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13 mai 2015 3 13 /05 /mai /2015 17:32

A

Alping. Dans l’Islande du Xème siècle (en plein moyen-âge européen), peu après l'installation sur l'ile, les chefs de clans issus majoritairement de Norvège souhaitent s’affranchir de toute tutelle et créent l’Alping – ancêtre du parlement actuel. Cette assemblée est présidée annuellement par « un homme qui dit les lois » (et en récite par coeur une bonne partie à chaque ouverture d'assemblée). L’Alping se réunit une fois par an durant deux semaines dans le cadre de Pingvellir – un majestueux amphithéâtre naturel situé en altitude à une cinquantaine de kilomètres de l'actuelle Reykjavik. Ici, des chefs régionaux – les godar - au nombre de 39, assistés de deux conseillers chacuns, débattront de la vie collective sur l'ile, légiféreront, et prendront d’importantes décisions permettant d’éviter des conflits majeurs. L’Alping est considérée comme le premier gouvernement parlementaire national au monde, et a fascinée par sa précocité dans l'histoire les penseurs anarchistes tels que Elisée Reclus, William Morris, Kropotkine en tant que modèle possible de gouvernement sans autorité centrale forte. Elle a contribué a créer et enrichir cette langue unique qu'est l'Islandais.

 

B

Blue Lagoon. Je n'aime pas spécialement les lieux à "Toutous" (touristes), mais revenir d'Islande sans s'être baigné en plein air (par une température extérieure proche de zéro) au moins au moins une heure dans les sources chaudes d'un bleu laiteux imputable à leur haute teneur en silice m'aurait valu les sarcasmes de tout connaisseur - même télévisuel - de l'Islande. J'ai donc complaisamment accompli ma mission - tick in a box d'un des sites classé dans les "25 plus belles merveilles naturelles du monde" - dans ce complexe digne d'un aquaboulevard ayant bénéficié d'un bon marketing. Heureusement dans la première quinzaine de mai, les hordes de touristes sont encore disparates et la densité de beaufs mondialisés déambulant hilare en burnous blanc avec un verre à la main, encore supportable. Il faut quand même concéder que le spectacle était extraordinaire, ne fut ce que celui des colonnes de vapeur blanches s'élevant des eaux turquoises noyées dans un champs de lave noire comme de l'ébène.

 

C

Criminalité. Eh bien voilà un pays peuplé d'anciens descendants de viking dont les sagas narrent avec fierté des actes de violence et de cruauté terribles et qui malgré tout arbore un taux de criminalité proche du zéro absolu. Que penser de cet état de fait ? Qu'il serait possible que certains modèle de société engendrent moins beaucoup de violence que d'autres, que l'homme n'est pas irrémédiablement mauvais, ou encore que c'est la société qui façonne l'individu ? Une scène marquante alors que je me promenais dans un jardin publique : un enfant qui jouait est tombé violemment et immédiatement un type hirsute et pieds nus (,température proche de zéro) probablement alcoolisé et qui ressemblait à un SDF est venu vers lui. Il l'a relevé et lui a parlé gentiment en lui demandant si ça allait. La mère est arrivée peu après et a discuté avec ce type comme si c'était une personne asbolument "normale" en qui on pouvait avoir toute confiance. J'ai pensé que ce genre de scène serait impensable dans notre belle France qui n'arbore plus comme cache-misère que des mots sans signification comme ceux d'"Egalité" et de "Fraternité". Car l'Islande a un modèle social qui privilégie les places d'écoles à celles de prisons et limite les inégalités comme dans la majorité des pays nordiques. Un peuple a finalement les résultats qu'il mérite. Il est cocasse aussi de noter qu'Arnaldur Idridason, l'un des meilleurs auteurs de polars du monde vient d'un pays où le crime est inexistant.

 

D

Décalage horaire : seulement deux heures... Mais la véritable impression de décalage vient en fait de la latitude polaire de l'Islande (66°) qui fait que l'on a bien intérêt à tirer les rideaux quand on se couche car il fait jour une bonne partie de ce qui constitue chez nous encore, la nuit (au mois de mai) !

 

E

Ecriture. L'Islande est un pays qui vénère la littérature, la lecture et l'écriture. Les écrivains y sont honorés et un Islandais sur dix publiera une oeuvre au cours de sa vie. Les bibliothèques et les librairies y sont nombreuses (Edmundsonn etc...). Les Islandais sont très fiers de leur patrimoine littéraire - notamment ses Livres des Sagas écrits peu après l'introduction de l'alphabet latin vers l'ant 1000 - et relatant sous forme parfois fantastique l'installation des premiers colons et l'histoire de leurs lignées.

 

F

Fjords - nombreux et magnifiques notamment dans le nord de l'ile (comme dans l'Eyjafördur). Les eaux bleux métalliques des fjords sont ponctuées de centaines de petites iles.

 

G

Geysir est le geyser islandais qui a donné son nom a tous les autres et dont le terme vient du verbe islandais gjosa signifiant "jaillir". Pour ma part je me souviendrais surtout de Geysir comme étant le nom d'une marque de vêtements Islandais d'excellentes qualité isotherme (Mérino Wool) et qui m'ont permis d'affronter de jour comme de nuit des températures polaires extrêmes. Jusuq'à la fin de mon séjour j'avais cru qu'ils étaient fabriqués localement mais après observation malheureuse et dépitée de leur étiquette je n'ai pu que me rendre à l'évidence : Made in China !

 

H

Huile de foie de Morue. Il est surprenant de trouver une bouteille de cette huile systématiquement sur les tables des buffets de petits déjeuners. Après avoir vu un autochtone s'en verser un petit godet et le boire cul-sec, je l'ai témérairement imité... Effectivement, mieux vaut boire le breuvage très rapidement; l'arrière goût de poisson est infect mais il parait que c'est excellent pour la santé !

 

N

Nuits blanches. Pas seulement les nuits blanches des fêtards dans les nombreux pubs de Reykjavik, réputée pour son ambiance particulièrement festive mais - comme tout dans le roman "Les Nuits Blanches" de Dostoievski (se situant dans une Saint Petersbourg printannière),une luminosité particulièrement vive de jour comme de nuit. L'islande est située entre les 63ème et 66ème dégré de latitude (cercle polaire) et le mois de Mai baigne le pays de sa lumière blanche.

 

O

Orgues. En lisant ce mot on pense naturellement aux orgues des églises, à l'esthétique épurée, mais ici en Islande à ces formes naturelles basaltiques formant des "orgues", omniprésentes dans le paysage (comme sur la plage de Reynisdrangur ou encore ornant la Godafoss la puissante chute des dieux. Le motif de "l'orgue" a été repris symboliquement par des architectes pour marquer le caractère "local" de leurs constructions; la plus célèbre et emblématique notamment - la Hallgrimskirkja- cathédrale de Rejkjavik épouse la forme d'une orgue haute de 75 mètres !

 

R

Routes. Ayant fait le tour d'Islande en affrontant différentes conditions climatiques j'ai pu conduire sur une grande varité de routes dans différentes conditions météorologiques. Un grand nombre de dangers attendent au tournant le touriste mal informé ou insuffisament équipé. La puce devrait déjà être mise à l'oreille quand la société de location de voiture annonce des tarifs prohibitifs pour de simples véhicules ainsi qu'une grande variété d'options d'assurance toutes aussi onéreuses. La meilleure route - appelée N1 - fait le tour de l'ile (en passant par des zones montagneuses et difficiles). La seule circulation dans la première quinzaine de mai sur cette route nationale s'avère déjà être une aventure : conduite sur neige et glace durant des dizaines voire centaines de kilomètres, brouillard ne permettant pas d'y voir à dix mètres alors que l'on est encadré par des ravins, zones soudainement non bitumées et parsemées de graviers, stations essence espacées de plus d'une centaine de kilomètres, ponts ne permettant de faire passer qu'un sens de véhicule, raidillons n'offrant aucune visibilité pour apercevoir les voitures d'en face, blizzard violent risquant d'arracher les portières imprudemment ouvertes, sandstorm (tempètes de sable volcanique) risquant de bousiller la carosserie, etc... En bref, on peut s'estimer particlièrement soulagé quand on remet un véhicule intact à l'agence après avoir effectué un seul tour de l'ile. Le 4x4 est plus que conseillé, ne fut ce que pour pouvoir sortir de la N1 vers le nord, le centre et l'est du pays.

