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19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 18:22

The Master est un excellent film de l’enfant prodige du cinéma américain Paul Thomas Anderson.  Il relate l’histoire d’un «groupe thérapeutique » ou d’un « groupe de croyance » si l’on préfère, dans les années 50 peu après la guerre, dans une Amérique encore sonnée et où souffle un vent de liberté. L’évocation en filigrane est celle des débuts de la scientologie et de son gourou Ron Hubbard. 


« The Master »,  Lancaster Dodd, le Maître, est joué par Philip Seymour Hoffman personnage charismatique et sympathique dans ce film sans parti pris. L’histoire contée relate la rencontre de ce dernier avec un « paumé »  psychologiquement fracassé par la guerre du Pacifique et s’abimant dans l’alcool, incapable de maitriser ses pulsions sexuelles et sa violence qui sourdent en permanence.

 

Il transperce malgré tout quelque chose de profond dans le personnage de Freddy   joué magistralement par Joaquim Phoenix, au corps nerveux, déformé, tordu comme sa psyché . Une sorte de d’âme d’artiste, esthète perfectionniste, profondément épris de liberté mais prisonnier de ses pulsions et de sa tendance à l’autodestruction. Un gachis.  Freddy va donc un jour d’errance alcoolisée  fuir une fois de plus sa vie  et s’embarquer au hasard sur un petit bateau de croisière.  Il y rencontrera l’assemblée improbable des premiers disciples du Master et sera fasciné par le charisme et l'attention de ce dernier. La fascination sera réciproque, Le Maitre s’attachant à son élève et à ses faiblesses, en faisant le cobaye de ses théories thérapeutiques et travaillant avec acharnement à sa transformation.

 

Le film est riche en « séquences thérapeutiques » techniques, des sortes de « jeux de la vérité » épuisants où il s’agit de répondre instantanément à des questions sans cligner des yeux, des séances d’hypnose, des exercices répétitifs induisant inévitablement des états de transe etc.  A travers la progression évidente de l’élève, on assiste aussi aux progrès du « mouvement »,  les premiers meetings de province,  les réunions improbables chez des sponsors, les mises en scène de « révélations » des écrits, du Maitre « La Cause », les succès.  L'histoire se construit avec habileté.

 

Freddy témoignera souvent de façon  violente de sa fidélité au mouvement, de son attachement inconditionnel au Maitre, et sera intégré au « premier cercle » quasi familial, partageant aussi les doutes et les faiblesses du Maitre et de son mouvement, ses crises de nerf, ses succès.  Et puis un jour, le Maitre propose à son disciple une sorte d’expérience ou de divertissement si l’on préfère : rouler à fond de train en moto dans le désert en fixant un point fixe. On devine à ce moment un basculement de l histoire… Freddy enfourche la moto et disparait à l’horizon reprenant sa liberté…et laissant Le Maitre sidéré et on le suppose, admiratif. On comprend à ce moment ce qui chez Freddy fascinait le maître : son caractère absolument imprévisible et sa totale liberté. 

 

On suit ensuite Freddy  pour constater qu’il a bien  évolué, maitrisant  mieux sa violence et ses pulsions, après des années d’exercice. Il revisite les traces de son passé avec recul, semble reprendre une nouvelle vie libre plus sereine. Et puis un jour, plusieurs années sa disparition, « The Master » le retrouve, et lui envoie un courrier pour le rencontrer. Freddy se présente au rendez-vous. Le Mouvement s’est développé de façon impressionnante en une véritabe Eglise avec son catéchisme et a essaimé de nombreuses écoles remplies d'élèves en uniformes.  Le bureau du Maitre est somptueux, comme une chaire tronant au milieu d'une nef ouvragée. Celui-ci est toujours flanqué de sa femme qui constitue la figure forte du film dans la mesure où sa conviction et son contrôle sont omniprésents et probablement essentiels à l'essor du mouvement et à la persistance du Maitre dans ses moments de doute. Elle régente tout et est la garante du dogme.  Le Maitre demande  à Freddy de rester auprès de lui  mais celui-ci décide tout de même de partir, assumant cette fois ci totalement  sa liberté, sans fuite. 


Ce film m’a beaucoup plu à plusieurs titres :

 

 

-         Il aurait été facile, simpliste, de tomber dans la caricature d’un mouvement dit « sectaire » mais Paul Thomas Anderson n’est pas entré dans ce piège. Cela montre peut être aussi une différence culturelle essentielle entre les Européens et les Américains dans l'attachement à la liberté d’expression, la possibilité de création de « mouvements de croyance » divergents, tels actuellement par exemple les églises évangéliques. Force est de constater dans le film que Dodd (The Master) est un personnage très sympathique et charismatique.  On pressent parfois la possibilité de dérive « sectaire » à travers l’intransigeance et la dureté de sa femme, l’impossibilité de contradiction en sa présence, la « violence potentielle » du premier cercle de fidèles, et le peu d'échange extérieur. Mais le film ne juge pas.


-          Les acteurs sont excellents,  le film très « esthétique », les huis clos hypnotisant et les scènes d’extérieurs sont magistrales, prises à la caméra 70mm très précise.On s'y croirait !

 

 

-          Le film commence et se termine bizarrement, finalement dans une touche de liberté. On se laisse conduire dans cette histoire, relation complexe Maitre-Elève, fascination réciproque, amitié inconditionnelle et prise de liberté sans vraiment de fil conducteur. Freddy est comme un « chien un peu fou et malade » qui a été apaisé, recueilli, éduqué, à beaucoup donné en retour, mais finit par privilégier à tout sa liberté.

 

Et on ressort de la salle avec ses propres réflexions et  questions, cherchant un sens à cette excellente histoire...

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commentaires

J
Connaissez vous Franck Capra, en particulier les "La vie est belle" et " L'extravagant mister deed" ?
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J
Les films de Capra sont d'autant plus d'actualité qu'ils se déroulent pour certains au décours de la crise de 29 ( "La ruée", " l'extravagauant mister deed" ...)
P
Merci beaucoup pour ces pistes d'exploration personnelle ;)<br /> Je viens de lire le synopsis de &quot;La Vie est Belle&quot; de Franck Capra et j'ai été ému en le lisant. <br /> Et rassuré de lire aussi &quot;qu'aucun homme avec des amis ne rate sa vie&quot;...
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