorer leur statut, acquérir une position de pouvoir, promouvoir les intérêts de leurs proches.

 

        Constater que quel que soit le système économique, les gens répondent favorablement aux occasions de participer aux formes mutuellement profitables de coopération.

 

        Favoriser les structures privilégiant la coopération plutôt que la concurrence.  Essaie de canaliser la concurrence à des fins socialement souhaitables.

 

        Accepter que le fossé entre animaux non-humains et animaux humains n’est pas aussi grand que dit. Avoir une vision moins anthropologique de la nature.

 

        Respecter les valeurs traditionnelles de la gauche en étant du coté des faibles, des pauvres, des opprimés. Se poser la question de savoir quels changements sociaux et économiques peuvent réellement fonctionner pour au final les aider.

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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 21:59
Le Principe de Lucifer est un ouvrage de Howard Bloom édité au « Jardin des Livres ». C’est un livre au titre provocateur, curieux et dérangeant, une sorte d’expédition scientifique dans les forces de l’histoire.

Pourquoi  je publie ce CR sur un forum dont le thème majeur est l’hypnose ?

Pour au moins trois raisons :

- L’étude de l’hypnose ouvre et s’appuie sur un champ de « recherches »  immense et sans fin  (par exemple les neurosciences, la physiologie, la psychologie, le langage, l’influence, les thérapies brèves, qu’est ce que la réalité ?, l’Inconscient  etc… ). le Principe de Lucifer s’attache a démontrer les « ressorts cachés» qui selon l’auteur tendent à diriger « inconsciemment » les comportements animaux, humains et groupes d’humains, et offre donc un point de vue intéressant, que l’on soit d’accord ou non avec celui-ci, sur l’Humain.

- L’hypnose et l’autohypnose sont des moyens puissants pour apprendre à mieux se connaitre et cette recherche « du Graal » de la connaissance de soi importe à bon nombre d’entre nous. Le point de vue défendu par l’auteur est original, provocateur, et bien documenté. Il a au moins le mérite de faire réfléchir. Je crois que cette lecture permet  de mieux se comprendre et peut constituer une sorte de « mise en garde », un principe de précaution éveillé du type « un bon humaniste averti en vaut deux   ».

Alors qu’est ce que ce livre ?
L’ouvrage se lit facilement, un peu comme un volumineux roman d’investigation. De cours chapitres souvent au titre accrocheur (par exemple « L’indignation morale cache le désir de biens fonciers ») éveillent la curiosité et étayent par empirisme la démonstration que Bloom souhaite nous faire :

- Nous ne sommes que les cellules d’un super-organisme qui nous dépasse. La vie, la mort, la sélection, la violence, les pulsions sexuelles sont des processus naturels et n'ont rien à voir avec des notions de « bien » ou de « mal ». Ce sont des faits naturels. Notre corps lui-même voit vivre et mourir deux cent milliard de globules rouges par jour et c’est un processus qui maintient le corps en vie dans sa globalité, sans que le corps n’ait une quelconque conscience de l’une de ses cellules  en particulier. L’intérêt du super-organisme peut d’ailleurs  complètement différer de l’intérêt d’une cellule individuelle particulière. Les super-organismes tendent d'autre part à rentrer en compétition les uns avec les autres et à ingérer leurs « adversaires », asseoir leur suprématie.

- Les moteurs des super-organismes sont les idées, appelées mèmes.  Le même est au super-organisme ce que le gène est au corps. Les idées subissent aussi un processus de sélection.  Bloom explique de façon originale que les mèmes peuvent naitre infimes, rester dormants quelque temps, et prendre progressivement le contrôle d’un super-organisme, le coloniser. La où sa pensée est originale, c’est quand il dit que c’est l’idée qui colonise l’organisme et s’en sert. Pour ceux qui l’ont lu, le livre magistral de Richard Dawkins « Le gène égoïste » introduit cette idée de mèmes à travers la réplication des gènes.  La thèse de Dawkins serait que nous serions, être vivants évolués, des « véhicules à gène » agissant à notre insu pour la propagation maximale de des gènes qui nous composent. Bloom transpose cette idée aux mèmes et aux super-organisme.. (Ainsi les grandes religions actuelles sont des mèmes,  les grandes idées politiques communisme, capitalisme etc…).  Certains chapitres sont très intéressants en particulier ceux où des mèmes présentés comme belliqueux s’habillent élégamment des habits  propres  de la « Liberté », de « La Paix » et de « La Justice ».

- Bloom explique avec une démarche empirique, prenant de nombreux exemples historiques à témoin,  les guerres et les conflits idéologiques  à travers sa vision des super-organismes et avec le concept d’ordre de préséance.  Cette « ordre  caché » explique Bloom fait que quelque soit la taille de l’organisme vivant ou du super-organisme (pays, religion etc…) il y a toujours une lutte, parfois inconsciente, pour la domination. Un groupe d’animaux ou une classe d’écolier ont rapidement un « dominant » , un « faible » pris à parti par le groupe et le reste. Enlevez le « dominant » et le « faible », et, rapidement il y aura un nouveau dominant et un nouveau faible. Bloom dit que c’est un ressort caché de la Nature qu’il appelle « ordre de préséance ».  Chez les humains bien sûr, la Culture peut canaliser la Nature, mais enlevez un moment la Culture et la Nature revient au galop !

Bloom nous peint à l’aide de nombreuses anecdotes historiques et scientifiques passionnantes une réalité loin de la vision angélique  de Rousseau et du mythe du bon sauvage. Sa vision est celle d’un ange déchu comme Lucifer, ange rebelle victime de l’Ordre de Préséance  et puni pour s’être confronté et avoir tenté de prendre la place de son maitre, Dieu.
Pour conclure ce compte rendu du « Principe de Lucifer », vision très crue du réel, je crois que Bloom cherche à effectuer une mise en garde, humaniste, en parlant à ses lecteurs comme à des adultes à avertir.  On pourrait penser après lecture que l’enfer c’est peut être cette nature en friche dont l’humain, fait partie, et  qu’après « prise de conscience », il est de notre responsabilité  d’ « en faire » par nous même, après quelques révolutions intérieures, colonisation consentie par des mèmes choisis en conscience et sympathiques tels que l’humanisme ou l’écologie, autre chose qui ne soit pas un monde régit par les seuls principes démontrés, ce cocktail luciférien enfin compris et maitrisé dont les ingrédients sont les super-organismes, les mèmes et l'ordre de préséance.

Indépendamment du message de ce livre, auquel on adhère ou non, c'est un régal pour la culture générale, historique et scientifique.

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