 

S

Skyr. Le Skyr est une sorte de yaourt islandais assez liquide (un peu comme du lait fermenté). Pour ceux qui ont voyagés dans ces pays, il peut rappeler le Kefir de Russsie ou l'Ayran de Turquie. Le Skyr est devenu une fierté nationale, particulièrement depuis qu'une société suédoise se soit mise récemment à produire du Skyr et à le commercialiser en produisant une publicité pouvait faire croire à une production islandaise - provoquant la fureur gouvernementale et populaire. Les Islandais sont extrêmement fiers de leur production locales et se font d'ailleurs un devoir civique de consommer le plus localement possible. Sur les produits vendus en magasin est souvent indiqué la source de production.

 

 

Sagas. Le terme "saga" provient de l'islandais sögur. C'est un genre littéraire qui a été développé très tôt, peu après la christianisation avec l'introduction d'une meilleure possibilité de fixer les récits par écrit grace au latin (christianisation en l An 1000). La saga consiste en un récit historique en prose. La plupart des sagas islandaises, se rapportent à la vie héroïque d'un ancêtre ayant vécu au Xème ou au XIème siècle. Y sont vantés les combats, expéditions et qualités personnelles des héros (qualités valorisées à l'époque...) : bravoure au combat - parfois cruauté - sens le l'amitié, talent poétique etc... Mais aussi, et c'est ce qui m'a particulièrement intéressé, les graves défauts des personnages - propension à la colère, trahison, meurtre, avarice - ne sont pas du tout dissimulés mais racontés de façon très réaliste. Comme si encore à l'époque des sagas, il n'était pas question de morale chrétienne - de péché avec la notion de culpabilité associé - mais probablement des valeurs chevaleresques Viking. Les qualités et les vies exceptionnelles intégrent et se comprennent avec leurs défauts. Les islandais sont extrêmements fiers de ces écrits et ils ont tout fait pour les rapatrier dans les années qui les ont conduit à l'idependance depuis les anciens pays colonisateurs - Norvège et le Danemark -; ces documents constituent aujourd'hui des pièces fondatrices majeures de la Nation Islandaise.

 

 

T

Trolls.  Les paysages tourmentés (concrétions formées par la lave etc.) et phénomènes naturels variés font de l'Ile une terre d'accueil fertile pour les monstres de tous poils - gentils ou facétieux - elfes, trolls, goules, ogres etc... A en croire Arni Björnsson historien du folklore islandais tout aussi facétieux que ses créatures, un habitant d'Islande sur 500 serait un fantôme...

 

 

V

Volcans. L'Islande  se trouve en plein sur la dorsale médio-atlantique, l'endroit où les plaques tectoniques eurasienne et nord-américaine se séparent (en écartelant l ile au rythme important de 2 cm par an). L'activité volcanique y est donc très intense, et le paysage de l'Islande alternant les cones noirs ou rougis, les champs de lave et de sable volcanique, les sources chaudes, geysers et fumerolles nous le rappelle en permanence. Récemment encore - en 2010 - l'éruption de l'Eyjafjöll a défrayée la chronique, les cendres expulsées gênant le trafic aérien sur l'Europe et une bonne partie du monde. Les catastrophes volcaniques ont ponctuées l'histoire de l'Islande, notamment celle du Laki dans le sud de l'Ile qui a duré presqu'un an entre 1783 et 1784 et s'est soldée par la disparition de près du tiers de la population d'alors, affamée par l'empoisonnement du bétail et les récoltes impropres à la consommation. Certains historiens de comptoir de café ont même prétendus que cette éruption aurait entrainé des hivers plus rigoureux sur l'Europe et serait pour partie responsable de la révolution française à venir. Jules Vernes pour écrire son fameux "Voyage au Centre de la Terre" s'est inspiré des paysages et grottes du volcan islandais Snaefelljökull situé dans l'Est de l'ile.

 

**** Ecriture en cours **** A suivre ;)

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8 mars 2015 7 08 /03 /mars /2015 17:06

L’imaginaire de la Commune est un livre de Kristin Ross – professeur de littérature comparée à New-York University – et raconte à travers le témoignage (correspondances, journaux, livres) des protagonistes de La Commune de Paris et de leurs soutiens, les idées, utopies et imaginaires, conception de la vie, rapport à l’art, à la nature, façons d’être et de faire partagés.

 

L’ambition de Kristin Ross n’est pas de raconter l’événement, La Commune, cette insurrection parisienne qui a durée en tout et pour tout 72 jours en 1871 mais de dégager de cet événement très particulier - répétition avortée des révolutions communistes et socialistes à venir - en quoi il a pu ouvrir le champs des possibles par la réification de nouvelles conceptions de la vie partagées (on dirait paradigme aujourd'hui...), et inspirer ainsi un certain nombre de théoriciens révolutionnaires, anarchistes ou communistes, tels que Marx, Kropotkine, William Morris ou le très clairvoyant Elisée Reclus, en leur permettant de dégager des enseignements féconds de cette « pensée » en acte (car les révolutionnaires agiissaient autant qu'ils pensaient), enrichissant leurs travaux théoriques.  

 

Malgré l’écrasement impitoyable et sanglant du mouvement parisien par le pouvoir bourgeois et Versaillais mené par Thiers – et décrit par Marx comme La Guerre Civile en France - , un certain nombre des expériences et idéaux de La Commune vont nourrir lpar l'exemple les gouvernements et républiques socialistes à venir, que l’on pense par exemple à l’école publique et obligatoire pour tous, aux crèches, à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, à la volonté d’équité homme-femme, à l’accès au travail pour tous, à l’Education Intégrale (c’est-à-dire une éducation consistant en un tronc commun général permettant d’affranchir les individus par le développement de leur capacité à penser, choisir, devenir citoyens et participer à la vie publique) etc…

 

La pensée communale a une résonnance particulière aujourd’hui quand on songe aux nouvelles critiques du capitalisme et de la Finance mondialisée, provoquant diverses réactions à travers le monde comme les mouvements Alter, Autonomes, Pirates, Hackers, Associatifs regroupement de pairs tentant de se ré approprier leur destin à travers d'échanges les plus directs possibles, actions politiques, contestations - Indignés, Occupy de Wall-Street à Hong-Kong, ou encore gaganant le pouvoir par la voie politique parlementaire comme Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne.

 

Il me semble intéressant de faire ressortir quelques points essentiels concernant cette pensée en acte, partagée durant La Commune :

 

  • Affranchissement par rapport à toute forme de pouvoir étatique et retour à des communes, c’est-à-dire des « groupements d’égaux ne connaissant ni frontières ni murailles ».

 

  • Réappropriation par le Groupe - la Commune - des moyens de production notamment les usines et surtout de la Terre permettant l’Autonomie. Remise en question du Capital et de la propriété individuelle, réflexion sur la valeur d'échange.

 

  • Vocation internationaliste, récusant l’idée de Nation. La commune doit être ouverte sur l’extérieur et partager, échanger biens et idées avec des homologues.

 

  • Association des communes, entités autonomes, par le principe de la « libre association » afin de permettre des alliances assurant stabilité et échanges - tout en donnant priorité au "local".

 

  • Morale forte basée essentiellement sur la solidarité (Entraide, Solidarité, Fraternité selon les déclinaisons propres à chacun des grands penseurs).

 

  • Abolition maximale des séparations : production et consommation (réappropriation de la capacité à faire et à être autonome), réduire la "distance" entre ville et campagne, entre théorie et pratique (dans le travail, à l’école etc…).

 

  • Education Intégrale pour tous permettant de devenir des citoyens autonomes et esprits critiques.

 

  • Accès au travail pour tout le monde et répartition des fruits du travail non pas sur le mode du salariat – c’est-à-dire en fonction de la somme de travail exécutée – mais sur les principes des besoins de chacun et de la solidarité.

 

  • Le travail doit pouvoir être choisi aussi librement que possible, associé de gré à gré, et non considéré comme une marchandise sujette à salaire. Il soit être utile à la société prise dans son ensemble.

 

  • Remise en question de la valeur d’échange, du marché et de la monnaie. Préférence au local.

 

  • L’Art, l’esthétique, ont une place primordiale dans la vie communale. La séparation traditionnelle entre les Beaux-Arts et l’Artisanat n’a pas lieu d’être. L’esthétique, l’art doivent être présent dans la vie communale - créer un Luxe Communal accessible à chacun - , il doit être visible dans les espaces et bâtiments publics, dans l'urbanisation et la campagne, mais aussi "vécu" dans les façons d’être et de faire. L’Art n’est plus propriété accessible à une élite restreinte, son accès est généralisé, les individus doivent pouvoir s’approprier complètement leur travail et de pouvoir le« signer » comme une œuvre personnelle, une oeuvre d'Art. L’art doit être vécu au quotidien, il s’agit de créer un nouveau rapport sensuel à la matière, à l’environnement et au temps présent.

 

 

Les principaux écrivains et philosophes ayant pensé la Commune après 1871, ont cherché dans l’histoire, l’art, la géographie et la science, des sources d’inspiration permettant de mieux soutenirs leurs édifices théoriques. Kropotkine s’est particulièrement intéressé à la Nature et aux phénomènes d’entraide omniprésents au sein d'une même espèce et souvent entre espèces (contrant ainsi l’appropriation réductrice de la pensée Darwinienne par la bourgeoisie qui l’interprétait à l'aune de ses intérets propres, c'est à dire à une sorte de guerre de tous contre tous (Hobbes), justifiant le Droit des forts et niant celui des faibles, justifiant la captation des ressources. 

 

Reclus qui était géographe a visité un grand nombre de sociétés par le monde et a été particulièrement fasciné par la communauté Islandaise qui, dans des conditions d’isolement naturel très difficile, avait réussir à s’affranchir de la tutelle des despotes et de la civilisation marchande occidentale pendant plusieurs siècles, et avait su atteindre un haut niveau d’élévation intellectuelle et morale. Il la voyait comme un modèle de société précapitaliste idéale, où les liens se faisaient non par l’argent mais par l’affinité et la proximité.

 

Ce livre est très intéressant pour quiconque se pose aujourd’hui des questions sur un capitalisme mortifère, actuellement en voie d’épuisement et sous masque à oxygène à force d’impression monétaire et autres tentatives de relances. Quelles sont les valeurs qui le sous-tendent, et quelles sont les valeurs qui peuvent aujourd'hui lui être opposées ? Des passages du livre opposant la pensée de l’anarchisme collectiviste, celle de Marx/Bakounine qui veulent maintenir le rôle d'Etat fort, du marché et du salaire, s'opposent à celles dites du « Communisme anarchiste » qui prône la disparition totale de l’Etat, du Marché et de la valeur d’échange. Cette dernière théorie semble aujourd'hui être fondamentale dans la pensée communautaire (allant des communautés technophiles pronant le "free" et l'"open" aux mouvements libertaires occupant ou se réappropriant le sol - tribus post-modernes).

 

A lire donc.

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23 novembre 2014 7 23 /11 /novembre /2014 19:58

Voilà une histoire comme je les aime, digne de ces reportages du grand reporter Florence Aubenas ex-otage, maintenant journaliste "embedded" non pas sur les fronts irakiens ou syriens mais scrutant les stigmates de la violence néo-libérale de la France profonde dans le Quai Ouistreham ou plus récemment "En France" . Une jeune amie de retour de ce front violent et souffrant tel un vétéran des pires combats guerriers de PTSD (Post Traumatic Stress Disorder), m'a raconté ses récents déboires chez Disney et en substance le licenciement de Coco Lapin pour faute grave. Bien entendu, comme tous les patients souffrants de troubles psychologiques lourds dus à de profonds traumas, il convient de prendre ce témoignage avec toutes les pincettes de rigueur, la jeune personne étant encore sous le choc et moi-même votre narrateur un raconteur d'histoires douteuses comme tout bon thérapeute qui ne se respecte pas.

 

 

Donc, il y a deux semaines, Camille s'est pointée toute guillerette à EuroDisney pour sa formation de Cast Member. Le Cast Member c'est la personne qui est "à l'intérieur" des déguisements / costumes massifs représentant des personnages Disney. Les Face Member eux ce sont ceux qui peuvent évoluer le visage à l'air libre et sont simplement grimés, c'est moins éprouvant... Le cours a consisté pour l'essentiel en des consignes sur la façon de jouer les personnages, les mouvements stéréotypés à exécuter selon les émotions qu'il faut signifier (les mêmes quels que soient les personnages) et  tout un ensemble de conseils pour rendre plus vivants les personnages comme bouger la tête en permanence. Des scènes étaient aussi répétées : "les Pluto(s), trois chiens en formation - en fait c'était trois filles - devaient attraper des sucres que leur lançait leur maîtresse... On nous a aussi expliqué comment ranger nos costumes, et puis la façon de nous comporter en public. Plus que des cours de savoir-faire ce sont surtout des cours de savoir-être : il faut toujours faire bonne figure, sourire, même a l'intérieur du costume, être enthousiaste, et ne jamais montrer le moindre de signe de fatigue comme baisser les bras. On apprend à s'investir à fond dans son travail :  Le soir après le travail, il était conseillé de regarder des vidéos de films Disney pour voir comment font les personnages que l'on devra incarner le lendemain. On nous a dit d'aller au cours de danse gratuit (4 heures par semaine) pour s'améliorer durant la Parade.

 

 

"Et puis j'allais aussi oublier ! : Il y a des règles absolues à respecter du style "ne jamais enlever sa tête en public", même si on crève de chaud et que l'on a la nausée comme ça a été le cas de Daisy, la pauvre, qui a vomi les coquillettes qu'elle avait mal digérée a l'intérieur de sa tête. En plein durant la parade ! Elle a continuée courageusement sa prestation pendant près d'une demi-heure pour le plus grand bonheur des visiteurs et d'un handicapé ! La motivation ça fait tout ! Elle a d'ailleurs été félicitée par notre manager."

 

"Et puis c'est plutôt bien payé - au Smic et sur la base de huit heures par jour - pour un boulot qui consiste essentiellement à endosser un costume pesant près de quinze kilos et dans lequel la température avoisine trente cinq degrés. Il est juste demandé de secouer une grosse tête de cinq à six kilos (faut quand même avoir les cervicales solides LOL !), de faire les bons gestes et de rester toujours positif. On peut s'estimer heureux car il y a plein d'avantages à la clef. Déjà, pour les plus vernis, la compagnie peut louer une piaule de 12 m2 pour deux personnes à une station de RER de là (à Val d'Europe), ensuite il y a des réductions de folies sur les boutiques Disney. D'ailleurs, Minnie et Peter Pan ont acheté tous les articles qui correspondent à leur personnage pour pouvoir continuer à le vivre à l'extérieur (écharpe, bonnet etc...). Ils marchent dehors comme on leur a appris à le faire et répondent par les mêmes gestes. Bien sûr ils déconnent et ils ont l'air vraiment content ! Ils ont l'esprit Disney !"

 

"Et puis on peut quand même se lâcher un peu pendant les pauses : Lucky Luke par exemple - qui comme je le soupçonnais déjà dans la bande dessinée est très "gai", a fait un Booty Shake de folie dans le Break Room ! MDR. Mais bon... Il y a des limites ! Faut pas faire comme il y a quelques mois Mickey, Dumbo, Daisy et Donald qui ont pris des pauses et des photos en simulant un Gang-Bang. Ils se sont fait virer. La direction n'a pas apprécié "

 

- Et toi pourquoi tu t'es fait virer ?

 

"En tant que Cast Member on doit signer des autographes qui correspondent à nos personnages. Durant la semaine j'ai été successivement La Fée Clochette, l'écureuil Tic et Tac, Winnie l'Ourson et puis Coco Lapin. Un jour en fin de journée deux managers sont venus s'asseoir à côté de moi alors que j'étais encore en costume de Coco Lapin, Un de chaque côté pour me dire que j'avais commis une faute impardonnable : Il avaient vu que j'avais signé un autographe "Coco" au lieu de "Coco Lapin". Du coup j'ai été virée !

 

"Je crois que je n'avais pas assez l'esprit Disney"...

 

En entendant cela je crois que j'ai dit "Eh bien, tu as fait une expérience très intéressante sur le monde de l'Entreprise néo-libéral. Ce que tu as vu chez Disney, n'est pas propre à Disney. J'espère que cette expérience va t'encourager à développer un regard critique sur le système dans lequel tu vis et à cultiver ton esprit critique. Tu devrais apprendre à lire Debord, Marx, Badiou. C'est à ton âge qu'il faut le faire si tu veux te situer dans ce qui t'arrive et gagner un peu en liberté. Même si la liberté n'est pas spécialement confortable...".

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15 janvier 2014 3 15 /01 /janvier /2014 16:57

Le Loup de Wall Street, dernier film de Martin Scorcese raconte l’histoire de Jordan Belfort, un trader « successful » ayant monté sa propre société de courtage et fait fortune en usant et abusant de mensonges, abus de faiblesse, manipulation des cours etc. Il sera stoppé dans son ascension par quelques flics intègres du FBI, représentants incorruptibles du petit peuple des grugés.

 

Ce qui revient de façon récurrente dans cet excellent film c'est le cynisme et l’obscénité. L’argent, le sexe et la drogue sont omniprésents dans l'univers de Jordan Belfort (magistralement interprété par Léonardo Di Caprio) et de ses acolytes. L’omniprésence jusque l'obscènité des "signes extérieurs de richesse" et de la débauche consummériste transforme le tout en décor insipide de clip de rap pour MTV. Le réel semble de ce fait n’être jamais satisfaisant et vide de sens. Reste une jouissance épuisée par la saturation. La chimie de l'overdose change tout en toc, l’argent perd sa valeur d'usage, le yacht désert respire l'ennui, les poupées siliconées s’avèrent de la même espèce que les traders les plus impitoyables auxquelles elles se vendent. Pour compenser ce vide les drogues doivent d’être de plus en plus puissantes afin de redonner un semblant de relief à la vie.

 

Ce qui est intéressant à mon sens, c’est qu’en faisant jouer Léonardo Di Caprio, belle gueule, sympathique et bourré de charisme, sans jamais montrer tout au long du film le moindre client ruiné ou « dommage collatéral » direct de son activité, Scorcese ne tombe pas dans la caricature ennuyeuse de la leçon de morale à l’américaine. Belford chutera de son piédestal certes, en trahissant cyniquement ses collègues - comme il a trahit ses clients - en négociant une remise de peine pour bon comportement et passera au final trois années dans une prison dorée, sorte de « camp de vacance » néo libéral où tout peut s’acheter encore plus qu’ailleurs. Il est encore riche. Il rebondira à la fin du film comme conférencier de génie transmettant à un public conquis de commerciaux en herbe ses "méthodes de vente" infaillibles. En parallèle, les « petits flics » du FBI qui l’auront coffré continueront le vie modeste et laborieuse partageant le métro quotidien des autres « laissés pour compte » du système. 

 

Scorcese a su rompre avec sa pattern habituelle : dérive individuelle – crime – châtiment – rédemption. Ici le crime est comme « minoré » par l’invisibilité des victimes et le châtiment individuel quasi inexistant. Et l’obscénité de l’ensemble du système ressort d’autant mieux. Un système de joueurs cyniques dépourvus de morale. Reste le dégout, l’impuissance et la colère face à ce système que quelques Madoff sacrifiés ne sauront dissimuler.

 

Un film à voir absolument !

 

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20 octobre 2013 7 20 /10 /octobre /2013 23:24

Vu « La vie d’Adèle », ce film d’Abdellatif Kechiche,  qui était déjà célèbre auprès du grand public avant même d’avoir été vu. La Palme d’or au festival de Cannes et la polémique déclenchée par les deux actrices principales Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos s'épanchant publiquement sur leurs conditions de travail particulièrement difficiles avaient déjà fait la promo du film....

 

Le titre complet du film est « La vie d’Adèle Chapitres 1 et 2 » et ce découpage en chapitre va faciliter mon commentaire.

 

Le Chapitre 1, c’est grosso modo la découverte d’Adèle, une jeune lycéenne sensible que l’on voit évoluer au sein de sa famille un peu beauf et dans son environnement scolaire, en classe et avec ses potes. La jeune Adèle rencontre des garçons, couche sans envie réelle, et se découvre dans le même temps de plus en plus troublée par les filles. Un jour de sortie avec un ami dans un bar gay, elle rencontre Emma une jeune femme atypique aux cheveux bleus, plus âgée qu'elle, et étudiante aux  Beaux-Arts. C’est le coup de foudre. Le premier chapitre de l'histoire fait la peinture réaliste, naturaliste, d’Adèle, de ses premiers émois, de son étonnement et de ses doutes, et puis de l’amour qui se développe et finit par s’imposer comme une évidence. C'est extrêmement bien raconté et filmé. Hormis cette scène d'amour lesbien très provocante et infiniment longue qui met le spectateur dans la gêne en position de voyeur involontaire d’une scène dont on se demande si l’existence n’est pas juste de satisfaire les fantasmes d'un Kechiche sur l'amour saphique. Adèle Exarchopoulos, dans ce premier chapitre est tout simplement sublime de justesse et de sensibilité. Elle est la grande révélation de ce film.

 

Le Chapitre 2, nous présente le couple installé quelques années plus tard. Emma est devenue artiste peintre et Adèle, qui adore les enfants, est  devenue institutrice. Et puis on a l’impression que Kechiche « suicide » son film à petit feu à travers la succession de clichés et d'idées reçues qu'il nous sert : Adèle  qui vient d’un milieu modeste et n’a pas poursuivi de « hautes » études devient la boniche effacée d’une Emma qui elle, a eu la chance d'être éduquée au sein d'une famille «bobo éclairée » et évolue dans un milieu artistique (soi-disant) très cultivé  (aux dialogues d'une prétention navrante),  des tensions surviennent dans le couple du fait de cette différence de classe et Adèle en mal probable de reconnaissance commet un jour « l’irréparable » aux yeux de sa « julotte » - la scène de rupture est extrêmement mal jouée par une Léa Seydoux vraiment pas inspirée, on n’y croit pas même en se forçant, et puis s’ensuit une sorte de descente dépressive de la répudiée larmoyante, trop pleine de pathos et beaucoup beaucoup trop longue. Au bout de deux heures on regarde sa montre et on se dit "merde, il reste encore une heure"…Alors qu'au milieu de ce deuxième chapitre il y a une très belle scène où Adèle désespérée fait la planche et se laisse dériver dans l’océan. On pourrait croire que c’est la fin, mais non, le prolixe Kechiche veut encore nous reservir du déssert jusqu'à la nausée. Si ça c'était terminé à ce moment j’aurais pu qualifier le film "d'excellent", malgré ses longueurs et ses sautes qualitatives. Mais la dernière partie qui suit cette "dérive en mer", est absolument insupportable d’ennui.

 

Le film est néanmoins à voir, ne fut-ce que pour son magnifique premier chapitre et pour l’interprétation incroyable d’Adèle Exarchopoulos qui a largement méritée son prix d’interprétation féminine à Cannes. Pour le reste, j’avoue que je me demande comment il a pu remporter la palme d'or et pourquoi Léa Seydoux qui jouait très mal dans la deuxième partie a été primée. Bien sûr, cette histoire d’amour homosexuelle est en forte résonnance  avec l’actualité du « Mariage pour tous », et l'on sait le rôle "politique" que revêtent ces festivals. Mais les outrances de Kechiche (qui parait-il a tourné plusieurs centaines d’heures de rush pour les réduire ensuite difficilement à trois heures au montage) ont eu raison de son film. Les choix des morceaux composant la deuxième partie n’ont pas été des plus heureux, et l'on se demande si Kechiche lui-même ne s’est pas épuisé, dépassé par la somme de travail produite pour le film, tout comme il a épuisé ses acteurs et son équipe technique lors du tournage et enfin ses spectateurs gavés par ses trop-pleins.

 

Il y a aussi autre chose qui m’a gêné dans sa façon de filmer en plans très rapprochés, naturalistes et cliniques jusqu’à saisir les grains de peau lors des relations intimes. Quelque chose aussi que je peux qualifier de "trop", d'"outrancier". Le respect de ce que l’on appelle en psychologie la « proxémique » ou encore la « dimension cachée » (Cf E.T Hall), c'est à dire la bonne distance physique à garder dans une interaction entre deux ou plusieurs personnes. Chacun, dans ses interactions quotidiennes à l’autre respecte une distance inconsciente qui varie selon les cultures. Si cette distance est abolie, on considère qu’il y a intrusion proxémique, c'est à dire intrusion dans la sphère privée de l'autre. Et là Kechiche en collant sa caméra au plus près de ses acteurs "force" le spectateur à son corps défendant, à adopter une position qui ressemble à celle d'un voyeur pressant.

 

 

 

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15 octobre 2013 2 15 /10 /octobre /2013 22:21

Jimmy P. psychothérapie d’un indien des plaines est un film d’Arnaud Depleschin qui raconte la psychothérapie de Jimmy Picard (Benicio Del Toro) un indien Blackfoot vétéran de la 2eme guerre mondiale et qui souffre de ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui de syndrome post-traumatique. Le «thérapeute » appelé à la rescousse de l’équipe de psychiatres du Winter Veteran Hospital de Topeka sera l’original Georges Devereux (Mathieu Amalric), un psychanalyste original d’origine française passionné par l’anthropologie et la culture indienne (Georges Devereux est de nos jours considéré comme le père-fondateur de l’ethnopsychiatrie dont le meilleur représentant en France est aujourd’hui Tobie Nathan qui a été son élève).

 

Dans le film, pour soigner Jimmy P., Georges Devereux va s’intéresser à son histoire selon la pratique psychanalytique freudienne qui tend à se focaliser sur l’enfance, les relations avec la mère ou la sœur dominatrices, les traumatismes qui pourraient être liés à la sexualité infantile ou adolescente, l'interprétation de rêves etc. Mais aussi, et c'est ce qui fait l'originalité de cette "nouvelle pratique" il va questionner la culture de Jimmy, celle d’un indien Blackfoot avec ses croyances propres, il va vouloir comprendre la langue dans laquelle il s’exprime, la traduction de certains mots signifiants (Par contre le système culturel de traitement du mal, du malheur ou de la maladie propre à la communauté des indienne ne sera pas à mon sens suffisamment questionné).

 

Ce qui est intéressant dans le film et qui est excellemment rendu par le jeu d’acteur magistral entre Del Toro et Amalric, c’est le rapport entre ces deux hommes si différents, une relation quasi d’égal à égal entre Patient et Thérapeute. Et l’on s’aperçoit que c’est aussi cette relation d'une extrême qualité, cette compréhension intime et ce début d’amitié, qui sont thérapeutiques en eux-mêmes (voir cet article sur la relation Patient-Thérapeute à ce sujet). Le Thérapeute fera tout son possible pour s’adapter au mieux au système de représentation de son patient, à sa « propre réalité », anticipant, et nous sommes là vers 1950, le principe même des thérapies brèves qui croient dans le constructivisme c’est-à-dire le fait que chacun se construit sa propre réalité subjective indépendamment d'une "réalité de la réalité" et que donc le thérapeute doit s’adapter au système de représentation et au langage du patient, éventuellement même dans des pratiques poussées telles que l’hypnose ericksonienne à son « attitude » et à son état interne par le biais de la synchronisation.

 

Le film est très intéressant et pertinent sur ce point. En allant le voir, je pensais par contre apprendre quelque chose de plus profond sur l’ethnopsychiatrie elle même, qui à mon sens a été à peine affleurée par quelques "demandes de traduction" sans grand intérêt et sans vraiment pousser jusqu'au système de représentation propre par exemple au chamanisme indien et à la conception de la maladie qui lui est propre (venue d'ailleurs). J’ai eu l’impression d’assister en fait à une cure psychanalytique assez conventionnelle, si ce n’est ce rapport d’égal à égal dans les échanges et une certaine "activité" du thérapeute qui n'est pas celle de la discrétion habituelle du psychanalyste dans une cure.

 

Peut-être pour ce film, Arnaud Depleschin aurait pu gagner à se faire conseiller par Tobie Nathan, référence en matière d'ethnopsychiatrie.Ou alors peut-être est ce moi qui projette aussi mes désirs sur une époque qui était en fait sous la grande influence d'une psychanalyse freudienne en plein essor. Mais je ne peux m'empêcher de penser que tel que le film est fait, il est probable que Jimmy P. ai en fait considéré Devereux comme une sorte de chaman atypique et que Devereux ai lui-même considéré Jimmy P. comme sujet à un transfert psychanalytique dont il aurait pris la place "manquante" du père, les deux commettant ainsi une double méprise, thérapeutique néanmoins du fait de la très grande qualité de leur relation patient-thérapeute, voire amicale. 

 

 

Un film donc à voir donc pour son histoire d'amitié émouvante dépassant les cultures et son jeu d’acteurs, magistral.  

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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 21:57

 Blue Jasmine est un film de Woody Allen, avec l’excellente Kate Blanchett dans le rôle de Jasmine, une femme appartenant à la haute bourgeoisie New-Yorkaise qui se retrouve ruinée et à la rue du jour au lendemain. Son mari, un financier véreux, a été arrêté pour escroquerie et s’est suicidé dans sa cellule. Les biens ont été saisis et Jasmine se retrouve sans le sous et seule. Elle décide donc d’aller habiter quelque temps chez sa sœur Ginger à San Francisco. Ginger par contre est une vraie prolo, caissière dans une sorte de prisu, amoureuse d’un bellâtre sympathique mais qui n’a pas l’heur de plaire à Jasmine qui s’improvise en coach conjugual pour sa sœur.

 

Jasmine semble ne pas encore être capable de réaliser sa situation. Elle voyage en 1ere classe, trimballe ses bagages Vuitton et continue d’adopter l’attitude d’une grande bourgeoise. Quelques scènes où les deux sœurs sortent ensemble sont tordantes du fait du décalage entre Jasmine et le nouveau milieu ambiant. Quelques signes montrent néanmoins que son état psychologique commence à vaciller : elle parle de plus en plus souvent toute seule et des réminiscences du passé se font de plus en plus intrusives dans le présent.

 

A travers ces flashbacks, l’occasion est donnée au spectateur de compléter sa compréhension de l’histoire, de combler les non-dits. On y apprend alors que le mari attentionné trompait en fait sa femme avec de nombreuses maitresses et était sur le point de la quitter, qu’elle aurait pu sans trop faire d’efforts comprendre que les affaires de son mari étaient plus que douteuses. Mais il était infiniment plus commode de vivre dans le confort mental du  déni et de ne pas voir les choses gênantes. Et Jasmine dans sa nouvelle vie à San Francisco continue d’utiliser cette façon habituelle de vivre dans une réalité insatisfaisante en éclipsant ce qui pourrait lui déplaire et en fantasmant des possibles. Mais la réalité finit par se faire de plus en plus pressante : la relation que Jasmine avait débuté avec un homme séduisant et conforme en tous points à ses ambitions se termine quand il apprend qu’elle lui a menti sur sa vie passée. Le fils de Jasmine ancien étudiant brillant de Harvard qui a tout quitté par dégoût la rejette car il a compris que sa mère est à l’origine de la déchéance familiale pour avoir dénoncé le père au FBI  lors d’une crise folle de jalousie ; il lui impute donc le suicide du père etc…

 

Jasmine finit par se retrouver alors dans la zone dangereuse qui n’appartient plus vraiment au déni où la réalité mais correspond à la grande instabilité psychologique qui se trouve entre les deux. La névrose du déni banal se transforme alors progressivement en décompensation psychique. La folie n’est pas loin. A travers le portrait féroce de Jasmine, e film de Woody Allen traite bien de notre époque, celle de l’hystérie-telling. De l’art de se raconter des histoires pour compenser une réalité insuffisante pour l'égo. Les bulles psychologiques comme les bulles monétaires s’inflatent alors dangereusement au risque d’exploser sous le piquant du réel.

 

On songe dans ce film à l’affaire Madoff ou à Fabulous Fab, au décalage insensé entre les très riches et le reste de la population, à la finance folle décorrélée du réel et à ses montages en formes de pyramides de Ponzi ; il suffit qu un « maillon faible » lâche et tout s’écroule. Les portraits humains que fait Woody Allen de Ginger la prolo et de ses amis sont cocasses, réalistes.et finalement très tendres. Kate Blanchett est incroyable de crédibilité dans ce rôle de grande bourgeoise névrosée. La nouvelle vie possible, plus modeste ne peut lui suffire. Et son déni ressemble à celui du monde occidental moderne qui vit à crédit sous les pyramides de dettes au mépris du réel. Et l'on se demande comment tout cela peut bien finir.

C’est du bon Woody Allen. A voir donc, sans hésitation. 

Blue Jasmine est un film de Woody Allen avec l’excellente Kate Blanchett dans le rôle de Jasmine une femme appartenant à la haute bourgeoisie New-Yorkaise qui se retrouve à la rue du jour au lendemain. Son mari, un financier véreux, a été arrêté pour escroquerie et s’est suicidé dans sa cellule. Les biens ont été saisis et Jasmine se retrouve sans le sous et seule. Elle décide donc d’aller habiter quelque temps chez sa sœur Ginger à San Francisco. Ginger par contre est une vraie prolo, caissière dans une sorte de prisu, amoureuse d’un bellâtre sympathique mais qui n’a pas l’heur de plaire à Jasmine qui s’improvise en coach de sa sœur. Jasmine semble ne pas encore être capable de réaliser sa situation. Elle voyage en 1ere classe, trimballe ses bagages Vuitton et continue d’adopter l’attitude d’une grande bourgeoise. Quelques scènes où les deux sœurs sortent ensemble sont tordantes du fait du décalage entre Jasmine et le nouveau milieu ambiant. Quelques signes montrent néanmoins que son état psychologique commence à vaciller : elle parle de plus en plus souvent toute seule et des réminiscences du passé se font de plus en plus intrusives dans le présent. A travers ces flashbacks, l’occasion est donnée au spectateur de compléter sa compréhension de l’histoire, de combler les non-dits. On y apprend alors que le mari attentionné trompait en fait sa femme avec de nombreuses maitresses et était sur le point de la quitter, qu’elle aurait pu sans trop faire d’efforts comprendre que les affaires de son mari étaient plus que douteuses. Mais il était infiniment plus commode de vivre dans le confort mental du  déni et de ne pas voir les choses gênantes. Et Jasmine dans sa nouvelle vie à San Francisco continue d’utiliser cette façon habituelle de vivre dans une réalité insatisfaisante en éclipsant ce qui pourrait lui déplaire et en fantasmant des possibles. Mais la réalité finit par se faire de plus en plus pressante : la relation que Jasmine avait débuté avec un homme séduisant et conforme en tous points à ses ambitions se termine quand il apprend qu’elle lui a menti sur sa vie passée. Le fils de Jasmine ancien étudiant brillant de Harvard qui a tout quitté par dégoût la rejette car il a compris que sa mère est à l’origine de la déchéance familiale pour avoir dénoncé le père au FBI  lors d’une crise folle de jalousie ; il lui impute donc le suicide du père etc… Jasmine finit par se retrouver alors dans la zone dangereuse qui n’appartient plus vraiment au déni où la réalité mais correspond à la grande instabilité psychologique qui se trouve entre les deux. La névrose du déni banal se transforme alors progressivement en décompensation psychique. La folie n’est pas loin. A travers le portrait féroce de Jasmine, e film de Woody Allen traite bien de notre époque, celle de l’hystérie-telling. De l’art de se raconter des histoires pour compenser la réalité insatisfaisante. Les bulles psychologiques comme les bulles monétaires s’inflate dangereusement au risque d’exploser sous le piquant du réel. On songe alors  à l’affaire Madoff, au décalage insensé entre les très riches et les autres, à la finance déconnectée du réel et à ses montages en pyramides de Ponzi ; il suffit qu un « maillon faible » lâche et tout s’écroule. Les portraits humains que fait Woody Allen de Ginger la prolo et de ses amis sont cocasses, réalistes.et finalement tendres. Mais cette nouvelle vie plus simple possible ne suffit pas à Jasmine. Son déni ressemble au déni du monde moderne vivant à crédit sous des pyramides de dettes réelles ou symboliques et l’on se demande comment tout cela pourra bien finir. C’est du bon Woody Allen. A voir donc, sans hésitation.

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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 11:02

La danse de la réalité est un film très original de l’artiste Alexandro Jorodowsky, qui s’est essayé au cours de sa vie à diverses formes créatives : poésie, films, bande dessinée (il a été longtemps le partenaire de Moebius avec lequel il a écrit entre autres la série l’Incal).

 

Jorodowski est né en 1929 à Tocopilla, petite ville minière et pauvre du Chili. Il est d’origine juive, déraciné comme ses parents, et vit une enfance difficile rejeté par des enfants indiens qui le considèrent comme différent car sa peau est blanche son nez pointu comme celui de Pinocchio, son sexe circoncis. Il subit aussi un père autoritaire qui veut faire de son enfant trop sensible quelqu’un de « fort » et le violente. Heureusement, sa mère protectrice et aimante, aux formes felliniennes, lui transmettra sa véritable force.

 

C’est cette enfance aux accents oniriques que Jorodowsky raconte dans ce film très atypique dans lequel il a fait jouer nombre de personnes de sa famille, recomposant de façon poétique et  thérapeutique sa saga familiale. Jorodowsky est par ailleurs connu dans les milieux ésotériques comme une sorte de maître, éveilleur mystique, il est par exemple à l’origine de la pratique « psycho magique » qui s'aide du tarot divinatoire à des fins thérapeutiques. Son film est je crois emplit d’enseignements philosophiques et ésotériques discrets à qui veut bien les voir.

 

Absolument anticonformiste, probablement choquant pour beaucoup, à la façon d'un Pasolini, il s’exprime par une poésie crue.Il montre les corps humains nus, mutilés, la maladie, la mort, la décomposition et la recomposition, les blasphèmes et les rédemptions improbables. Les images et les décors du film sont dépouillés, Comme si l'artiste avait voulu simplifier au maximum la forme, l'image, les plans. Afin que le fond apparaisse.

 

Demeure ainsi la leçon de vie, l'énergie salvatrice immense, celle qui a pu faire de l’enfant Jorodowski le vieillard aimant qui l’accompagne et le protège aujourd'hui : l’amour inconditionnel d’une mère, la foi en son étoile, le pardon, la tendresse intacte. Et une prise de distance d'avec le réel où le bien est le mal d'autre chose et réciproquement. On pense au "Notre Père" de Tolstoï où l'écrivain mystique souhaite ardamment ce qui va lui arriver et donne ce sens en une totale disposition aux événements  "Donne nous notre pain quotidien". Il montre comment des corps paralysés, rebelles à des conduites niant leur nature, peuvent guérir lorsqu'ils acceptent enfin ce qu'ils sont en sortant du déni. Parfois après un chemin de croix douloureux ou des rencontres providentielles comme Jorodowsky le montre à propos du père dans le film. 

 

Jorodowsky a fait jouer à l’un de ses fils le rôle de ce père si particulier avec qui l'on comprend qu'il veut se réconcilier. Il a recréé, comme on apprend à le faire dans certaines pratiques thérapeutiques (je pense en particulier à la récapitulation chamanique) des fins positives à ses propres histoires. La mère qui rêvait d’être cantatrice s’exprime en chantant dans le film, le père intransigeant et dur revient après ses épreuves avouer sa propre faiblesse et tuer symboliquement cette image si dure qu’il s’était construite à l'image de son modèle d'alors, Staline : il guérit alors de ses maux.

 

Par la poésie, Jorodowsky donne cette leçon : Si l’on veut guérir il faut profondément accepter ce que l'on est au fond de soi. Le vieillard Jorodowsky protège l’enfant qu’il a été, lui rend hommage. Et c'est la respiration, la présence de ce dernier en lui qui est essentielle au développement et à la création de l'artiste de 84 ans encore plein d'enthousiasme et nouveaux projets ! 

 

Un film à voir absolument, pour sa liberté, sa poésie et sa leçon.

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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 18:13

Elysium est un film de science-fiction réalisé par Neill Blomkamp, jeune réalisateur Sud-Africain (émigré aux US à L.A.) issu de l'univers du jeu vidéo et qui avait déjà commis l’excellent District 9 il y a quelques années.

 

Synopsis : Nous sommes en 2154, la terre est polluée et la grande majorité de sa population paupérisée. Les très riches l'ont quittée et ont élu domicile dans l’espace sur un tore gigantesque simulant la gravité et nommé Elysium. Les masses laborieuses restées sur la planète vivent dans des conditions ouvrières difficiles dignes du XIXème siècle. De gigantesques banlieues dévastées et bidonvilles prolifèrent, la violence et la maladie sont omniprésentes. L’ordre est exercé par des robots et la surveillance aérienne par des drones armés.  Sur Elysium l’herbe est verte et bien tondue, le calme absolu, l'atmosphère régulée clémente, les rapports humains policés. C'est un paradis artificiel. Les riches y vivent dans de luxueuses mansions et partagent leur temps entre les réceptions mondaines, le golf, l’éducation de leurs enfants... Des équipements médicaux sophistiqués leur permettent par régénération cellulaire de soigner toutes les maladies possibles et de prétendre ainsi, sauf accident majeur, à une quasi-immortalité. Sur terre, une bande de hackers rebelles et un peu déjantés tente de récupérer la technologie réparatrice pour la mettre au service de l’humanité. Les rares membres d’Elysium présents sur terre sont des dirigeants d’entreprise qui ressemblent par leur cynisme et leur attitude, à des généraux en temps de guerre chargé de « tenir » des territoires occupés…Il font la navette entre Elysium et leur sale boulot. On songe des sortes de Paul Bremer en Irak. Sans déflorer totalement la suite du film, on peut dire qu’un groupe d’humain composé d’un héros irradié lors d’un accident de travail (Matt Damon) et qui n’a que peu de temps à vivre, sa petite amie accompagnée d’une fillette atteinte d’un mal incurable et quelques rebelles armés, vont pénétrer l’espace protégé d’Elysium et défier son pouvoir (Jodie Foster excellente en présidente impitoyable) afin de bénéficier de la technologie de soin qui devrait être mise à profit des laissés-pour-compte terriens. Le film étant un blockbuster américain financé et produit par Hollywood, on peut aisément imaginer la fin…

 

Avis : L’intrigue est très conventionnelle, caricaturale d'actualité : le peuple de bons terriens exploités et les méchants égoïstes actionnaires en orbite qu abusent de leur situation dominante. C'est très américain et peu nuancé. Comme pour Avatar, il faut que le grand public comprenne vite qui sont les méchants et le manichéisme facilite la digestion rapide. Les thèmes de prédilection de Neill Blomkamp sont les mêmes que ceux de District 9 (apartheid, lutte des classes, injustice, cynisme des classes dirigeantes, novlangue dirigeante politiquement correcte, violence impitoyable des riches). Avant de réaliser des films, Neill Blomkamp  était un petit génie de l’industrie du jeu vidéo et l’on sent sa patte dans les différentes séquences de combats avec des robots où celles opposant le mercenaire Kruger (l’excellent Sharlto Copley acteur fétiche de Blomkamp) à Matt Damon lors de combats impitoyables. Fan de D9 (District 9) j’ai été déçu par le caractère grand public et sans surprise du film. Blomkamp a perdu de son mordant et sa satire sociale a un côté policé et has been, un goût de « déjà vu ». 

 

Note : Bof !

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12 août 2013 1 12 /08 /août /2013 11:30

Une visite récente à Istanbul m'a permis de revisiter ce musée d'Art Moderne, l'Istanbul Modern, que j'aime beaucoup. Il est situé sur la rive européenne et dispose d'un excellent café-restaurant qui mérite à lui seul aussi la visité pour sa cuisine et sa vue imprenable sur le bosphore.

Les oeuvres présentées si-dessous sont parmi celles que j'ai le plus appréciées :

 

Fausto Zonaro est un artiste italien (j'écris au présent car les artistes ne meurent jamais) qui a vécu à Istanbul à l'époque du sultan Abdülhamid II (1876 - 1909), et qui a produit un travail dans un mode orientaliste, cher à l'époque. En reconnaissance de son talent, Zonaro est devenu l'artiste "attitré" du Sultan en 1897 et a peint alors un certain nombre de portraits de la cour impériale. La toile 10 Muharrem (Ashurah) représente des derviches qui se flagellent lors de la traditionnelle cérémonie paroxystique qui commémore la mémoire du martyr de Husayn Ibn Ali, le petit-fils du prophète Mahommet lors de la bataille de Karbala le 10 Octobre 680. Pour les musulmans de la région, c'est généralement un jour de repentance et de punition collective, d'autoflagellation, pour "partager" la souffrance d'Husayn Ibn Ali et proclamer sa foi. Le point de vue du peintre semble ici immergé parmi les repentants. La lumière est traitée sur un mode monochromatique, la lueur rouge-orangée des flammes dans la nuit. On sent le caractère extraordinaire et sacré, maitrisé de la procession, renforcé par la posture docte du prêtre qui avance solennellement. Sur la gauche à l'avant-plan un détail qui peut paraitre presque incongru mais qui ajoute au mystère, deux femmes qui prient ou chante. Il y a une ambiance extra-ordinaire qui se dégage de cette grande toile. Grâce à Zonaro et à la protection du Sultan dont il bénéficie et qui lui a obtenu la permission de représenter des scènes au caractère très privé et sacré, le spectateur peut être le témoin d'une cérémonie à la ferveur religieuse extrêmement intense et baignée d'une ambiance quasi irréelle. 

The 10th of Muharrem

 

 

 

Nedim Günsür (1924 - 1994) a étudié aux Beaux-Arts d'Istanbul sous la direction de Bedri Rahmi Eyüboglu. A la suite de quoi, il partit rejoindre, comme son professeur l'avait lui même fait, l'atelier parisien de André Lhote durant quatre années. A son retour, il quittera Istanbul pour enseigner à Eregli sur la mer noire, une région riche en mines de charbons. Il sera très marqué par la difficile condition de vie des mineurs. Son tableau "Mineur" représente la figure forte, presque héroïque d'un mineur qui apparait au premier plan, le visage taillé et contrasté comme une sculpture. Derrière la mer, le port et les navires apparaissent mais n'ont rien d'un paysage idyllique. Tout semble imprégné par la poussière grise, la houille, même l'eau grise. Günsür rend ici hommage à une sorte de superhéros des temps modernes qui par son labeur permet une vie meilleure au plus grand nombre. Nous sommes en 1957 et le progrès est en marche avec ses armées de travailleurs et de sacrifices.  

Mineur - 1957

 

 

Yuksel Arslan (1933 - ) a étudié au département d'histoire de l'art de l'université d'Istanbul. Son amour de l'art lui même le poussa a quitter ces études pour devenir lui même un artiste. Arslan a développé un style, critique, satirique de la modernité sociale. Il a développé son propre style, influencé aussi bien par la calligraphie, le théâtre d'ombres, le marxisme et les théories freudiennes de la psychanalyse. Ici dans son oeuvre " Process de Production Capitaliste 1", il montre de façon caustique l'impact du capitalisme sur l'individu. Dans une usine ou les ouvriers sont semblables et ravalés au rang de machines à l'apparence standardisée, deux industriels au premier plan à droite discutent, l'un d'eux a une pièce de monnaie à la place du visage,... On est dans la caricature satirique.

Process de Production Capitaliste 1 - 1972

 

 

 

Nury Iyem (1915 - 2005) a été étudiant a l'école des Beaux-Arts d'Istanbul en 1933. Il est connu pour avoir était un observateur très attentif de la société et de ses transformations. Dans son travail, il essaie d'être très "proche" des gens, pour peindre au mieux ce qui l'intéresse et le montrer : les visages et leurs expressions, l'intérieur des maisons, les paysages de campagne ou urbains, les faits sociaux, etc. Ses toiles recherchent l'harmonie et sont très habilement réalisées dans leurs plans, contrastes, compositions, textures. Nury Iyem est très connu pour son travail sur les portraits de femme. Les paysannes est une grande toile qui m'a vraiment marquée du fait de la taille des visages de femmes qui y sont représentées, l'une de face, l'autre à moitié de profil et la dernière de profil. Des hommes, dans le paysage en arrière plan marchent au loin sur une petite route au milieu des champs. On ne sait ce que pense ces femmes mais on sent tout le poids la tradition dans cette toile. On peut s'imaginer mieux leur vie, s'en rapprocher en les regardant. Les couleurs de la toile, sont très belles, harmonieuses et cette beauté adoucie la  vie. 

Les paysannes

 

 

 

Après ses études aux Beaux-Arts d'Istanbul avec le professeur Léopold Lévy, Avni Arbas (1919 - 2003) a passé ensuite trente années à Paris à étudier différents styles sans en adopter plus précisément un particulier. Il a créé le sien dans lequel il dissout les éléments de réel  dans la peinture, rend les détails invisibles mais présents. Restent des traces, des impressions qui placent ses oeuvres entre l'abstraction et la figuration. Il travaille sur des motifs qui lui sont chers, rend les éléments naturels palpables comme ayant une vie propre. C'est le cas de la mer et du brouillard sur sa très belle oeuvre "Le bateau". J'aime cette peinture  intemporelle, qui ne peut que "parler" à tous les marins qui aiment le monde poétique du voyage en mer, les départs et les retours, l'isolement du monde, la fraternité de l'équipage,  "seul au monde", le face à face avec l'immensité, l'aventure.

Le Bateau - 1955

 

 

 

Bedri Rahmi Eyüboglu (1911-1975) est un artiste turque important dans l'histoire contemporaine du pays. Il est connu pour s'être essayé à différents modes de représentation, les mixant parfois, peinture, mosaïque, céramique, représentations murales, calligraphie, sérigraphie, etc. Durant sa jeunesse, il est venu à Paris et a travaillé dans le studio d'André Lhote par lequel il a été très fortement influencé.

La toile "Café House", résume un certain nombre de ses expériences et influences. On peut par exemple ressentir l'influence de Matisse et de Dufy à travers le choix des couleurs, comme la table rouge et la composition.Beaucoup d'éléments folkloriques sont aussi présents dans le tableau, les habits, motifs, symboles, de la culture turque. Des personnages de la toile se dégagent des impressions différentes : les deux figures du centre semblent là pour se reposer, prendre un peu de temps hors de la pesanteur du monde, celui de gauche, pale et droit semble plus élevé, presque dans une posture méditative, inspirée. A droite le musicien est dans son monde, celui de la musique.

Coffeehouse - 1973

 

 

 

 

Orhan Peker (1926 - 1978)  fut l'élève de Bedri Rahmi Eyüboglu. Sur cette magnifique toile, peut-être ma préférée dans ce musée, un  garçon  garde  le fruit de sa pêche, trésor quotiden. les deux chats à coté observent le plateau avec intérêt probablement prêts à se servir à la moindre inattention du jeune homme. La composition du tableau est intéressante, on se sait si l'arrière plan est la mer sombre ou un muret auquel serait adossé le garçon. Il semble perdu dans ses pensées. La scène se passe probablement au crépucule à un moment où certaines couleurs se fondent. 

Le jeune pêcheur et les chats - 1976

 

 

 

Azade Koker (1949 -) . Après son diplôme des Beaux Arts d'Istanbul, elle part faire ses études aux Beaux Arts de Berlin étudier la céramique et le design industriel. Dans cette oeuvre monumentale, Köker montre un paysage de forêt mais si on s'approche plus prêt on s'aperçoit qu'il est composé par la surimpression d'une multitude de cranes. Et suggère au même titre que son oeuvre la recomposition de la vie et les âmes dont est habitée la nature. Quelque chose de mystique se dégage de cette oeuvre intéressante, philosophique, qui m'a fait la même impression qu'une ballade dans un magnifique cimetière au Japon sur les Monts Koya, lieux sacrés du bouddhisme.

Paysage du Silence - 2010

 

 

 

Ghada Amer (1963 -) est née au Caire en Egypte. Jeune, ses parents ont déménagé en France et elle a étudié l'art à la Villa Arson puis à l'international à Boston. Elle vit à New York. Le travail d'Amer questionne les clivages politiques entre l'Est et l'Ouest et entre les Hommes et les Femmes. L'oeuvre de l'artiste est composée de fils cousus sur des toiles de peinture acrylique. l'oeuvre ici exposée ressemble a un rideau aux motifs répétés. Il faut s'arrêter quelques minutes devant elle pour voir se détacher progressivement des figures de femmes, un arrière plan très érotique ici en l'occurrence. C'est subtil et excellent.

Sunset in Isfahan

 

 

 

Ahmet Ertug (1949 - ) a étudié l'architecture à Londres. Il a ensuite commencé a étudier la photographie avec des projets notamment sur l'architecture perse ancienne et celle traditionnelle du Japon. A son retour à Istanbul, il s'est intéressé à l'héritage Romain, Byzantin et Ottoman. Ses photos d'architectures, sculptures et paysages prises à l'aide d'un grand format 20x25 montrent précisément les couleurs et les détails dans toute leur diversité.  Dans son travail sur les domes, Ertug a photographié l'icone byzantine par ecxellence, la sublime église Sainte Sophie. Ertug nous offre avec ces photographie un merveilleux point de vue sur ce monument qui mérité largement d'être qualifié de huitième merveille du monde.

Dome, Hagia Sophia

 

 

 

 

 

Ramazan Bayrakoglu (1967 - ) a étudié aux Beaux-Arts de l'université de Dokuz Eylül.. Bayrakoglu s'est intéressé au retravail sur des objets, photographies pré existantes. Il prend des choses marquantes et les retravaille pour leur donner un caractère plus fort, une sorte d'hyper réalité d'où peuvent naitre des impressions plus puissantes. Ici sur cette maison en feu, ce sont les thèmes de l'impermanence, de la disparition possible de toute chose matérielle qui frappent. Quand on s'approche de la photographie elle semble avoir été reconstruite comme un gigantesque puzzle à la surface brillante. Décomposition, recomposition, le processus de vie bien sûr.

Feu - 2010

 

 

 

 

Sabire Susuz (1967) a fait des études de peinture à l'université de Dokuz Eylül. Elle a beaucoup travaillé sur les processus de reproduction d'éléments pour les recombiner dans un tout. Des études en biologie l'ont aussi orientée vers l'émergence de formes complexes à partir de cellules élémentaires. Ici, silhouette inquiétante de ce grand requin est composée à partir d'une multitude d'étiquettes de vêtements de marque.

Au spectateur d'en comprendre le message...

Shopping - 2011

 

 

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